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CCDH : «Mettre fin à la rétention administrative des enfants» au Luxembourg


Selon le président de la CCDH, Gilbert Pregno, la rétention de mineurs est en totale contradiction avec la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par le pays en 1994. (photo archives Editpress/Tania Feller)

La Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) exhorte le gouvernement à respecter ses propres engagements et à mettre fin sans tarder à la rétention administrative des enfants.

Les représentants du Comité onusien des droits de l’enfant auront de la lecture en parcourant les journaux, s’il devait leur en tomber entre les mains. Ils sont précisément en visite au Grand-Duché dès ce mardi et jusqu’à vendredi pour contrôler le respect de la Convention internationale des droits de l’enfant à laquelle le pays a adhéré.

Ce n’est donc pas un hasard si la Commission consultative des droits de l’homme a choisi cette date pour présenter son avis relatif à la proposition de loi de la fraction déi Lénk visant l’interdiction du placement en rétention des personnes mineures. Depuis 2013 figure dans l’accord de coalition le projet d’une structure adaptée ouverte pour les familles avec enfants mineurs.

Le président de la CCDH, Gilbert Pregno, a beau rappeler les multiples promesses du gouvernement de mettre en place cette alternative à la rétention, il ne comprend toujours pas pourquoi rien ne bouge. Il regrette profondément que le Luxembourg enferme encore des mineurs au centre de rétention dans l’attente d’un retour vers le pays d’origine et cite quelques exemples récents.

«Ce n’est pas parce que l’enfant est un petit homme qu’il n’a que de petits droits», souligne Gilbert Pregno en citant Laurent Fabius. Et pourtant, la CCDH explique qu’ils ont moins de recours et que l’enfermement a des conséquences encore plus graves sur un enfant, comme l’explique le juriste Max Mousel. «Enfermer un enfant au centre de rétention, c’est une violation de ses droits», poursuit-il.

Le ministre Jean Asselborn a reconnu devant une commission parlementaire qu’entre le 7 mars 2017 et le 31 octobre 2019, neuf familles avec dix-neuf enfants mineurs ont effectivement séjourné plus de 72 heures au centre de rétention. La CCDH mentionne encore un cas récent. Il concerne une mère et son enfant de trois ans «présentant de graves troubles du comportement», qui, à l’automne 2020, ont été placés au centre de rétention en vue d’un transfert «Dublin III». Face à l’indignation générale, le ministère a finalement décidé de libérer la mère et son enfant et de leur permettre de rester au Luxembourg en ayant pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant.

Attendre une condamnation ?

Mais fallait-il en arriver là ? La CCDH souligne que la législation et la pratique luxembourgeoises «ne sont pas conformes aux recommandations des experts nationaux et internationaux» ni d’ailleurs à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Tous s’accordent à souligner que la rétention d’enfants migrants, seuls ou avec leur famille, n’est jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’elle constitue toujours une violation des droits de l’enfant en vertu du droit international des droits de l’homme.

Le Comité des droits de l’enfant, qui auditionne le gouvernement luxembourgeois ces jours-ci, affirme que «la détention d’un enfant au motif du statut migratoire de ses parents constitue une violation des droits de l’enfant et est contraire au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant».

Pour la CCDH, «il est évident que le jour où le Comité sera amené à examiner une plainte à la suite de l’enfermement par le gouvernement luxembourgeois d’un enfant pour raisons migratoires, le Luxembourg risque sans aucun doute la condamnation». Pourquoi attendre ? La CCDH n’a pas la réponse, mais elle «exhorte le gouvernement à respecter ses propres engagements et à mettre fin à la rétention administrative des enfants dans les meilleurs délais».

Des alternatives existent pourtant. La loi luxembourgeoise permet le recours à des mesures moins coercitives que la rétention, comme notamment l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, qui peut être assortie d’une mesure de surveillance électronique, ou de déposer une garantie financière de 5 000 euros.

C’est véritablement la création de «maisons du retour» ouvertes pour familles telles qu’elles existent en Belgique depuis 2008 qui serait la solution. Le gouvernement avait organisé une visite d’étude d’une structure similaire aux Pays-Bas en 2017. Mais depuis plus rien, à part une nouvelle promesse de Jean Asselborn, qui indique que le projet est toujours à l’étude.

Geneviève Montaigu