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CETA : feu vert expéditif du Conseil d’État


Depuis le 21 septembre 2017, 90% du CETA (partie commerciale) est déjà d'application. (illustration AFP)

Les Sages se sont contentés d’analyser la forme, mais pas le fond du texte de loi visant à ratifier le contesté accord de libre-échange conclu entre l’UE et le Canada. Déi Lénk fustige cette façon de procéder.

Conspué jusqu’au bout par une large frange de la société civile, l’accord de libre-échange signé entre l’Union européenne et le Canada (CETA) avait quelque peu disparu des radars. Signé le 30 octobre 2016 en présence de Donald Tusk, le président du Conseil européen, et de Justin Trudeau, le Premier ministre du Canada, le texte a été ratifié le 15 février 2017 par le Parlement européen. Depuis le 21 septembre 2017, 90% du CETA (partie commerciale) est déjà d’application.

En amont de la conclusion de l’accord, les États membres de l’UE avaient insisté pour que le CETA devienne un «accord mixte», soit un texte qui doit également être ratifié par les Parlements nationaux. À ce jour, la ratification est actée dans 14 des 28 Parlements. Sur la liste figurent des poids lourds économiques tels que la France et l’Espagne, mais aussi le Portugal. Le Royaume-Uni a également accordé son feu vert, mais avec le Brexit, le CETA ne sera plus d’application pour les Britanniques, qui seront obligés de négocier de nouveaux accords de libre-échange.

Le 28 juin, le gouvernement luxembourgeois a lancé la ratification de l’accord transatlantique. Le projet de loi a été déposé le 12 juillet à la Chambre des députés. Il a fallu attendre le 3 octobre pour que le texte soit renvoyé en commission des Affaires étrangères. Aucun rapporteur n’a encore été désigné. «En tant que président de la commission, j’ai suggéré d’attendre jusqu’à ce que mon sort personnel soit tranché. Un rapporteur sera cependant nommé sous peu», indique Marc Angel. Le député LSAP est appelé à suppléer Nicolas Schmit au Parlement européen lorsque l’ancien ministre du Travail commencera son mandat de commissaire européen. La nouvelle Commission européenne devrait prendre ses fonctions dimanche prochain.

Toute cette façon de procéder ne plaît cependant pas à déi Lénk. Le parti d’opposition, vent debout contre le CETA, reproche aux partis de la majorité de vouloir «faire passer le CETA en silence juste avant Noël».

«L’expérience des années passées a montré que (le gouvernement) utilise souvent la dernière séance plénière de l’année pour faire passer des législations impopulaires, à un moment où le pays se prépare aux festivités de Noël et où l’attention des médias est concentrée sur le vote du budget de l’État», fustige déi Lénk dans un communiqué.

Un CETA «antidémocratique»

L’avis expéditif rendu par le Conseil d’État sur le projet de loi en question confirme le parti dans sa crainte. Les Sages ont accordé leur feu vert dès le 10 octobre, soit une petite semaine après le renvoi du texte en commission parlementaire». De plus, il aurait «donné un avis positif sans examiner le contenu du traité».

Déi Lénk déplore que l’avis «n’a avisé que l’article unique du projet de loi qui s’énonce comme suit : « Article unique. Est approuvé l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part, fait à Bruxelles, le 30 octobre 2016 ». Le Conseil d’État a délibéré à l’unanimité que cet article unique n’appelle pas d’observation »». Le parti des députés Marc Baum et David Wagner se dit consterné que les Sages ne se soient «aucunement prononcés» sur les 1 500 pages de l’accord lui-même.

«Je n’ai pas à juger du travail du Conseil d’État, rétorque Marc Angel. Nous, en tant que commission, nous devons nous appuyer sur les éléments du traité concernant la ratification.» La ratification par les Parlements nationaux concerne notamment les très contestés tribunaux d’arbitrage mis en place par le traité et qui sont amenés à trancher d’éventuels différents, notamment dans le domaine de l’environnement ou du droit du travail. Ce sont notamment ces tribunaux qui provoquent l’ire de déi Lénk, pour qui le CETA est «antidémocratique» et rempli de «choix hautement idéologiques» faisant la part belle à l’«ultralibéralisme». L’accord aurait été «écrit par les multinationales pour les multinationales» et érigerait «la course aux profits comme vérité absolue aux dépens de l’intérêt général», poursuit le communiqué. «Il ne faut pas s’attendre à ce que la commission des Affaires étrangères procède à une analyse ou une discussion de fond sur les 1 500 pages de l’accord. Plutôt, il s’agira d’une simple formalité sur l’ordre du jour», prédit déi Lénk. Le président de cette commission nous a toutefois annoncé vendredi que les responsables du ministère des Affaires étrangères ayant travaillé sur le CETA allaient être convié pour s’expliquer devant les députés de la commission.

Le vote final aura-t-il lieu cette année ? «Ce n’est pas sûr», indique Marc Angel. Déi Lénk, de son côté, mise sur le 19 décembre, date de la dernière séance plénière, programmée en même temps que le vote du budget de l’État 2020.

David Marques