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Coopération transfrontalière… à petite vitesse


Seul le train est réellement visé par les co-investissements (Photo : Jean-Claude Ernst).

120 millions d’euros seront investis par le Luxembourg dans la mobilité en Lorraine d’ici 2028, a t-on appris cet après-midi depuis Paris. Les objectifs sont louables. Mais apparaissent très en retrait des enjeux réels avec la main d’oeuvre frontalière. Explications.

Sur la mobilité

• A31 bis : Rien sur un éventuel cofinancement de l’A31 bis. Autant dire que sans la solution très contestée d’un péage à Thionville (le tronçon le plus urgent), le projet est enterré. Depuis Paris, François Bausch a estimé que les routes appelaient toujours plus de voiture, et que les frontaliers doivent prendre l’habitude des transports en commun ou du covoiturage. «Cela n’a pas de sens d’élargir les routes si on reste à un taux d’occupation de voiture de 1,1 personne! On va ne faire qu’élargir les embouteillages.» Au Luxembourg, un projet d’application mobile verra le jour en avril pour favoriser le covoiturage.

• Sur le rail : il s’agit d’améliorer la ligne 90 du Sillon Lorrain (Nancy-Metz-Thionville-Luxembourg) en multipliant par 2,5 le nombre d’usagers du TER d’ici 2028. Un cofinancement France/Luxembourg est prévu : l’état luxembourgeois s’engage à financer à hauteur de 50% les aménagements nécessaires sur la ligne, avec une enveloppe de 110 millions d’euros.

L’objectif est louable mais ne semble pas en phase avec les projections. Selon les études du Sillon Lorrain, en envisageant une croissance du Luxembourg à 3,2% par an (seuil du maintien du niveau actuel des pensions), il faudrait sur 20 ans multiplier par 4,5 le nombre de frontaliers transportés sur la ligne 90 (de 10 000 passagers par jour actuel à 45 000 passagers par jour), si l’on veut atteindre la fameuse répartition modale 25% en transports en commun, 75% en véhicules particuliers.

• Parking-relais : aménagement de deux parkings-relais à proximité des gares de Thionville et Longwy, de capacités respectives d’environ 700 et 660 places, pour 10 millions d’euros financés par le Luxembourg.

• Formation professionnelle : la France et le Luxembourg renforcent leur coopération en matière d’apprentissage et d’enseignement sur les filières dites «courtes» : CAP, DAP, BTS. Rien qui ne concerne le numérique ou l’adaptation aux technologies d’informations et de communications d’avenir donc. Pourtant si le Luxembourg s’oriente dans le modèle Rifkin, il faudra bien trouver des frontaliers dûment formés.
• Rétrocession d’une partie de l’impôt sur le revenu payé par les frontaliers : rien. Selon nos informations, il était prévu dès le départ de ne pas communiquer sur ce sujet. Si discussion il y a eu (on ne peut pas croire le contraire) elle restera informelle.

Le premier ministre Xavier Bettel s’est  fendu d’une sortie au micro de RTL-France, dès lundi soir : il a comparé ce partage de l’impôt à «payer les décorations de Noël» du voisin. Il a réitéré ce mardi après-midi estimant être «content que nous investissions dans  la mobilité transfrontalière. Je l’ai dit dans une interview lundi, de façon un peu provocatrice, le Luxembourg veut investir dans des projets qui sont utiles des deux cotés. Je ne veux pas payer la décoration de Noël du maire de la ville frontalière.»

Concrètement, pour apporter une autre vision,  il ne s’agirait pas de payer les décorations de Noël. Mais bien de permettre aux communes françaises dans le giron de Luxembourg de développer leur cadre de vie. Où de nombreux frontaliers résident, mais laissent tout leur impôt sur le travail au Grand-Duché : école, mobilité, culture etc. Bref, tout ce que permet l’impôt sur le fruit du travail dans sa définition la plus simple (ne restent que les impôts locaux). Pour rappel, sur un modèle de répartition du canton de Genève avec l’Ain et la Haute-Savoie, la Lorraine bénéficierait de 140 millions d’euros par an. Là, ça sera 120 millions sur dix ans.

 

De notre envoyé spécial à Paris Romain Van Dyck, et Hubert Gamelon.