Carole Dieschbourg va porter la voix du Luxembourg et de l’Europe lors de la COP21 qui débute officiellement ce lundi à Paris. La ministre de l’Environnement est formelle : «Il est urgent de trouver un accord climatique.»
Les premiers signes du réchauffement climatique, les menaces sur notre qualité de vie, les efforts (et retards) du Grand-Duché… La ministre déi gréng de l’Environnement rappelle les enjeux de cette 21e conférence sur le climat.
Le Quotidien : La COP21 est présentée comme la réunion de la dernière chance contre le dérèglement climatique. Quel est votre état d’esprit face à un tel défi?
Carole Dieschbourg : Pour l’instant, je dois dire que j’ai l’espoir qu’on puisse obtenir un accord à Paris qui fixera le cadre pour lutter contre le réchauffement climatique. Lorsqu’on s’est quitté à la pré-COP21 (NDLR : une réunion informelle qui a eu lieu début novembre, à Paris) la volonté politique était claire là-dessus. Donc j’espère vraiment qu’on pourra redonner un peu d’espoir dans une ville qui traverse actuellement des épreuves terribles.
En devenant la présidente du Conseil des ministres de l’Environnement, vous avez reçu la mission de coordonner la position de l’UE pour la COP21. Peut-on avoir une idée de l’ampleur de cette tâche? À quoi a-t-elle abouti?
Il nous a fallu réaliser beaucoup de réunions bilatérales! Continuellement, depuis la COP20 (NDLR : qui s’est tenue à Lima, au Pérou, en décembre 2014), on a eu des réunions avec des pays européens, certains étant parfois plus critiques ou plus sceptiques, pour avoir un consensus.
Une étape très importante a été franchie le 18 septembre dernier, quand les 28 États membres de l’Union européenne se sont accordés sur une position commune sur les thèmes cruciaux pour la COP21. On a désormais un texte de plus de 55 pages, qui est encore trop long, mais qui servira de base pour les négociations à Paris.
Au niveau mondial, 161 pays sur 196 ont publié leurs plans pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 ou 2030. Déjà un succès en soi? Et que dire des pays qui ne l’ont pas fait?
En effet, 161 pays ont donné leur vision et leur plan. Nous, en Europe, on l’avait fait depuis la ratification du protocole de Kyoto (en 2002), donc on a déjà une politique climatique commune. Mais pour beaucoup de pays, comme des pays en développement, c’était la première fois qu’ils s’inscrivaient dans ce processus. C’est pour cela qu’il y a beaucoup d’espoir avec la COP21, car ensemble, ces 161 pays couvrent pas moins de 90 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre! À titre de comparaison, Kyoto, c’était 13 à 14 %. Mais c’est vrai que certains pays ont été plus difficiles à motiver, notamment certains pays du Moyen-Orient, comme l’Arabie saoudite.
La conférence de Copenhague (COP15) de 2009 s’est achevée sur un échec, les pays développés n’arrivant pas à s’entendre, et les pays émergents craignant de limiter leur croissance. Pourquoi l’issue de la COP21 serait-elle différente?
Tout d’abord parce que 161 pays ont déjà donné leurs objectifs. Ensuite, parce qu’on voit déjà les résultats du dérèglement climatique. Jamais la science n’a été si claire et les politiciens si quasiment unanimes sur la réalité de ce dérèglement. Donc, on ne pourra plus dire à nos enfants qu’on ne savait pas.
Troisièmement, parce qu’on n’a jamais vu un tel mouvement, sur le terrain, dans la société civile, pour accélérer la transition vers une société décarbonisée. Par exemple, ici au Luxembourg, on a déjà 96 communes qui se sont engagées avec le « Pacte climat ». Cette dynamique, je l’ai vue aussi, à Lyon, le 1er juillet dernier, lors de mon premier jour de présidente [du Conseil des ministres de l’Environnement], avec ce mouvement participatif qui vient de partout, y compris des particuliers. Les échanges de savoir-faire, d’expériences, se multiplient.
Parce qu’on voit bien que les choses changent : les énergies renouvelables deviennent moins chères que les énergies fossiles ou nucléaires, des opportunités se créent pour améliorer nos modes de vie. C’est un mouvement qui est au cœur d’une jeune génération qui voit qu’il faut faire quelque chose si on veut sauvegarder notre qualité de vie.
Certains pays, dont les États-Unis, ne veulent pas d’engagements contraignants. Quels espoirs de changement peut-on avoir dans ce contexte?
L’Europe est très claire : on veut un accord contraignant. Mais on ne veut pas un accord à tout prix. Il faut qu’il soit crédible, pour que tout le monde y adhère, y compris les Américains. Car on a besoin de tout le monde pour combattre le réchauffement.
Donc, il nous faut des règles claires pour tous, et un but clair pour tous. Par exemple, quand on parle de résilience au changement climatique (NDLR : un retour à la normale climatique), il faudra le traduire de façon claire à l’économie et à la société civile. Il faudra aussi ancrer le principe d’une révision des objectifs climatiques tous les cinq ans, pour faire un état des lieux et voir comment on peut améliorer ces objectifs. Je ne doute pas que ce sera possible.
Le Luxembourg va-t-il atteindre ses objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique? Il vise notamment 11 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en 2020. Cette part était de 4,3 % en 2013. C’est un sacré retard…
Concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nos pronostics se sont améliorés. Pour les années 2013, 2014, 2015, on est sur la bonne trajectoire.
Pour les énergies renouvelables, c’est clair, on a encore des efforts à faire. Mais là aussi, ça va dans le bon sens, parce que c’est une volonté politique du gouvernement. Par exemple, le photovoltaïque est en plein développement, notamment grâce à des subventions aux coopératives qui ont été largement revues à la hausse. Pour l’éolien, on a beaucoup de projets qui se débloquent, par exemple dans le nord du pays, et on est en train d’atteindre nos objectifs. On va passer de 20 000 à 60 000 ménages qui pourront bénéficier de l’énergie éolienne. On est aussi en train d’encourager le secteur de la biomasse.
Les énergies renouvelables sont un pilier important, un autre est l’efficience énergétique, à savoir comment moins consommer pour moins produire. On sera le premier pays en Europe, où, à partir de 2015, les bâtiments d’habitation neufs devront répondre à la classe de performance énergétique A (la plus exigeante). On apprend aussi à l’industrie à être plus efficiente en énergie. Donc, c’est un effort peut-être tardif, mais les choses s’accélèrent, car on veut atteindre nos objectifs.
Romain Van Dyck
Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans votre Quotidien de ce lundi 30 novembre.