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C’était Esch la rouge


Vera Spautz découvrant les résultats. (photo Isabella Finzi)

Le LSAP perd trois sièges, retombant à égalité en la matière avec le CSV, et finit même derrière son rival en termes de voix, avec 3 % de moins. Une défaite historique.

Ce scénario catastrophe rappelle l’élection de 1999, où seule une bisbille interne au CSV avait permis au LSAP de reprendre Esch.

Il y a des soirées où la musique et les sourires n’y changent rien : l’ambiance est pourrie. Voilà pour le tableau, hier soir, à la brasserie K116 de la Kulturfabrik. Militants et élus du LSAP en avaient fait leur siège. Écran géant, cocktail, écharpe rouge de rigueur… Mais dès 20 h, le cœur n’y était plus. «Si ça reste comme ça, c’est une défaite», lâche Francis Remackel les yeux rivés sur l’écran. Six sièges pour le LSAP, trois de moins que lors du scrutin de 2011, six sièges pour le CSV, deux de plus en l’occurrence. Et déi gréng en arbitre avec trois sièges, le scénario improbable… Et c’est resté comme ça, eh oui c’est une défaite. La chef de file Vera Spautz s’est longtemps fait attendre, laissant les têtes d’affiche expliquer le marasme.

Chacun a pris ses pincettes : malgré les divisions évidentes, le LSAP a voulu garder l’image d’un parti uni. «Peut-être que l’on a trop parlé de social, finit par dire Jean Tonnar. Évidemment qu’il faut aider les gens, et nous l’avons fait. Mais on le voit, la surenchère sur la thématique n’a pas payé.» Clairement, le LSAP s’est retrouvé attaqué sur deux fronts durant la campagne : le CSV et le DP lui ont intimé d’arrêter la politique sociale accrue. Et déi Lénk a cogné comme il a pu pour rappeler que le LSAP s’était éloigné des classes populaires. Raté pour déi Lénk, qui n’a pas su séduire avec son virage à gauche. Raté pour l’équipe de Vera Spautz du coup, qui a trop cherché à coller à la thématique du social… La peur de voir glisser son électorat vers la gauche, probablement.

Autre analyse à chaud : le LSAP n’a pas assez occupé le terrain du centre-ville. Développer les friches vers Schifflange, vers la lentille Terre-Rouge, s’émerveiller encore devant le développement fulgurant de Belval «qui est un quartier d’Esch», nous martèle-t-on sans cesse… Ce n’est pas ce que retiennent les habitants, pour qui Esch-sur-Alzette est d’abord un cœur de ville trop délaissé ces dernières années. En face, le CSV en a fait son beurre (lire ci-contre).

«Je ne sais pas ce qu’il va se passer désormais»

Deux élus de terrain, à qui on ne pourra pas reprocher leur manque d’implication au centre-ville, admettent à demi-mot ce manque de communication. «Mon école socialiste eschoise, c’est d’aller vers les gens et de vivre leurs préoccupations quotidiennes, lâche Dan Codello. Et parfois oui, je me suis senti lâché sur ce point. On ne gagne pas une campagne en restant sur les réseaux sociaux.» Touché mais pas coulé (il reste élu), Dan Codello observe : «Je ne sais pas ce qu’il va se passer désormais. Mais je sais qu’Esch a besoin de ce socialisme dont je parle : c’est dans l’ADN de notre ville.»

Astrid Freis, l’élue qui s’est occupée de la vie commerciale lors du dernier mandat, accuse en revanche le coup. Elle aussi a eu l’impression de tout faire pour le centre-ville, en essayant de redynamiser le commerce : réunion du soir, évènements, réunion avec les commerçants qui souffrent de la rue du Brill… Des dossiers pas faciles, lui fait-on remarquer pour la consoler. «Je n’ai rien à exiger des électeurs, répond-elle. Je suis déçue et impuissante ce soir.» Aux autres partis (à commencer par le CSV) qui proposent monts et merveilles pour le commerce, elle souhaite «bonne chance. Moi j’ai essayé beaucoup de choses, à eux d’essayer maintenant». Rideau.

Le LSAP gouvernait Esch depuis toujours, mis à part l’écart de 1999 (le CSV sort premier des urnes, mais ne parvient pas à s’entendre sur une coalition) rattrapée par Lydia Mutsch un an plus tard. Là, c’est cuit. Il va falloir négocier serré avec déi gréng… que Vera Spautz avait bizarrement mis en stand-by en début de campagne.

Hubert Gamelon