Difficultés à se concentrer, mémoire qui flanche, capacités mentales réduites : un tiers des patients atteints d’un covid long souffrent de troubles neurocognitifs. Une unité spécifique les accueille à la Rehaklinik du CHNP d’Ettelbruck.
Si le covid-19 se manifeste principalement par des symptômes respiratoires, le virus est loin de s’arrêter aux poumons : «Il s’attaque à tous les organes et également au cerveau, qu’il atteint à travers les différents flux corporels», explique le Dr Charles Benoy, psychologue et psychothérapeute à la Rehaklinik du CHNP d’Ettelbruck, où 70 patients sont déjà pris en charge pour des troubles psychiques ou neurologiques, et la liste d’attente pour un premier rendez-vous dépasse désormais les 100 personnes.
Car ces troubles postcovid ne sont pas rares : environ un tiers des personnes atteintes par un covid long présentent des symptômes neurologiques, et ce, qu’elles aient contracté une forme grave ou bénigne de la maladie. «On a énormément de demandes», confirme le Dr Charles Benoy, qui dirige le groupe de six psychologues et neuropsychologues récemment affectés à cette nouvelle unité. Les premiers traitent les pathologies psychiques, comme la dépression, tandis que les seconds sont spécialisés dans les troubles cognitifs comme les troubles d’apprentissage, de la concentration, de la mémoire ou de la planification des tâches.
«Les troubles neurocognitifs constituent le troisième symptôme le plus répandu du covid long, après la fatigue chronique et la perte de goût et d’odorat», précise le psychologue, qui n’a pas été surpris outre mesure par ces conséquences. «On observe le même type de symptômes neurologiques dans d’autres maladies infectieuses comme le VIH ou la borréliose de Lyme par exemple», note-t-il. La communauté de chercheurs autour de ces questions a donc rapidement alerté sur des effets potentiels sur le cerveau en lien avec le Covid-19.
À cette série de symptômes handicapants s’ajoutent souvent pour les patients des troubles dépressifs engendrés par cette nouvelle vie dans un corps diminué – 30 % de ceux suivis au CHNP ont perdu leur travail ou ont subi une importante perte de revenus – avec de lourdes séquelles psychologiques : «On voit du stress post-traumatique, notamment chez des personnes qui ont été renvoyées chez elles alors qu’elles étaient gênées pour respirer, et qui ont eu peur de mourir en s’étouffant», rapporte le Dr Charles Benoy.
Des thérapies individualisées en fonction des symptômes
Pour faire face à ces symptômes qui diffèrent d’un patient à l’autre, la prise en charge est individualisée et adaptée aux besoins de chacun : «Pour la fatigue chronique, on applique des programmes qu’on connaît et qui consistent à guider les patients dans leur quotidien pour prendre conscience des limites de leur réserve d’énergie. Idem pour le stress post-traumatique : on met en œuvre des techniques qui ont fait leurs preuves», détaille le thérapeute, ajoutant que quelques patients ont aussi développé des phobies. Ils redoutent plus que tout de retomber malade et restent cloîtrés chez eux.
«Quant aux troubles neuropsychologiques, on mise sur un entraînement cérébral via une application mobile (lire ci-dessous) et on met en place des groupes de parole pour que les patients se sentent moins seuls», poursuit le docteur.
Si le corps récupère avec le temps, le Dr Charles Benoy se montre très clair et ne cache rien à ces patients : «Il se peut que l’un ou l’autre symptôme ne parte pas et que la personne doive apprendre à vivre avec. Mais les résultats de certains projets de recherche à l’étranger sont encourageants. Donc il y a de l’espoir», sourit-il, alors que le risque de suicide est très élevé chez les patients quand il s’agit de maladie somatique chronique pour laquelle il n’existe pas de véritable traitement. C’est pour cette raison qu’auprès de nouveaux patients, la priorité absolue pour l’équipe de thérapeutes de la Rehaklinik du CHNP est de s’assurer que la situation ne se dégrade pas davantage, avant de tout tenter pour l’améliorer.
Si vous êtes concerné par des symptômes persistants après une infection au Covid-19, consultez votre médecin : lui seul peut vous diriger vers le parcours de soins national dédié au covid long.
Dès cette semaine, la Rehaklinik va proposer à ses patients d’utiliser l’application Neuronation dans le cadre de leur thérapie : «Nous évaluons leur attention, leur mémoire et l’état de leurs fonctions exécutives pour voir où sont leurs difficultés et mettre au point un programme d’exercices personnalisé à faire à la maison sur l’appli», explique le Dr Yasmine Schroeder, neuropsychologue à la Rehaklinik du CHNP.
Un protocole innovant, mis au point en collaboration avec l’hôpital universitaire de la Charité à Berlin, qui travaille quatre thématiques – l’attention, la rapidité, le raisonnement et la mémoire – et qui présente de bons résultats jusqu’ici, notamment auprès de patients ayant subi une chimiothérapie. «Il est important de s’entrainer régulièrement chez soi, entre les rendez-vous avec les thérapeutes. On espère que le temps amène de la récupération spontanée et, en parallèle, nous élaborons des stratégies pour que ces patients puissent gérer le quotidien.»
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