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« Ce n’est ni un casier bis ni un casier secret »


Le procureur général d'Etat et le procureur général d'Etat adjoint ont défendu la base de données Ju-Cha. (Photo LQ / Julien Garroy)

Tout est parti d’un jeune homme briguant un poste de référendaire-bibliothécaire à la cité judiciaire et qui s’est vu recalé. Depuis, la polémique enfle autour du fameux « casier bis » de la justice et du « fichier central de la police ». Lors d’une conférence de presse, vendredi, la justice a défendu sa base de données nationale Ju-Cha. Depuis 2009, 667 130 personnes physiques sont inscrites dans cet outil auquel 630 personnes ont accès.

« Les conférences de presse du côté de la justice sont relativement rares. Mais quand une telle polémique se développe et que l’on n’a pas eu l’occasion de donner notre point de vue, il est temps que l’on prenne position », a lancé le procureur général d’État. Martine Solovieff n’a pas tourné longtemps autour du pot vendredi matin: « La Ju-Cha (NDLR: Justice chaîne pénale) n’est ni un casier bis ni un casier secret. »

Du côté du parquet général, on en est convaincu : la Ju-Cha, anciennement « chaîne pénale », dispose d’une base légale bien ancrée. Le premier texte réglementant l’utilisation des données nominatives dans les traitements informatiques remonte à 1979. D’autres textes auront accompagné son cheminement. Aujourd’hui, c’est la loi du 1er août 2018 qui est d’actualité. C’est seulement entre 1991 et avril 1994 qu’il y a eu un défaut de base. « C’était il y a 24 à 28 ans », calcule Jeannot Nies, procureur général d’État adjoint.

Depuis 2009, date à partir de laquelle l’application informatique Ju-Cha regroupe tous les traitements existants auprès des différentes instances judiciaires, il y a 667 130 personnes physiques inscrites. Dans le détail, il s’agit de 285 668 prévenus ou inculpés, 20 650 parties civiles, 40 544 témoins et 464 060 assurances et victimes. Ces chiffres sont en partie à relativiser. Une personne peut en effet revêtir plusieurs rôles dans un procès, par exemple une victime qui se déclare partie civile.

Archivés mais pas supprimés

La base de données nationale couvre tout le processus d’une affaire pénale, depuis la communication de l’infraction au parquet jusqu’à la décision définitive, y compris l’inscription au casier judiciaire. Les fichiers ne sont toutefois pas nominatifs, le tout s’organise autour d’un identifiant unique par dossier. « Ju-Cha vise la gestion électronique et purement administrative des nouveaux dossiers », précise Jeannot Nies. En 2018, il y a ainsi eu 63 572 nouveaux dossiers.

Si, du côté de la police, environ 2000 agents ont accès au fichier central de la police, côté justice, 630 personnes sont autorisées à accéder à la Ju-Cha. Cet accès se décline dans un système de 69 rôles. L’étendue des droits d’accès varie selon la fonction que l’on occupe : « Le parquet n’a rien à voir avec le juge d’instruction. Donc, un substitut ne peut pas voir ce qu’il y a sous l’onglet du cabinet d’instruction. » Mais ce n’est pas tout. Une circulaire interne précise que le besoin d’accéder doit être doublé d’un besoin de savoir pour justifier l’accès. À cela s’ajoutent quelques restrictions techniques: « Si je n’ai pas mon certificat LuxTrust et ne suis pas à l’intérieur du réseau de l’État, je ne peux pas non plus y accéder », précise Jeannot Nies.

L’accès à cette base de données s’avère particulièrement utile pour le parquetier, entre autres pour décider de l’opportunité des poursuites, mais aussi pour retracer d’anciennes affaires en cas de découverte de nouveaux éléments. Citons l’exemple de l’attaque sur le centre commercial City Concorde en 1997. Grâce à l’exploitation des traces ADN, le procès contre l’un des auteurs a pu être organisé en 2018.

La règle veut que si aucun élément nouveau n’intervient, les notices sont automatiquement archivées au bout de deux ans pour les contraventions et trois ans pour les crimes et délits. Sur les 434 860 nouvelles affaires (crimes et délits) créées depuis 2009, actuellement deux tiers sont archivées, les autres sont toujours actives. « Les données ne sont pas supprimées, mais elles ne sont plus accessibles. » En cas de demande motivée et accord écrit, il est donc possible d’y accéder. Si le casier judiciaire fait partie de la Ju-Cha, il a toutefois ses règles de fonctionnement, notamment en ce qui concerne l’effacement des inscriptions.

Enfin, le parquet général a tenu à préciser qu’il n’existe aucun lien informatique entre le fichier central de la police et l’application Ju-Cha.

Fabienne Armborst