Accueil | Dossiers | [Catalogne] Jordi Gairin : «Le débat serait clos pour plusieurs années»

[Catalogne] Jordi Gairin : «Le débat serait clos pour plusieurs années»


Jordi Gairin pense qu'une Catalogne indépendante est viable économiquement. (Photo : EDITPRESS/François Aussems)

Le président du Centre catalan Luxembourg, Jordi Gairin, explique les origines de la crise entre l’Espagne et la Catalogne, et se montre optimiste quant à la naissance d’une république catalane.

Le président du Centre catalan Luxembourg (CCL) a accepté de revenir sur la question de l’indépendance de la Catalogne, qui depuis quelques semaines est au cœur de l’actualité espagnole et européenne. Mais avant cela, Jordi Gairin a précisé que le CCL avait pour vocation de diffuser la culture catalane, mais non pas d’être le porte-parole des indépendantistes.

Pour commencer, Jordi Gairin explique comment l’Espagne et les Catalans sont arrivés aujourd’hui à une telle fracture. «Il faut remonter assez loin dans le temps, après la chute du dictateur Franco», souligne-t-il. Il ajoute : «Avec le rétablissement de la démocratie en Espagne, les trois régions historiques que sont le Pays basque, la Galice et la Catalogne ont obtenu des accords reconnaissant leur autonomie. À l’époque, pour les Catalans, cet accord était un accord a minima, avec l’idée qu’au fil des années la région aurait la possibilité d’obtenir plus d’autonomie. Alors que, d’un autre côté, pour le gouvernement espagnol, cet accord était a maxima. Ainsi, dans les années 1990 et au début des années 2000, au lieu d’élargir cette autonomie, le gouvernement espagnol a commencé à faire reculer les droits acquis par les Catalans.

En 2006, on a commencé un nouveau processus, car les statuts d’autonomie ne nous convenaient plus. Il y a eu de nouveaux statuts promus par les socialistes catalans, donc pas des indépendantistes. Mais lors de la procédure visant à faire reconnaître ces nouveaux statuts par le parlement espagnol, les statuts ont été encore réduits, alors que le président de l’époque, José Luis Rodríguez Zapatero, avait promis qu’il allait reconnaître les nouveaux statuts du parlement catalan. Mais une fois à Madrid, les statuts ont été encore réduits sous la pression du Parti populaire espagnol. Au final, l’on s’est retrouvé avec encore moins d’autonomie qu’auparavant.»

Jordi Gairin explique donc que bien que la Catalogne ait suivi tout le processus légal prescrit, finalement, la région s’est retrouvée moins autonome, déclenchant ainsi la colère de certains Catalans, dont les indépendantistes. C’est à partir de là que l’idée de l’indépendance a véritablement commencé à avoir un certain écho auprès de la population. «À ce moment-là, les Catalans ont commencé à se mobiliser chaque année depuis 2012», souligne Jordi Gairin.

Pouvoir décider de son avenir

Mais ce dernier est conscient qu’au sein de la population catalane, il existe des différences d’opinion sur l’indépendance. «Je ne connais pas la part de la population catalane qui est pour ou contre l’indépendance. D’ailleurs, même au sein du conseil du CCL, on retrouve des personnes étant pour et d’autres étant contre. Il y a des personnes qui s’interrogent et c’est bien normal. Mais le plus important n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre, mais plutôt de laisser les Catalans choisir leur avenir», insiste Jordi Gairin, qui poursuit : «Si le gouvernement espagnol avait autorisé le dernier référendum en Catalogne, je pense que le résultat des urnes aurait donné la victoire aux personnes contre l’indépendance. Les Catalans auraient fait leur choix et le débat actuel serait clos pour plusieurs années.»

Jordi Gairin insiste sur le fait qu’il n’y a pas de fracture entre les Espagnols et les Catalans : «Mes meilleurs amis sont espagnols et cela se passe très bien. Le problème se pose entre le gouvernement de Madrid et celui de la Catalogne, mais les relations avec les Espagnols restent très bonnes.»

Concernant la viabilité économique d’une Catalogne indépendante, Jordi Gairin se veut confiant : «Toutes les études montrent que l’économie de la région sera en hausse si la Catalogne est indépendante. Aujourd’hui, effectivement, on assiste à une campagne de peur avec la délocalisation de certains sièges sociaux d’entreprises présentes en Catalogne. Mais cela n’a que très peu d’impact sur l’économie de la Catalogne.»

Une volonté politique

Autre point d’interrogation, l’appartenance à l’Union européenne, puisque dans le cas d’une indépendance la Catalogne ne ferait plus partie du marché commun. Là encore, Jordi Gairin reste optimiste : «Techniquement, cela n’est marqué nulle part. Personne ne sait ce qui va se passer. Imaginons que la Catalogne obtienne son indépendance et que l’Espagne reconnaisse ce nouvel État, on pourrait être en dehors du territoire européen. On se retrouverait avec le cas contraire de Chypre, une île qui fait partie de l’UE mais dont seule la moitié de la population est concernée, puisque l’autre moitié est turque. Ici ce serait l’inverse. Il est difficile de savoir pour le moment, mais toujours en admettant l’indépendance de la Catalogne, rien n’empêche d’entamer un processus d’adhésion, d’autant plus que la Catalogne remplit déjà tous les critères d’adhésion et applique déjà les lois européennes. Donc, je pense que sur ce point cela dépendra uniquement d’une volonté politique.»

Jérémy Zabatta

Diffuser la culture catalane

Le Centre catalan du Luxembourg (CCL) a pour mission de faire connaître la culture catalane. Pour cela, le centre organise presque tous les week-ends des activités comme des conférences avec des écrivains ou encore des concerts. À côté de cela, le CCL donne également des cours de catalan. «Le but est de faire connaître et de partager notre langue et notre culture», explique Jordi Gairin. Au Luxembourg, la communauté catalane rassemble environ 700 personnes et près de 1 000 dans la Grande Région. Mais en aucun cas, le CCL n’est la voix des indépendantistes ou encore le relais du parlement catalan.