Le choix du gouvernement de ne présenter plus que les chiffres de contamination du Covid concernant les résidents interroge. Il y a une logique par rapport à ce qu’est le pays au sens géographique strict. Mais une démarche biaisée par rapport à l’espace « Luxembourg » dans sa dynamique réelle.
De façon assez logique, le Luxembourg a décidé de présenter son meilleur visage à la communauté internationale concernant la gestion du virus. Le pays a pu ressentir injustement les divers classements en zone rouge depuis le début de la pandémie, alors qu’il teste énormément. La démarche suivante prévaut désormais dans les chiffres de contamination officiels : seuls les tests et résultats concernant les résidents sont communiqués. Ce qui allège partiellement la note finale : sur les remontées du mois d’août par exemple, les frontaliers pesaient en moyenne entre 10% et 15% des statistiques de contamination.
Problème, le Luxembourg n’est pas un pays comme un autre. C’est une métropole-pays qui rayonne bien au-delà de ses frontières, pour le meilleur comme pour le moins bon. Un peu comme si une ville comme Bordeaux était un Grand-Duché indépendant.
L’exemple du chômage
Concrètement, 46% des actifs du pays sont frontaliers. Cette donnée change totalement la physionomie des statistiques à tous les niveaux. En statistique biaisée dans le mauvais sens, donnons l’exemple suivant : le Luxembourg à l’image lourde à porter d’un pays d’« ultra-riches ». On sait que le PIB / hab. du Grand-Duché est élevé, mais en réalité, il l’est moins que dans les études internationales, où il se retrouve régulièrement à jouer la première place avec des petits pays du Golfe. Tout simplement car l’opération bête et méchante qui consiste à diviser le PIB par le nombre d’habitants n’est en rien significative quand le « Grand-Luxembourg » qui déborde sur ses trois-frontières correspond en réalité à un bassin de vie de 1,2 million d’habitants (les frontaliers et leur foyer), et non pas 600 000 stricto sensu. Et qu’une partie de ce PIB par habitant se trouve donc en réalité de l’autre côté de la frontière !
Parfois, les chiffres sont biaisés dans le bon sens pour le Grand-Duché. C’est le cas emblématique du chômage. Nous présentons souvent un taux assez bas qui est flatteur (autour de 5%). C’est oublier que parmi les 46% d’actifs du pays (les frontaliers donc), la plupart de ceux qui perdent leur job disparaissent rapidement des statistiques. Ils sont rarement suivis par l’agence de l’emploi luxembourgeoise, qui communique leur chiffre, mais via celle de leur pays de résidence. L’indemnisation chômage se fait d’ailleurs avec leur pays et infrastructures sociales de résidence. Notre taux de chômage est donc biaisé, puisque dans l’ensemble, il ignore le chômage de toute une partie de nos actifs ! Intégrer les chômeurs frontaliers serait toutefois complexe : quelle est la population active de référence à retenir ? Qui peut déclarer ne rechercher du travail qu’au Grand-Duché et non plus seulement dans son pays d’origine ? De façon plus claire : qui pourrait être déclaré chômeur du marché de l’emploi luxembourgeois ou du marché de l’emploi belge ou français dans cette Grande Région ? Toujours est-il que la statistique est faussée et que le taux de chômage réel du « Grand-Luxembourg » avoisinerait plus probablement les 9 ou 10% si le pays avait ses frontières à la taille de son bassin de vie économique.
Pour en revenir au Covid
Revenons à notre statistique sur les contaminations du Covid-19. Tout d’abord, les frontaliers cotisent à la sécurité sociale luxembourgeoise et dépendent de cette dernière, comme les résidents. Ils font en cela intégralement partie de l’espace sanitaire « Grand-Duché », s’il fallait l’esquisser. Ils sont à la charge du Luxembourg pour le remboursement des soins (par jeux de vases communicants entre caisses nationales), mais il ne faudrait plus les compter pour le bilan ? Autre question : quelle est la hauteur réelle de l’iceberg « frontaliers contaminés » ? Les chiffres auparavant inclus ne reflétaient quoiqu’il en soit pas l’ampleur réelle des frontaliers contaminés, puisque les tests concernant ces derniers étaient largement minoritaires même si bien réels.
Et donc, combien de frontaliers sont allés se faire soigner directement en France ou en Belgique du Covid ? Combien d’habitants de ce Grand-Luxembourg n’ont de toute façon jamais existé dans les statistiques communiquées à l’international ?
Hubert Gamelon