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Caritas Luxembourg : «Nous aurons plus de pauvres après cette crise»


Marie-Josée Jacobs et Robert Urbé ont chacun alerté sur les conséquences de la crise sanitaire qui risque de créer de nouveaux ménages précaires. (photo archives LQ/ Hervé Montaigu)

Caritas est aux premières loges pour mesurer les dégâts que provoque cette crise sanitaire. Elle tente d’éviter aux ménages qui s’en sortaient plus au moins bien de basculer dans la précarité.

Caritas Luxembourg avait choisi le vieillissement de la population comme thème phare de son Almanach social 2020 pour clore sa série entamée en 2017 avec la perspective d’un Luxembourg à plus d’un million d’habitants. Tout cela paraît bien lointain aujourd’hui alors que l’avenir, en cette période de crise, se projette à deux, voire trois semaines. La visioconférence de presse de Caritas jeudi matin n’a pas seulement été l’occasion de présenter le traditionnel almanach social, elle a aussi permis de livrer un témoignage sur la situation des plus précaires en ces temps de crise sanitaire.

La présidente de Caritas Luxembourg, Marie-Josée Jacobs, et le responsable de la publication de l’almanach, Robert Urbé, ont chacun alerté sur les conséquences de cette crise qui risque de créer de nouveaux ménages précaires. Le chômage partiel, ce n’est que 80 % du salaire et, pour beaucoup de ménages, qui jusque-là s’en sortaient tout juste avec leurs emplois, cette perte de 20 % est «énorme», comme le décrit Marie-Josée Jacobs.

La Caritas est bien placée pour mesurer l’étendue des dommages collatéraux, elle qui a installé une corona-helpline, un service d’aide sociale pour soutenir les personnes qui ont du mal à joindre les deux bouts et qui se sentent seules avec leurs problèmes. Ces personnes qui ont momentanément perdu leur emploi et qui peuvent basculer dans la précarité, comme les salariés du secteur de l’Horeca ou les coiffeurs. «Les pourboires comptent beaucoup pour ces employés et c’est bien plus que 20 % de leur salaire qu’ils perdent», rappelle Marie-Josée Jacobs.

Les étudiants appauvris

Robert Urbé s’inquiète aussi du sort des étudiants qui ne peuvent plus travailler pour payer une partie de leurs études et qui se retrouvent fauchés comme les blés. «Pour l’instant, c’est dur de survivre», constate Robert Urbé. Si le gouvernement a pris les choses en main pour assurer la survie de son économie, ce que l’ONG salue au passage, elle est d’avis que les ménages qui risquent de sombrer doivent être mieux soutenus financièrement. «Le Revis et l’allocation de vie chère devraient être mieux coordonnés», suggère Robert Urbé.

Pendant la crise, le travail de Caritas s’est encore intensifié. La helpline a prouvé son utilité et a révélé aussi que la violence conjugale, les inégalités scolaires et le désarroi des réfugiés n’avaient fait qu’augmenter. «Nous aurons plus de pauvres après cette crise», prévient déjà Robert Urbé.

Caritas, qui publie toujours son almanach en amont de la déclaration du Premier ministre sur l’état de la Nation, sera à l’écoute des déclarations de Xavier Bettel lorsqu’il présentera un programme d’après-crise.

Le moment est venu selon Caritas d’agir pour se sortir d’une autre crise, climatique cette fois. Et il ne faut pas l’oublier alors que toutes les attentions sont portées sur un virus.

Geneviève Montaigu

L’immigration sauve du vieillissement

Le thème phare de cette édition 2020 de l’Almanach social se concentre sur le vieillissement de la population. Parmi les nombreuses contributions d’auteurs, celle de François Peltier, du Statec, qui livre une analyse complète des perspectives au Luxembourg en comparaison avec les autres pays de l’UE.

Il note dans son étude ceci : l’aspect remarquable dans le changement de la structure d’âge de la population de l’UE concerne le vieillissement progressif de la population âgée en elle-même : la part des personnes âgées de 85 ans ou plus croît à un rythme plus rapide que tout autre groupe d’âge.

Entre 2018 et 2060, le nombre de personnes très âgées dans l’UE devrait plus que doubler, en hausse de 167 %. Ce groupe devrait passer de 14 millions à 37 millions alors que le nombre de centenaires devrait passer de 106 000 personnes à 800 000 d’ici 2060.

La part des personnes âgées devrait être en augmentation dans tous les pays de l’Union européenne. Mais le Luxembourg est moins concerné par ce phénomène. Un quart de la population serait âgée de 65 ans ou plus en 2060, un tiers pour le Portugal, à titre d’exemple.

Pour le moment, le vieillissement de la population est assez contenu au Luxembourg en dépit d’une fécondité assez faible (1,4 enfant par femme en 2018) et d’un allongement de la durée de vie. Ces deux phénomènes sont contrebalancés par un mouvement migratoire élevé composé de personnes en âge d’activité.

Quoi qu’il en soit, ce vieillissement aura des incidences sur le système de protection sociale.