La Commission nationale d’éthique (CNE) recommande au gouvernement de «très sérieusement considérer» cette méthode, tout en traçant des lignes rouges éthiques à ne pas franchir.
Une prise en compte «nécessaire» du traçage informatique, mais une mise en œuvre qui devra être faite, le cas échéant, sous conditions : la Commission nationale d’éthique (CNE) juge de manière positive cette méthode visant à casser les chaînes de transmission du Covid-19. Au nom de la santé publique, mais pas à n’importe quel prix : «quel que soit le choix technique, le traçage doit être volontaire, transparent, minimaliste et limité dans le temps avec un objectif clairement défini», explique la commission.
Xavier Bettel plaide pour une solution européenne
Le gouvernement avait, dès le début, indiqué ne pas être favorable au traçage informatique, à moins que la question ne se pose – ou plutôt ne s’impose – sur la table européenne des négociations.
Avec ses nombreux travailleurs frontaliers et avec les avancées réalisées chez nos trois pays voisins depuis les premières déclarations de Xavier Bettel à ce sujet, l’introduction à terme d’une forme de traçage informatique semble inévitable au Luxembourg. Reste à savoir sous quelle forme il ferait son apparition, car les approches française, belge et allemande ne convergent pas forcément. Alors pour ce qui est d’une future harmonisation au niveau de l’Union européenne…
Le traçage devra être «volontaire»
Selon la CNE, en tout cas, l’adhésion à ce traçage devra être «volontaire». Cela implique que le caractère volontaire devra être protégé. Ainsi, d’après la CNE, le système devra assurer un consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il devra aussi permettre aux personnes concernées de revenir sur leur décision et d’effacer à tout moment les données collectées sur leur appareil : la réversibilité devra donc être garantie.
De plus, aucune personne, organisation ou entreprise n’aura le droit de soumettre ses offres, services, emplois ou quelconques prestations à la condition d’utiliser un traçage informatique, souligne la Commission nationale d’éthique.
Le traçage devra être «limité dans le temps»
La deuxième condition fixée par la CNE est que le traçage soit temporellement limité et qu’il ait un objectif clairement défini. En d’autres mots, le fonctionnement de l’application utilisée doit avoir une durée strictement limitée, définie d’avance et connue par les utilisateurs.
De plus, la désactivation automatique doit être intégrée et un prolongement de cette durée ne devrait être possible que par un consentement exprès renouvelé, estime la Commission nationale d’éthique. Par extension, la CNE est d’avis que les données traitées par le portable devront être irrémédiablement détruites sur le smartphone après la période de rétention épidémiologiquement pertinente.
Concernant la condition liée au champ d’utilisation des données personnelles, la commission juge que l’application devra répondre au critère d’un niveau de traitement minimal de celles-ci, requis au regard des finalités poursuivies.
Des garanties pour assurer la confidentialité
Pour éviter tout abus, la mise en œuvre d’un traçage informatique devra notamment être accompagnée par un comité ad hoc externe, composé de spécialistes informatiques, de la santé, de la protection des données et d’éthique, selon la CNE. De plus, l’application devra être certifiée par une autorité compétente, après avis de la Commission nationale pour la protection des données.
Bluetooth préféré à la géolocalisation
Concernant la technologie concrète de traçage, la CNE exclut la géolocalisation, car elle «ouvrirait sans nécessité la voie à des abus et dangers majeurs». Le traçage via Bluetooth, lui, «s’avère comme une piste à explorer» selon la commission. Elle souligne encore qu’un tel traçage est moins invasif qu’un traçage dit «analogue» (ce qui est fait actuellement).
Claude Damiani
Les quinze membres
de la Commission nationale d’éthique
La CNE réunit la directrice adjointe au lycée classique de Diekirch et professeure en philosophie Julie-Suzanne Bausch (présidente), le directeur des soins au Centre hospitalier Émile-Mayrisch, Serge Haag (vice-président), la professeure de la faculté des lettres, des sciences humaines, des arts et des sciences de l’éducation de l’université du Luxembourg Christel Baltes-Löhr, le secrétaire général du Conseil économique et social (CES), Daniel Becker, la cheffe d’unité adjointe du Centre d’investigation et d’épidémiologie clinique (CIEC) au Luxembourg Institute of Health, Manon Gantenbein, la présidente du tribunal d’arrondissement de Diekirch, Brigitte Konz, l’assistant social au Service national de psychiatrie juvénile de l’hôpital Kirchberg, Fabrice Mousel, le pédagogue et diplômé de sciences de la communication Jean-Paul Nilles, le médecin chef de service en Évaluation et Rééducation fonctionnelle au Centre hospitalier de Luxembourg, Fernand Pauly, le membre du Conseil d’administration de l’Union des entreprises luxembourgeoises, Jean-Jacques Rommes, l’avocat à la Cour Me Jean-Jacques Schonckert, le chercheur scientifique au Luxembourg Centre for Systems Biomedicine de l’université du Luxembourg Christophe Trefois, la pédiatre au Centre hospitalier de Luxembourg Christiane Weitzel, la psychologue et chargée de direction de respect.lu, Karin Weyer, et la professeure au Centre de ressources pour les services socioéducatifs et l’offre périscolaire dans les lycées, Pascale Worré.