La ministre de la Famille, Corinne Cahen, donne de son temps pour les plus démunis parce ce que faire du bénévolat, c’est recevoir plus que donner, dit-elle. Elle se sent à sa place là où elle est.
On vous a vue à la Wanteraktioun et au Noël de la rue comme les années précédentes…
Corinne Cahen : Tous les ans, je vais à la Wanteraktioun en tant que bénévole. En premier lieu parce que nous avons besoin de bénévoles et ensuite parce que je me renseigne sur le parcours de ces gens que je rencontre. Cela m’intéresse de savoir d’où ils viennent et pourquoi nous les retrouvons à la Wanteraktioun pour y manger ou y dormir. Je trouve toujours des personnes qui n’ont pas à se trouver là et pour lesquelles nous arrivons à trouver d’autres solutions comme les loger dans des foyers stables. Il y a parfois des jeunes adultes qui sont là parce qu’ils ont été exclus du foyer pour des raisons comportementales et d’autres qui n’ont pas eu de chance.
Est-ce un refuge également pour des gens qui viennent de l’étranger ?
Oui, il y a par exemple des gens qui viennent au Luxembourg pour essayer d’y prendre pied et ils savent qu’ils ont un endroit où manger et dormir en même temps qu’ils prospectent pour trouver un emploi. Nous avons des gens qui viennent tous les ans et qui repartent après. Nous avons très peu de sans-abri résidents luxembourgeois. Pour ceux-là, nous essayons de trouver un logement avec l’aide de toutes les associations comme la Caritas, la Croix-Rouge, Inter-Actions, ou encore les streetworkers…
Ce sont des gens qui viennent chercher des petits boulots
Combien avons-nous de sans-abri au Luxembourg et ces chiffres sont-ils stables ?
Nous en avons une centaine qui dorment à la Wanteraktioun et parmi ceux-là, entre cinq et dix qui sont vraiment de la rue. Il y a des gens qui voyagent aussi. J’ai rencontré un monsieur qui vient d’Espagne pour essayer de trouver du travail, mais c’est difficile pour lui. Il m’a dit récemment qu’il allait poursuivre sa route pour se rendre à Helsinki. Ce sont des gens qui viennent chercher des petits boulots mais ne sont pas vraiment attachés à une ville ou un pays. Pour les chiffres, je dirais qu’ils sont stables. Nous sommes loin du maximum. Je précise que nous acceptons aussi les gens accompagnés de leur chien…
Ces gens sont-ils inscrits sur des listes pour obtenir un logement social ?
Non pas du tout, la plupart d’entre eux ne sont pas d’ici et repartiront après l’action hivernale. Pour les locaux, je veux dire ceux qui sont du pays, nous sommes souvent confrontés à des problèmes psychiatriques graves, des problèmes de drogue et d’alcool. Nous avons eu le cas d’un monsieur que je connais depuis 2002 du quartier de la Gare – qui dispose d’une maison quelque part dans le pays, mais il est dans la rue, il souffre de claustrophobie. Il ne veut pas être en foyer, ni dans sa maison et le « Housing first » pour lui n’est pas une option. Il est à l’hôpital depuis l’année dernière. Chaque personne a un autre vécu, une autre histoire et une autre raison qui la conduisent jusqu’à la Wanteraktioun.
Qu’envisagez-vous pour la population vieillissante ?
De par le Fonds national de solidarité, tout le monde peut se payer une maison de retraite ou de soins. Le vrai défi, et on y travaille, c’est de pouvoir ouvrir une structure pour toxicomanes vieillissants. Ils sont trop jeunes pour aller dans des maisons de soins, ils ont moins de 50 ans souvent mais ont déjà une longue carrière de toxicomane derrière eux. Nous sommes en train d’étudier avec nos partenaires du secteur social une solution pour savoir où nous pourrions ouvrir une structure pour ces gens-là. Mais c’est très compliqué : s’ils consomment, nous ne pouvons pas les mettre trop loin, car ils doivent bien trouver leur drogue quelque part et nous serions dans l’illégalité dans la mesure où la possession de drogue est interdite. Nous étudions la question avec le ministère de la Santé […]
Entretien avec Geneviève Montaigu