L’auteur de la pétition contre le tabagisme en terrasse des restaurants attend toujours un débat à la Chambre. Et il se sent un peu seul contre tous…
« Récemment, j’étais chez un pâtissier à la Cloche d’or. Et j’ai vu une scène tristement banale. Il y avait sur la terrasse une famille avec deux enfants et, devant eux, trois messieurs qui fumaient sans se soucier de toute la fumée qu’ils envoyaient vers les enfants. Est-ce aux enfants de s’en aller? Est-ce que le plaisir des uns est plus important que la santé des autres?», s’offusque Daniel Reding.
Début juillet, ce Luxembourgeois a déposé la pétition n° 1069 qui plaide pour l’interdiction de fumer aux terrasses des restaurants.
Bonne nouvelle pour lui, les soutiens ont été au rendez-vous et ont dépassé, en septembre, le seuil des 4 500 signataires (4 896 au dernier décompte), nécessaire à la tenue d’un débat à la Chambre.
Mais depuis, les choses traînent. Pour une raison toute simple : «Je n’attends pas d’action politique sur ce sujet avant janvier, car comme vous le savez, on est dans l’attente de la formation d’un gouvernement, donc tant qu’il n’y aura pas de nouvelle commission des Pétitions, rien ne se passera.» Sans compter que le sujet est périlleux, politiquement parlant : «Les fumeurs représentent quand même 20 % de l’électorat! Le nouveau gouvernement, qui a une majorité fragile, n’avait sûrement pas envie de froisser autant d’électeurs…»
Pas le soutien de la Fondation Cancer et des Verts
Autre mauvaise nouvelle, il a été peu soutenu par la société civile : «Ce que j’ai le plus regretté, c’est l’absence de soutien de la pétition par la Fondation Cancer. Ce qui est quand même un comble.» Il dit aussi avoir contacté deux fondations œuvrant auprès d’enfants atteints de cancer, qui n’ont pas daigné lui répondre. Enfin, il se dit aussi déçu par les Verts, «qui n’ont pas non plus soutenu la pétition, et qui n’ont pas défendu ce thème dans leur programme électoral».
Sans oublier «des attaques privées, des insultes, de la part de fumeurs très mécontents, sur les réseaux sociaux». «Je me suis battu tout seul, c’était vraiment David contre Goliath. Et Goliath, c’était l’hyperpuissante Horesca, qui a pesé de tout son poids contre ma pétition», affirme-t-il.
«La fumée ne s’en va pas dans le ciel !»
La fédération des hôteliers soutient en effet la contre-pétition n° 1080 lancée fin juillet, et qui appelle à «conserver le droit de fumer aux terrasses des restaurants». Ce qui consterne Daniel Reding : «Évidemment, je trouve ça très triste. Ils revendiquent quand même le droit de pouvoir nuire à autrui!»
Reste que cette question de nuisance fait débat : une terrasse n’est pas une voiture ni une cabine d’avion… «Oui, je vous donne raison sur ce point. Mais je vous assure qu’il y a des études très sérieuses qui montrent que le tabagisme passif existe aussi à l’extérieur. C’est une erreur de croire que la fumée s’en va vers le ciel, presque toujours elle stagne et s’étend à l’horizontale, donc il y aura toujours quelqu’un qui recevra la fumée en pleine figure.»
Mais surtout, insiste-t-il, tout ce débat n’aurait pas lieu d’être si «certains fumeurs faisaient preuve de savoir-vivre. Car j’ai eu beaucoup de retour de fumeurs qui me disent qu’ils demandent toujours si cela dérange avant de fumer. Ma pétition ne demande pas plus que ça! Donc si elle devenait une loi, elle ne dérangerait pas ces fumeurs qui sont déjà respectueux. Je n’ennuie que les incorrigibles qui ne pensent qu’à eux et qui ne comprennent pas qu’ils n’ont pas à cracher leur fumée à la tête des autres.»
Romain Van Dyck
Du côté de la restauration : « marre de toutes ces réglementations ! »
Alors que la pétition pour l’interdiction du tabagisme en terrasse a déjà dépassé le seuil fatidique des 4 500 signatures, la contre-pétition affiche actuellement 4 448 signatures. Mais François Koepp, le directeur de l’Horesca (Hotel, resto, café), se veut rassurant : «Selon mes dernières informations, qui tiennent compte des signatures non électroniques, le seuil des 4 500 signatures a certainement été dépassé.»
Ce qui devrait le réjouir, puisque l’Horesca soutient officiellement cette contre-pétition, sans revendiquer pour autant de lien avec Maria Carella, son auteure. Mais son directeur est plutôt en rogne : «Moi j’en ai marre de tous ces mécanismes de réglementation, de régulation, de strangulation et de discrimination! L’État sait très bien discriminer toute une partie de la population… sauf quand il s’agit d’encaisser les impôts, là il a moins de scrupules!» grince-t-il.
D’emblée, il déclare ne pas vouloir «parler santé et tabagisme passif, car je ne suis pas médecin, ce n’est pas mon rôle».
Ce qui ne l’empêche pas de déplorer l’absence «de base scientifique sur ce sujet. Il n’y a aucune étude fiable qui dit que si vous êtes un fumeur passif, cela a les mêmes effets que si vous fumez. J’ai vu des gens avoir le cancer du poumon qui n’ont jamais fumé de leur vie ou mis les pieds dans un bistrot. C’est une question bien plus complexe qu’on ne le fait croire.»
Plus globalement, il dénonce un hygiénisme ambiant qui nous poussera «bientôt à tous porter un masque à gaz!» Il ajoute : «On nous dit que l’environnement est moins sain, et pourtant, les gens vivent de plus en plus vieux!»
Mais le nœud du problème, c’est «la dictature de l’État qui vous dit comment tout faire. Moi je suis pour la liberté entrepreneuriale. Ce n’est pas au législateur de décider de tout, c’est aux gens, aux consommateurs, de décider de changer les choses, de diriger l’offre. Et si les consommateurs voulaient en majorité des terrasses sans tabac, je suis sûr que les restaurants suivraient déjà.»
«Une question de courtoisie»
«Attention, je ne veux pas dire que le fumeur a tous les droits! Je veux dire que ce problème devrait être réglé par une question de courtoisie et d’éducation.»
Lorsqu’on lui dit que l’auteur de la pétition partage son point de vue sur ce sujet, il rectifie aussitôt : «Non, non, non, je ne me rapproche pas du tout de ce pétitionnaire. D’ailleurs, je trouve qu’il faudrait revoir un peu la règlementation sur les pétitions, car la Chambre des députés s’occupe trop souvent de débats futiles, alors qu’il y a des sujets sûrement plus importants pour le Luxembourg que cette pétition et tant d’autres. L’usage des GSM au volant par exemple, qui se généralise, y compris par les chauffeurs de bus ou de taxi. Voilà une question de sécurité publique bien plus grave!»
R. V. D.