À la sortie de la réunion de la commission jointe convoquée pour entendre les explications de François Bausch et Félix Braz sur l’existence d’un casier bis secret, les députés étaient dépités, ce mercredi. Quelque 2 000 officiers de police judiciaire y ont accès, ce qui a choqué l’opposition qui n’exclut pas la création d’une commission d’enquête.
Les députés de l’opposition ne sont pas sortis rassurés de la réunion de la commission jointe qui s’est tenue hier matin en présence des ministres verts Félix Braz et François Bausch concernant l’affaire dite du «casier bis». La longue réponse apportée par les ministres à la question parlementaire des députés chrétiens-sociaux Laurent Mosar et Gilles Roth n’est pas parvenue à effacer leurs craintes, pas plus que la réunion d’hier matin.
À côté du casier judiciaire, il existe donc un casier bis, secret celui-là, ce qu’a confirmé un ancien policier en précisant que la police s’en servait pour rédiger des rapports ou des avis. Depuis que Valentin Fürst s’est vu recaler à un entretien d’embauche pour un poste à la cité judiciaire à cause d’un fichier le concernant et contenant des faits qui n’ont fait l’objet d’aucune condamnation, l’affaire dudit fichier prend des proportions considérables.
Un tel casier judiciaire bis n’a pas de base légale et Me Gaston Vogel, qui a analysé la réponse fournie par les ministres Braz et Bausch, continue de crier au scandale. Pire encore, « tout ce qui a été ramassé dans cette (l’)illégalité (de ce fichier) reste archivé », s’offusque l’avocat.
«Une totale monstruosité»
Les ministres affirment que la loi du 1er août 2018 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel constituerait désormais la base légale du fichier. Mais un tel fichier n’est pas mentionné. « Cette loi a fondamentalement changé d’approche en ne prévoyant plus de règlement grand-ducal en tant que base légale pour les fichiers de police, au vu du renforcement important, notamment, des obligations du responsable du traitement et des pouvoirs de l’autorité de contrôle», écrivent-ils. Mais pour le député Gilles Roth, « il faut une loi spéciale pour ce genre de fichier de la police, il faut encadrer le stockage des données ».
Ce fichier central comporte tous les procès-verbaux et rapports rédigés par les officiers de police judiciaire (OPJ). Pour Me Vogel, il contiendrait « des appréciations sur un individu, les rumeurs qui courent contre lui, les suspicions qui, au final, n’ont rien donné et autres jugements nocifs pour l’honneur d’une personne, un quidam qui n’a jamais été prévenu à ce sujet et confronté avec ce qu’on écrit sur lui : il n’y a pas un début de raison de faire confiance sur ce point à n’importe qui, fût-il OPJ », juge-t-il sévèrement. Seul le SRE (Service de renseignement de l’État) a un accès direct à ce fichier central et ce n’est pas plus rassurant de le savoir.
Même en cas d’acquittement, les procès-verbaux et rapports seraient archivés. « Comment peut-on oser justifier une telle totale monstruosité ? », s’interroge l’avocat. « Si la police n’a pas connaissance qu’un quidam poursuivi d’un chef ou de plusieurs infractions a bénéficié d’un acquittement, le fichier continue à renseigner des faits qui ont perdu toute raison d’y être maintenus », analyse-t-il.
Pour Me Vogel, « chacun doit avoir le droit de contredire ceux qui écrivent sur nous en notre absence et sans le moindre contrôle et le fichier doit connaître la règle absolue de l’oubli total ».
Geneviève Montaigu