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CO2 au Luxembourg : la route est encore longue


L'explosion démographique, le boum des frontaliers, mais aussi l'équipement automobile... Autant de facteurs qui n'aident pas à diminuer les GES.

Le Luxembourg a l’objectif le plus ambitieux de l’UE en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES). Un effort louable et nécessaire, mais qui mérite d’être largement nuancé.

« Concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nos pronostics se sont améliorés. Pour les années 2013, 2014 et 2015, on est sur la bonne trajectoire. Donc, c’est un effort peut-être tardif, mais les choses s’accélèrent, car on veut atteindre nos objectifs. » La semaine dernière, alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre la COP21 à Paris, la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, nous faisait part de son optimisme.

Non sans raison  : le Luxembourg va effectivement dans le bon sens en matière de lutte contre les GES. Mais parce qu’il n’a plus vraiment le choix, avertit l’Agence européenne de l’environnement (AEE) dans son rapport 2015, intitulé «L’environnement en Europe. État des lieux et perspectives 2015».

Selon l’AEE, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est le «défi le plus important» pour le Luxembourg, qui a l’objectif national de réduction le «plus ambitieux» des États membres, à savoir 20  % pour 2020 par rapport à 2005.

Le Grand-Duché ayant émis, en 2005, 14,52  millions de tonnes équivalent CO 2 (l’unité de mesure qui prend en compte l’ensemble des gaz à effet de serre), il doit donc passer sous la barre des 11,7  millions de tonnes en 2020 pour atteindre son objectif.

2005  : une année qui tombe à pic

Un objectif qui perd néanmoins de sa superbe lorsqu’on regarde l’évolution de ces émissions depuis 1990. L’année 2005 correspond en effet à l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto (le premier accord contraignant de lutte contre les GES), mais aussi au pic de l’émission de gaz à effet de serre au Luxembourg, depuis les 20  dernières années. Partir de ce sommet est donc la manière la plus opportune d’afficher une forte baisse les années suivantes!

On met fréquemment en avant le fait que le Luxembourg a fait des efforts pour faire baisser ses émissions de 2,6  % entre 1990 et 2012 (voir graphique) . Ce qui est vrai, mais qui doit être nuancé, car les émissions n’ont pas suivi une diminution régulière, loin de là  : ces émissions étaient par exemple de 13,29  millions de tonnes en 1990, de 9,6  millions de tonnes en 1998, puis de 12,96  millions de tonnes en 2012 (chiffres Eurostat). Bref, atteindre 11,7  millions de tonnes en 2020 paraît soudainement moins ambitieux.

 

Ce graphique (Eurostat) montre que le Luxembourg est encore loin d'être exemplaire...

Ce graphique (Eurostat) montre que le Luxembourg est encore loin d’être exemplaire…

Enfin, bien que l’on puisse se satisfaire de cette baisse de 2,6  % entre 1990 et 2012, il faut garder à l’esprit qu’elle reste bien inférieure à la moyenne européenne (-17,9  %). L’Allemagne a affiché une diminution de 23,5  %, la France de 10,5  % et la Belgique de 17,4  %.

Reste que le Grand-Duché a aussi certaines particularités qui ne l’avantagent pas en termes de lutte contre les GES. À commencer par le boum des transports, porté par l’explosion démographique et le flux de frontaliers, ce poumon économique du Grand-Duché qui se transforme chaque jour en nuages gris…

L’AEE note ainsi que les émissions de gaz à effet de serre imputables à la vente du carburant à des non-résidents –  le «tourisme à la pompe»  – ont augmenté «considérablement» de 165  % entre 2000 et 2013 (tandis que les émissions liées à l’industrie ont baissé de 78  % grâce à la désindustrialisation et des changements technologiques).

Ainsi, au Grand-Duché, la vente des carburants constitue environ 60  % des émissions de GES. Or ces derniers mois, la baisse des prix a rendu ce tourisme à la pompe moins attractif. Conséquences, une baisse des revenus liés aux carburants, mais aussi des vertus positives sur le bilan carbone du pays.

Toujours les plus gros accros aux voitures

Le Luxembourg compte d’ailleurs parmi les États membres qui ont déjà atteint leur objectif «Europe 2020» de consommation énergétique, fixé pour le Grand-Duché à 4,5  millions de tonnes équivalent pétrole. En 2013 déjà, cette consommation énergétique s’était établie à 4,3  millions de tonnes, soit une diminution de 10,4  % par rapport aux 4,4  millions de tonnes enregistrées en 2005.

Par contre, d’autres chiffres rappellent que l’engagement contre les émissions de gaz à effet de serre est de la responsabilité de tous. Ainsi, si le transport ferroviaire de passagers suit une évolution encourageante entre 2003 (3,7  % des transports) et 2013 (4,7  %), les Luxembourgeois demeurent toujours très attachés à leurs voitures  : le nombre de voitures particulières (663) pour mille habitants est le plus élevé de l’Union européenne.

Romain Van Dyck

Inquiétudes pour l’avenir

L’Agence européenne de l’environnement (AEE), dans son rapport 2015, évoque l’impact négatif du développement de l’économie luxembourgeoise sur l’environnement. Selon l’AEE, la croissance de la population (40 % en 20 ans) et celle des travailleurs frontaliers (45 % de la main d’œuvre), ont conduit à une augmentation des flux de transports, donc de la pollution, ainsi qu’à une pénurie de logements, ainsi, une hausse des constructions et de la demande en énergie. L’AEE s’alarme aussi du fait que des habitats riches en biodiversité (zones humides, prairies sèches, vergers), capteurs de CO 2 , ont considérablement diminué les 30 dernières années, avec une «homogénéisation généralisée» des paysages. L’AEE s’inquiète également de la qualité de l’eau : 70 % des eaux de surface ne devraient pas satisfaire les objectifs de qualité chimique et biologique de 2015 fixés par la directive-cadre sur l’eau. L’agence reproche aux autorités d’avoir favorisé la modernisation des exploitations agricoles plutôt qu’une protection mieux ciblée des ressources en eau.

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