Ce sont des employés comme eux qui portent les CFL : Patrick*, accompagnant de bord depuis plus de 30 ans, ou encore Marco, qui a directement participé au rétablissement des voies. Dans quelle disposition d’esprit se trouvaient-ils mardi, à la reprise du trafic vers la France ?
« La matin de l’accident, j’avais croisé le mécano qui a perdu la vie, commence Patrick. C’était un hasard, on se voyait parfois sur les quais .» Il décrit « quelqu’un de sérieux et d’appliqué ». Puis le discours devient flou. « Comment cet accident a pu être possible? », s’interroge encore Patrick. Avant de passer à un discours fataliste sans œillères : « Des avions s’écrasent, des bateaux coulent… Le train est une organisation complexe aussi. Il faudrait être naïf pour croire que le risque zéro existe. »
Le jour de l’accident, les cheminots ont rapidement mis un point d’honneur à rétablir «leur» réseau, malgré le choc. À Dudelange, le dégagement des voies a été une opération colossale. Marco peut en témoigner : du jeudi 16 février (deux jours après l’accident) au lundi 20 février à 22 h (veille de la reprise), il a bossé en continu, « jamais plus de dix heures de suite », note-t-il en évoquant la sécurité.
Pas la même mentalité qu’à la SNCF?
Spécialiste des caténaires, Marco raconte son contre-la-montre : « Il y avait plusieurs équipes, de plusieurs spécialités. Dès qu’une équipe libérait les rails, elle était remplacée. » Les caténaires ont été démontées sur 100 mètres, pour laisser travailler les grues. Une fois l’accident déblayé, il a fallu tout remonter. Est-il fier du travail accompli? « Franchement oui. Il faut que les trains roulent, point barre. »
Nous posons la question sans détour : les cheminots français semblent beaucoup plus exigeants sur la sécurité en exerçant leur droit de retrait. « Du côté luxembourgeois, notre mentalité c’est « le service d’abord » , défend Patrick. On ne joue pas avec les trains. Nous voulons aussi des explications claires. Mais qui peut croire que l’enquête va se résoudre en une semaine? Et en attendant, on fait quoi pour les voyageurs? »
Le discours sur l’insécurité du rail luxembourgeois, sous-entendu du côté français, a froissé certains cheminots. « Nous avons le meilleur système européen de contrôle des trains! », lance Patrick, en référence au balisage ETCS. Pourquoi un nouveau «nez à nez» mortel, onze ans après Zoufftgen alors? Des avions s’écrasent, des bateaux coulent, certainement… mais au fond, chacun attend des explications.
Hubert Gamelon
* Les prénoms ont été modifiés