L’armée luxembourgeoise souffre d’un mal chronique, celui du difficile recrutement de ses effectifs. Toujours en sous-nombre, le SPAL veut atteindre les jeunes chômeurs.
En manque de soldats, l’armée luxembourgeoise aimerait faire sa promotion auprès des jeunes chômeurs. (Photos : Pierre Matge/archives Le Quotidien)
Il a quarante ans de carrière dont trente de représentation syndicale. Le président du SPAL (Syndicat professionnel de l’armée luxembourgeoise), Patrick Franz, prendra sa retraite le 1er avril prochain et ce n’est pas une blague. Pour autant, ceux qui espéraient déjà voir le frondeur abandonner l’action syndicale auront eu une fausse joie et cela l’amuse beaucoup.
« Je serai toujours membre du comité du SPAL, un membre coopté comme conseiller syndical », affirme-t-il. Il continuera donc à suivre les nombreux dossiers qu’il a défendus depuis trois décennies. Patrick Franz sait qu’en matière d’armée, les réformes n’avancent pas vite et, lors de l’assemblée générale du syndicat qui s’est tenue hier soir à Diekirch, il a tenu à faire un état des lieux des réformes en cours dont certaines qui traînent depuis… vingt-six ans !
C’est donc un homme habitué aux annonces mais qui ne s’en laisse pas conter. « J’attends des résultats, sinon, cela n’a aucune valeur pour moi », prévient-il. Pourtant, il a bon espoir depuis qu’Étienne Schneider a repris le flambeau au ministère de la Défense. « Il a au moins demandé au nouveau chef d’état-major sa vision de l’armée et lui a également dicté ce qu’il devait faire. Une semaine après son arrivée, le général Mancinelli a reçu notre syndicat pour une entrevue. C’est un signe de bonne volonté ! », souligne Patrick Franz.
Des groupes de travail ont été mis en place, une longue revendication du SPAL pour faire avancer la réforme de l’armée. Celle de 2007 doit être entièrement analysée. « Le ministre a mis en place un nouveau système qui consiste à nous recevoir deux fois par an, comme c’était toujours le cas, mais il a lancé des quadripartites lors desquelles nous pouvons discuter de tous les sujets avec l’état-major et le gouvernement. C’est la bonne manière de procéder », se réjouit le président, mais sans en faire trop.
Parmi les groupes de travail, celui concernant le recrutement inspire particulièrement le SPAL. Il cite les chiffres qui sont loin d’être satisfaisants. Alors que la réforme de 2007 prévoyait un effectif de 500 soldats volontaires, l’armée luxembourgeoise n’en compte que 329 actuellement. « On est loin du compte alors que l’armée doit former au moins quarante-cinq soldats à chaque promotion pour assurer son opérationnalité », rappelle-t-il.
> Des pertes énormes
Un objectif qui n’est pas facile à atteindre « car les pertes sont énormes », souligne Patrick Franz. Des statistiques internes démontrent qu’en moyenne, l’armée enregistre 35% de perte pendant l’instruction de base et 14% encore avant la fin des 36 mois. « Il nous reste 50% de recrues, par rapport à l’effectif initial, qui atteignent la phase de reconversion, les autres ont été perdues », regrette le président du SPAL.
Les choses se sont encore empirées lors des deux dernières instructions de base où les pertes ont atteint les 50%. Pourquoi ces abandons prématurés ? « Ils sont dus, très souvent, à un manque de condition physique. Le domaine médical est problématique, nous sommes confrontés à des tendinites, des claquages qui sont autant de blessures qui témoignent d’un manque d’entraînement », explique-t-il.
C’est donc aussi un thème cher au SPAL qui est en train de faire analyser les causes de ces pertes dans l’instruction de base. Parallèlement, le Syndicat veut programmer une journée d’information dès l’incorporation des jeunes recrues et mettre l’accent sur le sport avec un programme personnalisé pour préparer la condition physique des futurs soldats.
« Les chefs ne cachent plus, aujourd’hui, que l’armée connaît un problème de recrutement, mais ils ont mis le temps », estime Patrick Franz. Il cherche à atteindre les quelque 1 500 jeunes chômeurs de moins de 25 ans et qui ont le niveau scolaire requis pour leur vanter les métiers de l’armée. Mais ce n’est pas simple non plus de rentrer en contact avec ce public.
« Ce n’est pas normal que les responsables de l’Adem me disent qu’ils n’ont pas de base légale pour obliger les jeunes chômeurs à venir à notre journée d’information. J’ai écrit à quatre ou cinq ministres, mais rien n’a bougé. Depuis l’an dernier, Étienne Schneider travaille avec le ministre du Travail, Nicolas Schmit, sur le sujet et l’Adem a été reçue à l’état-major. C’est un progrès », informe-t-il.
Si l’armée ne peut pas toucher ce jeune public, elle peut sensibiliser les placeurs. Et c’est ce qu’elle fait en leur proposant des journées d’information qui leur sont spécialement dédiées. « Il faut se souvenir que l’armée c’était l’école de la nation », conclut Patrick Franz.
De notre journaliste Geneviève Montaigu