La mémoire de Michel Welter, figure socialiste et humaniste du Luxembourg, n’est pas entretenue à la hauteur de son apport pour le pays. Retour sur le parcours extraordinaire de «l’ami du peuple», qui fait l’objet d’un nouveau livre passionnant.
Avec l’automne, le parc Galgenberg d’Esch-sur-Alzette est plein tous les dimanches. Qui s’interroge, en jouant dans les feuilles, sur le monument colossal dédié à «l’ami du peuple», le docteur Welter ? Germaine Goetzinger, directrice honoraire du Centre national des lettres, publie justement un ouvrage qui lui est consacré, cette semaine. « Son héritage n’est pas assez considéré», estime-t-elle.
Pourtant, Michel Welter (1859-1924) fut l’artisan de réformes sociales majeures pour le Pays. Sa sensibilité à la cause ouvrière, le docteur l’a acquise en exerçant son métier dans les quartiers populaires d’Esch-sur-Alzette. Il s’y installe en 1886, une vingtaine d’années après la création des premières usines sidérurgiques. Il découvre un univers à la Zola, où l’on vit et l’on meurt pour peu de choses. Lui, le fils de paysans des Ardennes luxembourgeoises, est fasciné par ce nouveau monde. Mais la misère et le cloisonnement de la société le révoltent. Il ne compte pas ses heures pour soigner le peuple, exerçant même en tant que médecin scolaire.
Un homme érudit, orateur infatigable
Au tournant des années 1890, alors que le socialisme émerge en Europe, Michel Welter prend le pli de l’engagement politique. Il est érudit, impressionnant physiquement, et c’est un orateur infatigable. L’abaissement du suffrage censitaire (le suffrage universel n’aboutira qu’en 1911) de 15F à 10F en 1892 lui permet de rallier une partie de la classe modeste. Il est élu à la chambre des députés en 1897 sous l’étiquette «démocrate».
Avec son acolyte Caspar Mathias Spoo (également eschois), il pose les bases du futur parti socialiste luxembourgeois, l’actuel LSAP. S’en suivra une série de réformes considérables, adoptée grâce à une alliance de circonstances avec les libéraux contre la droite cléricale et agraire du pays : l’assurance maladie pour les ouvriers en 1901, l’inspection du travail et la lutte contre les accidents en 1902, le droit à l’habitat ouvrier bon marché en 1906, l’assurance vieillesse invalidité en 1911, pour ne citer que celles-ci. Bref, tout cela valait au moins un monument…
Hubert Gamelon
Retrouvez l’intégralité de cet article sur la vie et l’héritage moderne de Michel Welter dans votre Quotidien de ce mercredi 28 octobre.
Un livre et une conférence
Germaine Goetzinger publie un livre exclusivement consacré à l’action de Michel Welter durant la Première Guerre mondiale : La Grande-guerre au Luxembourg, le journal de Michel Welter 3 août 1914 – 3 mars 1916 (publication gouvernementale). «C’est une époque douloureuse pour le Luxembourg, qui est souvent mal connue, décrypte Germaine Goetzinger. L’analyse du carnet intime de Michel Welter, personnage politique de premier rang au moment de la guerre, permet de mieux cerner les enjeux. » Un ouvrage qui sera doublé par une conférence ouverte à tous, ce jeudi 29 octobre, au Centre national de la littérature, à Mersch, à 19h30.