Le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, a présenté, hier, sa réforme de l’orientation au terme de l’enseignement fondamental. Elle ne trouve pas grâce aux yeux des enseignants.
Claude Meisch proposait, hier, une réforme de la pratique d’orientation en allégeant la formule pour l’équipe pédagogique et en allant plus vite pour la majorité des élèves ne posant pas de problème. Les enseignants s’opposent déjà à cette proposition.
Pour l’année 2014/2015, les décisions d’orientation à la fin de l’enseignement fondamental ont concordé avec l’avis des parents dans 4 188 cas, sur 5 119 élèves au total. Cela veut dire qu’à 81,8 %, toutes les parties étaient d’accord sur l’orientation de l’enfant. C’est seulement dans 14 % des cas que les conseils d’orientation sont allés à l’encontre du souhait des parents. Si les parents persistent à s’opposer à cette décision, les élèves sont confrontés à un test qui déterminera leur avenir. Une procédure humiliante selon le ministre : «Nous voulons éviter la procédure du deuxième test qui est souvent vécu comme un double échec pour ces élèves. Il y a également trop d’élèves orientés vers le régime préparatoire à l’enseignement technique, ce qui donne un trop grand risque de décrochage scolaire, encore trop élevé.»
Pas de chance pour Claude Meisch, mais sa proposition ne trouve pas grâce auprès des enseignants, déjà très remontés, alors qu’une grève plane pour la rentrée. Pour Patrick Remakel, président du SNE-CGFP, le ministre a tout faux : «La procédure d’orientation, telle qu’elle existe actuellement, est satisfaisante pour les enseignants. Sur une classe de 18 élèves, seuls 2 à 3 élèves posent problème. Pour autant, changer le processus d’orientation comme le propose monsieur le ministre met beaucoup de pression sur les épaules des enseignants de l’éducation fondamentale.»
Supprimer le conseil d’orientation
En effet, pour accélérer la procédure pour la majorité des élèves qui sont orientés selon leur souhait, le ministre propose, dans sa réforme, de supprimer le conseil d’orientation, au profit d’un entretien d’orientation avec l’équipe pédagogique et un psychologue. Cette procédure allégée permettrait aux acteurs clés de se focaliser sur l’orientation de l’élève, avec les parents et les enseignants de l’élève. C’est raté, pour le syndicat enseignant, qui préfère un panel plus large, avec des enseignants du cursus classique et technique, afin de rendre un avis.
Ce qui est sûr, c’est que tous s’accordent à dire que de discuter de l’orientation dès le cycle 4.1 est une bonne chose. L’équipe pédagogique émettra un premier diagnostic à la fin du 3e trimestre du cycle 4.1. Le but est d’associer au plus tôt les parents dans la prise de décision définitive, à la fin du cycle 4.2, une initiative saluée par les enseignants : «C’est une bonne chose que l’orientation commence dès le cycle 4.1 avec plus d’informations en amont pour les parents qui vont pouvoir étudier les différentes options», note Patrick Remakel. Car pour Claude Meisch, l’orientation ne se résume pas qu’au triptyque classique-technique-préparation au technique : «Il faut également ne pas hésiter à proposer d’autres filières, comme les sections francophones ou anglophones. Il faut continuer à diversifier cette offre qui a été, jusque-là, concentrée à Luxembourg. J’ai lancé un appel aux lycées pour créer de nouvelles sections dans tout le pays. Et pourquoi pas une section axée sur les sciences, la biologie, l’informatique où les élèves ne seront pas pénalisés s’ils ne sont pas bons en langues?»
Les chiffres de l’orientation à la fin de l’année scolaire 2014/2015 sont éloquents. Alors que seuls 35 % des élèves sont orientés vers l’enseignement classique, 47 % allaient directement en enseignement technique, tandis que 16,7 % étaient dirigés vers le régime préparatoire de l’enseignement secondaire technique. Un constat «préoccupant» selon le ministre de l’Éducation national qui ne peut pas s’empêcher de remarquer qu’il faudrait plus d’élèves diplômés du cursus classique : «Nous ne sommes pas en adéquation avec les attentes du marché du travail luxembourgeois qui demande un niveau de formation élevé.Nos élèves ne sont pas bien formés pour le marché du travail local. Si les compétences linguistiques sont une chose, une étude a montré que les origines socio-économiques faisaient beaucoup dans l’orientation d’un élève. Il faut donc renforcer la prise en charge, dès le plus jeune âge, comme nous le faisons, notamment avec des crèches de qualité, pour apporter le même soutien que d’autres enfants ont à la maison.»
Audrey Somnard