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La Chambre reconnaît le génocide arménien


La résolution déposée par Laurent Mosar (à d.) a été soutenue à l'unanimité, y compris par déi Lénk et un de ses deux députés, Serge Urbany. (photo archives lq)

La Chambre des députés a adopté, mercredi, à l’unanimité une résolution reconnaissant le génocide arménien. Le gouvernement reste lui bien plus prudent sur la question.

«Il n’y a pas d’autre mot à utiliser.» C’est avec cette phrase que Laurent Mosar (CSV) a commencé l’exposé des motifs qui l’ont amené à soumettre au vote de la Chambre une résolution pour reconnaître le génocide subi en 1915 par le peuple arménien. Si tous les partis ont souligné que ce geste n’est pas tourné contre la Turquie, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, s’est vu obligé de réaliser une pirouette diplomatique.

La définition du Larousse est claire. Un génocide est un «crime contre l’humanité tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux». Pour les députés luxembourgeois, le massacre commis il y a exactement 100 ans par l’Empire ottoman contre la population arménienne est à définir comme un génocide. Et ils ont tenu à le souligner hier en votant à l’unanimité la résolution introduite par le député CSV Laurent Mosar, ce qui n’a pas manqué de déplaire à l’ambassadeur de Turquie.

« Le vote de cette résolution, cent ans après la barbarie qui a coûté la vie à des centaines de milliers d’Arméniens, doit rappeler les faits mais aussi permettre de commémorer la mémoire des victimes », a souligné l’ancien président de la Chambre lors de son discours. Le Luxembourg a suivi hier l’exemple du Parlement européen mais également des Parlements de ses pays voisins que sont la Belgique, les Pays-Bas et la France. L’Allemagne va suivre sous peu.

« On ne place pas le Turquie sur le banc des prévenus »

« Mais cette résolution ne va pas à l’encontre de la population ou du gouvernement turc. (…) On ne place pas la Turquie sur le banc des prévenus. Notre attente est toutefois que la Turquie soit prête à reconnaître une dette historique », a tenu à préciser Laurent Mosar.

L’ensemble des intervenants des autres partis ont également tenu à souligner que la résolution n’était pas tournée contre la Turquie et mis en avant le devoir de commémoration mais aussi le respect pour les familles des victimes. « Avec les condoléances présentées aux descendants par le président turc, Erdogan, un premier pas important a été fait vers une réconciliation, un mot qui reste parmi les plus nobles de la politique », a noté Marc Angel (LSAP).

« Il ne s’agit pas de lever le doigt mais cela doit être un pas vers une normalisation des liens entre la Turquie et l’Arménie. Cela ne pourrait être que bénéfique », a jugé Claude Adam (déi gréng). « Il faut regarder en arrière pour tirer les leçons de l’histoire» , a enchaîné Eugène Berger (DP). «Même si la politique ne doit pas être un tribunal de l’histoire, cette résolution est importante. J’espère qu’elle servira d’exemple pour évoquer avec la même clarté le génocide des juifs (NDLR  : au niveau luxembourgeois)», a conclu Serge Urbany (déi Lénk).

«Mise sous pression inacceptable»

En fin de compte, les députés ne se sont également pas laissé impressionner par la lettre de mise en garde que leur avait envoyée l’ambassadeur de Turquie. « Cette mise sous pression est inacceptable. Dans sa lettre, l’ambassadeur a fait remarquer que la résolution « ne servira pas à l’excellence de nos relations » », s’est ainsi indigné Fernand Kartheiser (ADR). Interrogé hier soir sur ces reproches, Salim Levent Sahinkaya a estimé « que ce genre d’initiative est normale ».

Finalement, il n’y a donc que le gouvernement qui semble avoir plié sous la pression diplomatique. Le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a en tout cas réalisé une véritable pirouette diplomatique à la tribune de la Chambre. «Massacre», «meurtre», «déportation» : les mots employés pour décrire ce qui est survenu en 1915 au peuple arménien ont été nombreux, mais le terme «génocide» n’a jamais été employé par le chef de la diplomatie luxembourgeoise, soucieux de ne pas compromettre les relations avec la Turquie.

« Le gouvernement s’incline devant la terrible peine subie par le peuple arménien. Il ne faut pas oublier les centaines de milliers de victimes. La résolution évoque ce que pensent beaucoup de gens et j’espère qu’elle servira à encourager la Turquie et l’Arménie à s’inspirer de la construction et de la réconciliation européenne après la Seconde Guerre mondiale », a lancé Jean Asselborn, visiblement assis entre deux chaises…

David Marques