La colère est grande parmi les futurs enseignants. Près de 350 d’entre eux se sont réunis à Bonnevoie samedi pour inciter le ministre Meisch à revoir ses plans en matière de lutte contre la pénurie dans la profession.
« Et en plus, il faut qu’on se déplace un samedi pour dénoncer les errements du ministre… » Ces mots sont ceux d’un futur enseignant présent au grand rassemblement de la nouvelle génération d’enseignants, au Casino syndical de Bonnevoie. Si ce bâtiment est pour l’instant un immense chantier, il en va de même pour le système d’éducation au Luxembourg. Avec à chaque fois des coups de gueule, menaces de grève et bras de fer entre le ministre de tutelle, Claude Meisch (DP), et les acteurs du terrain. «La stratégie de Claude Meisch est de diviser pour mieux régner», affirmait hier matin lors du Club de la presse sur les ondes de RTL une de nos consœurs du Wort.
La journaliste en question faisait référence à l’accord signé par le ministre de l’Éducation nationale avec le seul Syndicat national des enseignants (SNE) pour lutter contre la pénurie d’enseignants, révélée au grand jour à l’occasion de la rentrée scolaire de septembre 2017.
Une ouverture fustigée
L’ouverture plus large de la carrière pour devenir enseignant, confirmée vendredi par le Conseil de gouvernement, reste très contestée et est même fustigée par le camp de l’opposition à la Chambre (lire notre édition de jeudi) mais aussi le SEW/OGBL, l’autre syndicat majeur dans le domaine de l’enseignement. «Personne n’était au courant de ces négociations secrètes», fustige Patrick Arendt. Le président du SEW/OGBL est à l’origine de la mobilisation organisée samedi à Bonnevoie. Le FNCTTFEL-Landesverband et la Fédération générale des instituteurs luxembourgeois (FGIL) s’étaient joints au mouvement, le tout à la demande des futurs enseignants, inquiets sur leur avenir professionnel.
«On ne peut pas être opposé à la tentative du ministre de lutter contre la pénurie d’enseignants. Mais cette ouverture de la carrière à des détenteurs d’un bachelor dans une autre matière que les sciences éducatives doit être limitée dans le temps. On pense à une période de deux ans afin de ne pas donner des idées aux jeunes qui s’intéressent au métier d’enseignant mais décident de choisir ce raccourci pour entrer dans la profession», met en garde Patrick Arendt.
Actuellement, les candidats qui souhaitent devenir instituteur dans l’enseignement fondamental doivent être détenteurs d’un diplôme en sciences éducatives délivré par l’université du Luxembourg. La durée de ces études est de quatre ans. Les étudiants inscrits en Belgique ou en Suisse ne suivent que trois ans d’études et doivent encore suivre une année de formation supplémentaire au Luxembourg avant de postuler à un poste d’enseignant.
Avec la décision prise vendredi par le gouvernement – soutenu par la SNE, mais fustigée par le SEW, la FGIL et le FNCTTFEL-Landesverband – des jeunes détenteurs d’un bachelor en biologie, mathématiques ou en langues, par exemple, peuvent devenir enseignants, à condition que le contingent de postes réservés aux détenteurs d’un diplôme spécialisé en sciences éducatives ne soit pas écoulé. «Notre diplôme est bradé. Comment un cours supplémentaire de 240 heures peut remplacer une formation spécifique de 6 000 heures et de plus de 600 heures de stage en classe», s’interroge David Moos, un des représentants des étudiants inscrits à l’université du Luxembourg.
Meisch ne donne pas suite à l’invitation
L’autre grand point de critique concerne le stage pour les futurs enseignants. La réduction de trois à deux ans de ce dernier est saluée par le camp syndical et les futurs enseignants à plein titre. «Mais le plus important n’est pas la durée, mais le contenu du stage. Les jeunes enseignants ont besoin d’un soutien, d’un encadrement, d’un tuteur et non pas d’un cours universitaire supplémentaire», souligne Patrick Arendt. Le président du SEW est rejoint sur ce point par Andy Schammo, également inscrit comme étudiant à l’Uni. «Il ne sert à rien de nous imposer des cours avec des contenus qu’on a déjà vus à plusieurs reprises lors de notre formation initiale. Tout le temps qu’on perd lors de ces cours est aux dépens des élèves», déplore-t-il.
Invité samedi à rejoindre les futurs étudiants, Claude Meisch n’a pas donné suite à l’appel lancé par la prochaine génération d’enseignants. Ces derniers ont cependant envoyé un signal fort samedi et espèrent avoir les moyens et la force de conviction nécessaires pour que le ministre de l’Éducation nationale revoie encore sa copie. Mais pour l’instant, rien n’est moins sûr…
David Marques