Le ministre du Travail a durement négocié, jeudi, pour arracher un compromis dans le dossier de la prise en charge par le Luxembourg du chômage des frontaliers. Une période de transition de sept ans est actée.
Au bout d’une longue journée de négociations, Nicolas Schmit a pu souffler un peu. Mais malgré l’obtention d’un répit dans l’épineuse question de la prise en charge intégrale du chômage des travailleurs frontaliers, le ministre luxembourgeois du Travail restait très remonté. «On n’apprécie pas du tout ce règlement», a-t-il martelé lors de son deuxième point presse de la journée.
Quelques heures plus tôt, Nicolas Schmit sentait déjà bien que l’étau allait se resserrer. «Une majorité qualifiée semble se concrétiser», a souligné le ministre. Il avait bien obtenu le soutien de l’Allemagne, des Pays-Bas ou encore du Danemark. Mais c’est surtout la France qui a insisté tout au long de la journée de jeudi pour n’accorder aucune exception au Grand-Duché. «On est pourtant le seul pays à disposer de 46 % de travailleurs frontaliers parmi notre population active», n’a pas cessé de rappeler Nicolas Schmit. «Si demain notre service public de l’emploi aurait à négocier 10 000 demandeurs d’emploi en plus, cela équivaudrait non seulement à un sacré saut quantitatif mais on devrait aussi procéder à un saut qualitatif. Le Grand-Duché a aussi ses limites», enchaîne le ministre en revenant largement sur les arguments déjà livrés dans une lettre adressée au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker (lire notre édition de mercredi). «Il y a bien des gens à la Commission qui devraient bien connaître notre situation spécifique sur le marché de l’emploi», a ajouté Nicolas Schmit, jeudi en début d’après-midi.
La commissaire européenne aux Affaires sociales, Marianne Thyssen, a cependant insisté pour qu’un vote soit pris dans le courant de la journée de jeudi. Le ministre luxembourgeois du Travail a donc intensifié les négociations en coalition tout en brandissant la menace de bloquer la procédure législative sur ce règlement.
La menace du Luxembourg
«Si aucun accord n’est trouvé, on active l’article 48 du traité de fonctionnement de l’UE. Ce dernier permet à un État membre de saisir le Conseil européen si une décision européenne menace le bon fonctionnement de son système de sécurité sociale», avait mis en garde Nicolas Schmit. Cet article spécifique prévoit que les chefs d’État et de gouvernement doivent trancher dans un délai de quatre mois sur ce point.
Cette stratégie s’est finalement avérée payante, du moins en partie. Le Luxembourg s’est en effet vu attribuer, jeudi soir, une période de transition de sept ans en cas d’entrée en vigueur du nouveau règlement (lire également ci-dessous). Après le feu vert d’une majorité de pays membres, jeudi, il revient désormais au Parlement européen de ficeler un accord global. «Je vais continuer à intensifier mes contacts au Parlement et continuer à me battre pour obtenir des changements substantiels de ce règlement. L’espoir demeure», résume Nicolas Schmit.
En attendant, il s’est efforcé de convaincre, jeudi, la délégation française d’accorder des concessions au Grand-Duché. «On a réussi à négocier une sorte de sauvegarde», indique le ministre du Travail. Car passer de 16 000 demandeurs d’emploi aujourd’hui à près de 30 000 chômeurs après l’entrée en vigueur du nouveau règlement ne serait pas gérable pour l’Adem. «Cela ne peut pas se faire dans les deux années de transition prévues dans le texte», souligne Nicolas Schmit. Le Luxembourg va disposer le cas échéant du répit de sept ans. «Sur ce point, on a obtenu satisfaction», se félicite un ministre pourtant amer. En fin de compte, le Luxembourg s’est abstenu sur le vote final.
David Marques
Des concessions financières
Le ministre luxembourgeois redoute particulièrement la gestion des 10 000 demandeurs d’emploi frontaliers supplémentaires. «L’argument financier n’a jamais été prédominant», a encore rappelé Nicolas Schmit, jeudi. Ce serait la réactivation des demandeurs d’emploi qui constituerait un problème majeur pour le Grand-Duché, a-t-il complété. Le compromis finalement arraché prévoit qu’à l’issue des deux années de transition valables pour tous les pays, le Luxembourg profiterait de ses trois premières années de répit supplémentaire pour rembourser 60 %, 80 % et finalement 100 % des indemnités de chômage à ses pays voisins, la France en tête. La suite des événements reste à négocier. Le Luxembourg est aussi tombé d’accord avec son voisin français pour mettre en place un dispositif antifraude.