Le Conseil national pour étrangers (CNE) ne trouve toujours pas la sérénité nécessaire à la hauteur de sa mission. La ministre de tutelle, Corinne Cahen, envisage une réforme en profondeur.
Il n’y a rien à faire, le Conseil national pour étrangers (CNE), ne parvient toujours pas à fonctionner comme il le devrait et à remplir sa mission qui n’est pas des moindres dans un pays qui accueille près de 50 % d’étrangers dans sa population. La loi charge, en effet, le CNE d’étudier les problèmes concernant les étrangers et leur intégration en lui donnant la possibilité d’aviser des projets de textes législatifs ou de proposer lui-même une amélioration quant à la situation des étrangers.
Visiblement, cet enjeu ne revêt pas l’importance qu’il mérite. Le CNE traîne des dysfonctionnements qui s’étalent en pleine lumière si bien que le ministère de tutelle, celui de la Famille et de l’Intégration sous l’autorité de Corinne Cahen, va prendre les choses en main.
Les élus du bureau du CNE ont reçu un courrier d’une demi-douzaine de leurs membres qui leur expriment leur mécontentement quant au fonctionnement du CNE. Les reproches s’accumulent qui regrettent un manque de transparence dans les décisions, un absentéisme chronique lors des plénières mais surtout un manque de démocratie….
Appelé à rendre à la ministre une proposition de réforme du CNE, le texte produit n’a pas été débattu en plénière alors que deux propositions étaient sur la table. D’abord, ce texte n’a pas été avisé par les membres qui étaient pourtant invités à le faire. Face à ce silence radio, le président a décidé de ne soumettre qu’une seule des propositions, pourtant contradictoires, au vote et par la suite, de remettre le texte à l’assemblée générale pour réévaluation totale. «La discussion s’est faite sur base d’un document à 90 % similaire à celui soumis par le président du CNE lors du début des travaux du groupe de travail», regrettent les signataires du courrier.
Ceux qui croient dur comme fer à la puissance du CNE en sont pour leurs frais. Eux qui pensaient représenter une chambre des étrangers sont déçus. Leur plénière ? Sans débats de préférence. «Les travaux devraient être travaillés et critiqués avant et juste votés pendant la plénière», leur répondent les responsables. Ceci n’est qu’un des problèmes soulevés par les mécontents qui veulent donner tout son poids au CNE. «Il s’agit d’un groupe de dissidents», nous assure Franco Avena, le président du CNE qui, souffrant actuellement, a délégué ses pouvoirs à la vice-présidente, visée elle aussi par les reproches.
«Au mois d’avril 2020, nous avons envoyé des propositions pour une réforme du CNE, nous avons obtenu un site internet, un logo et un rapport annuel», se défend Franco Avena en poste depuis 2018.
La liste des griefs est longue, elle comprend entre autres, le paiement à un membre du bureau d’honoraires pour des tâches exécutées pour le compte du CNE sans qu’aucun blanc-seing ait été accordé au préalable par le bureau ou l’assemblée plénière comme le requiert le règlement d’ordre intérieur.
Le CNE veut des moyens. «Pour quoi faire ?», interroge Mário Lobo, un des membres signataires. Il faut des propositions, des débats, des décisions, tout ce qui manque au CNE selon lui. Les plénières ? Il ne reste que neuf présents sur la trentaine qui devrait pointer. Tout le monde s’en moque. Le CNE c’est une perte de temps, on y tourne en rond nous dit-on.
Corinne Cahen s’en mêle
«Je voulais encore donner une chance au CNE mais c’est un échec», constate amèrement la ministre Corinne Cahen. Elle s’attendait à ce que le nouveau CNE issu des dernières élections il y a deux ans donne des avis concernant le vivre ensemble et l’intégration ou fasse des propositions, mais les querelles internes sont toujours aussi vives. Elles opposent les «anciens» et les «modernes», ces derniers refusant de croire que la Chambre des députés à elle seule pourrait les représenter au même titre que les électeurs de ce pays.
Pour preuve, des suggestions concernant le télétravail des frontaliers ou encore la traduction en français ou en anglais des questions parlementaires posées en luxembourgeois, ce qui est de plus en plus le cas.
«Nous avons fait une enquête auprès des commissions communales de l’intégration (CCI) et nous avons eu 500 retours», se réjouit de son côté la ministre Corinne Cahen qui va pouvoir entreprendre sa réforme. «Nous allons changer la loi et le but est que les CCI nomment les gens représentés au niveau d’un nouveau CNE», explique-t-elle encore. Finis les représentants par nationalité, parce que finalement, la façon dont sont organisées les élections sont loin d’être satisfaisantes. On y retrouve les chambres professionnelles qui font partie, bien souvent, des absents, alors autant s’en passer. D’ailleurs, les signataires de la lettre de reproches confient que certains membres ne sont jamais venus à aucune réunion plénière ou groupe de travail.
«Nous sommes en train de dépouiller les réponses que nous avons eues des CCI pour nous faire une idée de la réforme à mener, mais l’idée serait qu’il faut être membre d’une commission communale de l’Intégration pour siéger au CNE.»
Et là, la question risque de faire encore débat. «On veut quoi? Que le CNE devienne un organisateur de fêtes populaires avec les Portugais qui grillent les saucisses ?», interrogent Mário Lobo.
«Pas du tout», répond Corinne Cahen, qui compte redonner ses lettres de noblesses au CNE, qui lui, demande des moyens pour remplir sa mission et la fin du bénévolat.
Geneviève Montaigu