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Ces chèques-repas détournés qui irritent l’Horeca


Le président de l’ASBL Don't forget us, Jean-Claude Colbach (à g.), l’associé du groupe Manso Yannis Xydias (au c.) et l’avocat de l’association, Me Frank Rollinger. (Photo : hervé montaigu)

GRAND-DUCHÉ L’ASBL Don’t forget us fustige les abus liés à l’utilisation des chèques-repas et demande aux ministres concernés une prise de position.

Me Frank Rollinger, l’avocat de l’ASBL Don’t forget us, qui regroupe des exploitants de cafés, restaurants et discothèques réunis pour faire front commun face à la crise sanitaire, se lance dans un nouveau combat : faire cesser l’utilisation abusive des chèques-repas. «La loi est claire à ce sujet, martèle l’avocat. Elle exclut l’achat de denrées alimentaires séparées. Or c’est cela qui est vendu majoritairement, avec d’autres produits non alimentaires, en supermarché, dans les stations d’essence, les caves à vin.»

Pour étayer son propos, l’avocat cite une circulaire de la direction des Contributions directes de 1993 venue préciser une loi de 1967. Elle énonce que «le chèque de repas est un titre non négociable émis par l’employeur à usage strictement personnel de son salarié permettant à celui-ci de prendre au cours d’une journée de travail tout ou partie de repas principal auprès d’un restaurateur (en l’absence de cantine d’entreprise). Il faut donc préciser que le repas principal doit être pris auprès d’un restaurateur, c’est-à-dire au restaurant. (…) L’acquisition, par chèque de repas, de denrées séparées ne peut être considérée comme repas principal».

L’utilisation abusive de chèques-repas constitue donc une triple infraction, selon l’avocat de l’ASBL Don’t forget us : abus de confiance, fraude fiscale et blanchiment. Et c’est l’Horeca qui en pâtit.

Une perte annuelle de 52 millions d’euros

Me Frank Rollinger convient que la législation actuelle est «rigide et devrait être modernisée, notamment car elle ne prend pas en compte l’achat de plats à emporter en cas de déplacement professionnel ou encore parce qu’elle dispose que le repas doit être pris à distance raisonnable du lieu de travail». Il n’en reste pas moins que «de la poudre de lessive n’est définitivement pas le repas principal» visé par la loi. Il est très difficile d’évaluer l’ampleur du phénomène du détournement des chèques-repas. Certains opérateurs estiment que 60 % de ces titres spéciaux de paiement seraient utilisés dans les supermarchés. D’autres, plus prudents, indiquent que plus de 50 % seraient utilisés dans les restaurants.

«Dans mon courrier de ce matin (vendredi) à monsieur le ministre des Finances, Pierre Gramegna, je pars sur un total de 130 millions de chèques-repas émis par an, dont peut-être 40 % seraient détournés ou mal utilisés, explique l’avocat, en se basant sur des estimations. Et d’après mes calculs, on arrive à un chiffre de quelque 52 millions d’euros qui sont détournés et ne sont donc pas injectés dans le secteur Horeca, alors que c’est là qu’ils devraient arriver. Ce chiffre est même, à mon sens, trop bas.»

Le ministre des Finances, Pierre Gramegna, est donc invité à prendre position, «car on parle d’une loi fiscale». Mais il n’est pas le seul destinataire du courrier. Une copie a été adressée au ministre des Classes moyennes, Lex Delles, et à la ministre de la Justice, Sam Tanson, laquelle a la possibilité de saisir le parquet.

Claude Damiani

«Une surreprésentation des hôteliers» à l’Horesca

Le conseil de l’ASBL Don’t forget us s’interroge au sujet des assemblées générales de la fédération Horesca : «Son conseil d’administration se compose actuellement de 16 membres, alors que les statuts publiés parlent de 11 membres. Or, d’après le Registre de commerce, on ne retrouve que les statuts fondateurs de 1970, tandis que le secrétaire général de l’Horesca évoque des statuts vieux de 30 ans. Mais 1970 correspond à 50 ans. Cela a peut-être été changé dans une réunion discrète au cours de laquelle on aurait évité qu’il y ait plus de membres présents. Il y a aussi cette disparité : sur 16 membres du conseil d’administration, 11 sont hôteliers. Il y a donc disparité et une surreprésentation des hôteliers.»

La pugnacité de Me Frank Rollinger trouvera donc une nouvelle fois matière à s’exercer : «Don’t forget us n’est pas membre de l’Horesca, mais un membre de l’ASBL que je défends m’a chargé de faire un courrier à la fédération afin de soulever cette question et pour que ses statuts soient respectés, car ses assemblées générales ne sont ni valides ni valables. Et si la fédération refuse d’organiser une AG dans les règles de l’art, mon client se réserve le droit de demander son annulation.»