La Chambre des députés devrait voter les nouvelles mesures de confinement partiel ce lundi. Tour d’horizon avec Mars Di Bartolomeo, le président de la commission de la Santé.
Le député socialiste admet que le nouveau paquet de mesures contient quelques incohérences, mais il faut faire des choix, selon lui, avec les données à notre disposition. Le projet de loi ne fera pas l’unanimité, mais il sera voté.
Quelle première analyse des nouvelles mesures avez-vous faite en commission ?
Mars Di Bartolomeo : Tout d’abord, il y a consensus pour dire que la situation ne s’améliore pas assez et que les risques de dérapage restent réels. Il faut agir en conséquence.
Que dire des incohérences dans les mesures proposées ?
C’est la recherche d’un difficile équilibre entre ce qui contribue à barrer la route au virus et le maintien d’une certaine normalité. On peut discuter de la première mesure qui dit qu’à l’avenir on ne pourra accueillir que deux personnes d’un même ménage à la maison. Pourquoi pas trois, est-on en droit de se demander, ou quatre ou une bulle. Cela exprime juste un message clair : restez chez vous autant que possible. Si on veut se donner un coup d’oxygène à l’approche des fêtes, il faut pouvoir renoncer pendant un certain laps de temps à des fêtes de famille ou entre amis. Il faut réduire autant que possible les contacts, le message est donc clair.
Il y a des critiques. On invite la population à rester à la maison, à limiter les contacts sociaux, on ferme les cinémas, mais pas les commerces…
On peut discuter de tout, mais il faut faire un choix. On peut fermer les églises et on nous reprochera de ne pas respecter la liberté de culte. Toute mesure peut être contestée isolément, mais on cherche vraiment à contenir la propagation du virus sans créer trop de dégâts collatéraux. On peut prendre l’exemple de la pratique sportive. On dit d’un côté que les enfants peuvent continuer à exercer le sport à l’école et toute une classe se retrouve à la piscine, mais, malgré toutes les mesures sanitaires qui ont pu être prises ces derniers mois, on ferme les piscines pour les adultes, même si on est à deux ou trois nageurs par couloir. Mais c’est le choix qui a été fait. Il y a des choses qui se défendent. Les enfants qui ont été durement mis à l’épreuve pendant l’état de crise ont droit aux activités physiques. Certains adultes deviennent malades si on leur enlève le sport, c’est vrai aussi. Personnellement, j’accepte le choix et je vais passer à la bicyclette et au rameur. Mais il est vrai également que nous allons voter cette loi.
Le message est clair, mais ne semble pas être entendu vu la foule qui se déplace pour faire du shopping. Les frontaliers, qui eux sont confinés, se risquent aussi à venir en profiter. Ne fallait-il pas plutôt confiner pendant deux semaines pour éviter ces concentrations de population ?
Dans les mesures qui vont être décidées, on privilégie celles qui ciblent les foyers d’infection, donc on fait des choix. Si on confine complètement, le bilan serait extrêmement lourd. Je pense que l’approche du gouvernement et du Parlement est celle de faire des choix ciblés. Dans toute cette catastrophe du virus, personne n’a encore trouvé LA réponse, à part ces dictateurs qui s’autoproclament vainqueurs du virus, mais dont les affirmations ne sont pas contrôlables et dont nous ne voulons pas. Quant aux frontaliers qui circulent tous les jours pour venir travailler au Luxembourg, nous ne pouvons pas leur dire de rester chez eux, car nous avons toujours tous vécu en harmonie avec les frontaliers.
Les chiffres sont élevés et les hôpitaux sont passés en phase 4, c’est-à-dire que des opérations non urgentes sont repoussées. Pensez-vous que ces nouvelles mesures suffiront à améliorer la situation ?
Il y a une certaine évolution, mais encore trop timide. Il n’y a pas encore explosion, les chiffres sont extrêmement élevés et il ne faut pas les banaliser. Ceux qui continuent à dire que ce n’est qu’une petite grippe n’ont vraiment rien compris. Pour certaines personnes, ce n’est pas pire, mais ils peuvent infecter des gens qui peuvent en mourir. Quant aux hôpitaux, et au système de santé en général qui réalise un travail formidable, ils réussissent à maîtriser la situation, mais plus pendant des semaines ou des mois. Ce qui me désole, c’est de voir le nombre de personnes âgées qui meurent du virus. Même si les gens étaient fragilisés avant, ce n’est pas une raison d’accélérer leur mort. Toutes les maisons de retraite font des efforts énormes et, là encore sans légiférer, on peut agir de façon très ciblée.
Avez-vous déjà proposé des amendements ?
Oui, on a fait des propositions. Aussi suis-je convaincu que le Conseil d’État, à l’instar de la commission de la Santé, ne fera pas lui non plus un rapport de complaisance. Il y a un amendement qui concerne les sportifs des équipes nationales et nous avons aussi très longuement discuté de ces bulles, pour savoir si on augmente le nombre de personnes qui peuvent visiter un ménage. Limiter à deux personnes, c’est vraiment dire : rester chez vous pour que l’on puisse regagner cette liberté d’être à nouveau en famille. Renonçons pendant un certain temps aux regroupements et décalons les fêtes familiales.
Pour évaluer l’efficacité d’une mesure, il faut des données. Des foyers d’infection ont-ils été relevés dans les cinémas ou les théâtres par exemple ?
Je ne sais pas. Il faut que l’on se concentre sur ce que nous pouvons faire au lieu de nous concentrer sur telle ou telle mesure. Chacun doit réfléchir à son propre rôle et se demander ce qu’il peut faire de son côté pour bloquer le virus. Portons un masque, respectons la distance, évitons les fêtes. Il n’y a pas d’alternative à la discipline et à l’intelligence, elles sont les meilleures armes contre cette saleté de virus. Ce qui est sournois dans ce virus, c’est que quand on a l’impression de l’avoir sous contrôle et qu’on commence à baisser la garde, il frappe très fort. Il attend que les portes s’ouvrent. Si on savait parfaitement où sont ces portes, on pourrait agir encore de manière plus ciblée. Mais c’est encore très diffus. Il y a des foyers identifiés et identifiables, mais il y a aussi cette omniprésence du virus. Il y a ce que l’on peut éviter très facilement et les messages donnés à travers une loi plus restrictive sont clairs. Le couvre-feu, c’était un message très fort.
Nous disposons de données, mais nous avons cette zone grise où l’on ne détecte pas les origines de l’infection
Mais cela n’a pas suffi…
Tout le monde ne l’a pas respecté, mais cela a fait comprendre à beaucoup de monde que la situation était grave. On n’a jamais eu de couvre-feu depuis la Seconde Guerre mondiale et cela influence la manière de réfléchir et d’agir.
Le gouvernement, sorti de l’état de crise, transfère la responsabilité des décisions vers les députés. Disposez-vous des mêmes éléments que le gouvernement pour estimer ces mesures ?
Nous disposons de données, mais nous avons cette zone grise où l’on ne détecte pas les origines de l’infection. On peut dire que l’école n’est pas un foyer prioritaire, mais le virus peut y être importé. Les adultes peuvent s’y infecter. Faut-il fermer les écoles? Je dis non. J’ai toujours demandé que l’on précise les clusters. Il y a le cercle familial et privé, les bistrots et les regroupements devant les bistrots, c’est clair. En revanche, on n’a que peu d’échos concernant des cas d’infection dans les magasins.
Pensez-vous que nous pourrions connaître encore un confinement total comme au printemps ?
Le confinement, c’est la dernière cartouche. On pourrait aussi décréter un second état de crise qui permettait de réglementer au jour le jour, mais nous y avons renoncé. Au final, on ne gagne pas beaucoup plus de temps. Le gouvernement a bien fait de préparer un texte qui n’est peut-être pas parfait, mais qui a le mérite d’exister et d’être voté à très brève échéance. Le gouvernement, le Parlement et le Conseil d’État ont fait des efforts extraordinaires et à trois on travaille définitivement mieux que tout seul.
Les députés seront-ils prêts dès ce lundi ?
On espère que l’avis du Conseil d’État sera disponible lundi (NDLR : aujourd’hui). La commission de la Santé se réunira le même jour pour analyser l’avis et le rapport de la commission sera présenté mardi et le vote pourra alors avoir lieu au plus tôt ce jour-là dans l’après-midi. La loi sera publiée le lendemain et entrera en vigueur. C’est le scénario du Parlement si le gouvernement ne fait pas de nouvelles propositions.
Le Premier ministre annonce l’arrivée d’un vaccin le mois prochain si tout va bien. Comptez-vous en profiter dans l’état actuel des avancées scientifiques ?
J’exige pour moi la même chose que j’exige pour tous mes concitoyens, c’est-à-dire que l’on dispose d’un vaccin offrant le plus de garanties possibles et que sa plus-value dépasse largement le risque résiduel. Je conseille la vaccination et je ferai partie de ceux qui se feront vacciner. Je fais confiance aux structures que l’on s’est données, que ce soit l’OMS ou l’Agence européenne du médicament et aux experts qui ne sont pas liés à des lobbys. C’est une bonne chose de voir des scientifiques qui développent des vaccins et qui ne font pas partie des lobbys classiques du „big pharma“.
En ces temps de pandémie, le représentant de l’OGBL à la quadripartite Santé a rappelé le désir du syndicat de voir le budget du congé maternité (161 millions d’euros) revenir dans le giron du ministère de la Famille comme c’était le cas avant que vous, ministre de la Santé et de la Sécurité sociale à l’époque, décidiez de le transférer à la caisse de maladie. Qu’en dites-vous ?
Je ne vais pas me mêler de cette discussion, mais, comme mon successeur, j’ai toujours insisté pour que la compensation soit maintenue.
Cette compensation n’est que de 20 millions…
Il ne faut jamais oublier les efforts faits depuis 2010 qui, avec une bonne évolution de l’économie et de l’emploi, nous ont permis de constituer une bonne réserve. J’avais hérité en 2004 d’une caisse de maladie en déficit structurel et nous avons retrouvé entretemps un très bon équilibre. Je salue l’intelligence de tous les partenaires qui n’ont pas exigé une réduction des cotisations quand les 10 % de la réserve ont été dépassés. Je fais pleine confiance à Romain Schneider et à notre système de soins et à notre sécurité sociale basée sur la solidarité et je me battrai bec et ongles contre une libéralisation du système.
Entretien avec Geneviève Montaigu