Devenu cardinal en octobre, l’archevêque Jean-Claude Hollerich garde un œil attentif et critique sur l’évolution de l’Église et de la société au Luxembourg.
En cette veille de Noël, Mgr Hollerich se dit confiant sur l’avenir d’une Église, fortement secouée par les cas d’abus sexuels sur mineurs et le divorce avec l’État. Le proche du pape François condamne certaines dérives, encourage les jeunes à s’exprimer et lance un message clair à la politique.
Nous sommes à la veille de Noël. Dans notre société moderne, avec une Église qui perd de son influence, quelle est encore la valeur de cette fête chrétienne ?
Les gens qui se limitent à consommer jusqu’à l’excès ne savent plus ce qu’est Noël. Ils ont peut-être encore un sapin à la maison, peut-être même une crèche, mais ce n’est qu’un geste anodin pour respecter la tradition. Je ne parle pas de ce Noël-là. Noël est la fête du Rédempteur. Tous les gens qui se trouvent du côté sombre de la vie – et il y en a aussi beaucoup au Luxembourg – connaissent très bien la valeur de Noël. Ils savent qu’on a besoin de rédemption. Il faut avoir conscience de ne pas pouvoir tout faire soi-même, que notre monde est parfois très sombre et qu’il est beau de voir que la lumière de Noël peut venir guider ceux qui se trouvent dans le noir.
Lors des débats budgétaires la semaine dernière à la Chambre, les députés ont souligné que les inégalités sociales ne cessent de se creuser au Luxembourg. Comment voyez-vous cette évolution ?
Je me fais beaucoup de soucis. Comment est-il possible qu’un pays aussi riche ne parvienne pas à mettre en place un système de redistribution qui permette à chacun de mener une vie décente ? Je ne le comprends pas. La politique doit réagir, à commencer par le logement. On en parle depuis si longtemps, il est grand temps qu’ils agissent davantage !
La communauté catholique a connu une période assez mouvementée à la suite de la séparation de l’Église et de l’État. Ce divorce a-t-il eu un impact sur la foi au Luxembourg ?
Je pense que les gens se sont plus rapprochés les uns des autres dans l’Église. On constate que chacun soutient encore plus fortement l’autre. Les querelles internes restent présentes à certains niveaux, mais la situation s’est globalement calmée.
Abus sexuels : la transparence doit pleinement jouer
Fin février, vous avez présenté vos excuses aux victimes d’abus sexuels commis dans l’Église. Comment ont évolué les mesures prises pour éviter de nouvelles dérives ?
Notre intention a toujours été de faire toute la lumière. Un important travail a déjà été accompli par mon prédécesseur, Mgr Franck, et l’ancien vicaire général Mathias Schiltz. On peut aujourd’hui s’appuyer sur ce travail préliminaire.
Je reste consterné par ces abus. Cela me fait mal au cœur. Comment peut-on faire d’enfants et d’adolescents les objets d’un besoin sexuel, alors qu’ils viennent à l’Église pour en savoir plus sur Dieu, pour trouver du réconfort et de l’espoir ? C’est tout simplement inacceptable.
Dans ce contexte, le pape vient de lever le secret pontifical sur les abus. Quel impact aura cette décision ?
Je suis content que le pape ait pris cette décision. Il s’agit d’une revendication qui a été formulée en février, lors du sommet sur la lutte contre les abus sexuels dans l’Église. La transparence doit pleinement jouer. Au Luxembourg, il existe des archives auxquelles seul l’archevêque peut accéder car il en a la clé. Cela ne me plaît pas. J’ai consulté ces documents avec des tierces personnes, mais on n’a pas repéré de cas d’abus. Dans un souci de transparence, je serais ravi d’ouvrir ces archives à la presse, mais cela n’est pas possible en raison de la protection des données personnelles.
Dans son ouvrage L’Église catholique face aux abus sexuels sur mineurs, la théologienne Marie-Jo Thiel appelle à identifier plus tôt les potentiels agresseurs. Avez-vous donné une suite à cet appel ?
Tous ceux qui souhaitent être ordonnés diacre ou prêtre sont soumis à un test psychologique obligatoire. Il ne s’agit pas d’un test de façade. Le candidat passe huit séances avec un spécialiste. Chacun a conscience que ce test est nécessaire. S’il y a la moindre tendance de pédophilie qui se dégage, je refuse d’office l’ordination.
Marie Jo-Thiel évoque aussi que « la société est concernée dans son ensemble » par des abus. Comment interprétez-vous ces propos ?
Je serais content de pouvoir créer au Luxembourg une alliance pour la protection des enfants. L’Église n’est en effet pas la seule institution touchée par des abus sexuels. Cela arrive dans des écoles, dans des foyers, des associations sportives. La différence est que les abus commis dans l’Église sont encore plus répugnants, plus particulièrement parce que c’est cette même Église qui cherche souvent à moraliser la société. Je peux comprendre que les gens s’indignent davantage contre l’Église. J’aimerais toutefois que les enseignements qui se dégagent des crimes commis au sein de l’Église puissent contribuer à instaurer une meilleure protection des enfants et des adolescents dans l’ensemble de la société. J’espère que les écoles, l’État et les associations vont donner suite à mon appel.
Soutenir le pape dans sa volonté pour réformer l’Église
Le 5 octobre, vous avez été créé cardinal par le pape François. S’agit-il d’un aboutissement ?
Si j’avais 74 ans aujourd’hui, cela serait un aboutissement. Mais je n’en ai que 61. Je suis amené à travailler plus pour l’ Église catholique dans le monde. Je suis porteur de plus de responsabilités et ma mission est de soutenir le pape dans sa volonté pour réformer l’Église.
L’attitude progressiste du pape provoque-t-elle des tensions au cœur même du Vatican ?
Il existe certainement des tensions parmi les catholiques les plus conservateurs. Ils font pas mal de bruit, surtout sur internet. Mais je pense que la très grande majorité de l’Église soutient les réformes entamées par le pape. Je suis décidé à tout faire pour le soutenir dans ses efforts.
Au bout des deux premiers mois, remarquez-vous déjà des changements concrets en ce qui concerne votre quotidien de cardinal ?
Je passe bien plus de temps à Rome. Une réforme de la curie romaine est en cours. Je suppose que le pape attend la fin de ce processus de réforme pour nommer les nouveaux cardinaux dans les
différentes congrégations de l’administration romaine. Je vais voir mon chef le 30 janvier (il sourit).
Quel regard portez-vous sur les discussions climatiques actuelles ?
La politique doit s’engager davantage. La conférence sur le climat de Madrid a été une véritable catastrophe. Le repli sur soi a dominé, personne n’a voulu penser à la prochaine génération ni à l’avenir de planète et de tous habitants. En fin de compte, ce sont toujours les plus démunis qui doivent payer la note. Les pays les plus pauvres parmi les moins bien lotis sont ceux qui seront le plus touchés par le changement climatique.
On vous a vu défiler le 29 septembre aux côtés des jeunes militants pour le climat. Comment voyez-vous cette mouvance ?
Les jeunes ont tout à fait raison de s’engager pour leur futur. J’apprécie que nos jeunes se mobilisent pour la justice climatique. Mais je ne préfère pas trop en parler car je ne souhaite pas que cela soit pris comme une récupération du mouvement. Ils sont tout à fait dans leur droit.
Impliquer les femmes dans les processus de décision
Quid du rôle des femmes et de la parité dans l’Église ? Pourquoi ne pas féminiser les plus hautes instances ?
Au Luxembourg, la situation a déjà bien évolué. Je dispose de déléguées épiscopales, qui ont la responsabilité de certains domaines de l’Église du Luxembourg. Pour moi, il était dès le départ clair que des femmes allaient être appelées à occuper des postes à responsabilité. Il faut savoir que les femmes constituent toujours la majorité de l’Église. Il paraît donc évident qu’elles soient impliquées dans les processus de décision. Le baptême d’une femme n’a pas moins de valeur que celui d’un homme. Pour ce qui est des plus hautes instances, il faut voir ce qu’il en adviendra. Le synode sur l’Amazonie a demandé au pape de faire vérifier l’ordination de femmes comme diacres. Une commission a été mise en place.
Vous disposez, à la suite de votre nomination comme cardinal en la personne de Léon Wagener d’un évêque auxiliaire et avec Patrick Muller d’un second vicaire général. Avez-vous déjà réussi à mettre en place une répartition des tâches afin d’assurer la continuité dans l’Église catholique du Luxembourg ?
Je vais rester bien présent au Luxembourg. Tout est en train de se mettre en place. Des pourparlers doivent encore être menés pour attribuer les différents domaines de responsabilité. Je ne vais pas me contenter de leur transmettre les tâches plus difficiles, mais aussi partager avec eux les belles tâches qui incombent à un archevêque. Je suis très content de pouvoir compter sur eux.
À la veille de la célébration en 2020 des 150 ans du diocèse de Luxembourg, quels sont les grands défis auxquels se voit confrontée l’Église catholique au Grand-Duché ?
On a bien préparé le terrain pour l’avenir. Le choix de passer à 33 paroisses était indispensable pour adapter l’Église aux nouveaux besoins. Dans la communauté luxembourgeoise, les gens qui viennent à la messe deviennent de plus en plus âgés. Je constate toutefois aussi que les jeunes sont engagés dans une profonde réflexion. Ceux qui reçoivent leur confirmation assument pleinement leur choix. Je ressens aussi auprès des jeunes une certaine soif pour davantage d’intériorité et de religion. Cela ne veut cependant pas dire qu’ils viennent tous les dimanches à la messe. Le passage à 33 paroisses nous permet en tout état de cause de prendre un nouveau départ en tant qu’Église, qui s’ouvre plus largement à la société et qui souhaite travailler avec beaucoup de gens, qu’ils soient catholiques ou pas. Cela commence à produire ses effets dans la société.
Toute notre richesse repose sur une société ouverte
Vous restez également à la tête de la Commission des épiscopats de l’Union européenne. Quelles sont vos attentes placées dans la nouvelle Commission européenne ?
Nous voulons tout d’abord soutenir le « Green Deal » qui vient d’être lancé. On va toujours rester une voix pour les réfugiés. Ils ne doivent pas être oubliés. Parfois, on évoque les grandes valeurs européennes. Mais si je regarde les camps en Libye, où des femmes et enfants sont violés, et que cela est toléré par une Europe qui préfère fermer les yeux et qui se refuse à accueillir ces gens, cela est très grave. Les responsables politiques craignent peut-être les partis d’extrême droite. Pour moi, le meilleur moyen pour être élu est de rester authentique, de dire ce que l’on pense vraiment. Spéculer sur des votes ne fait que renforcer les partis populistes.
Au Luxembourg, les tendances populistes restent très contenues. Certains ressentiments font cependant leur apparition. Êtes-vous inquiet ?
Si on n’est plus à même de se payer un logement, si on sait qu’un septième des frontaliers sont des Luxembourgeois, je peux comprendre qu’un certain ressentiment envers les réfugiés se crée. Mais cela ne veut en rien dire qu’il faut accueillir moins de réfugiés au Luxembourg. La priorité doit être de mener une politique conséquente pour créer plus de logements à des prix abordables.
Une hausse continue des inégalités sociales ne peut qu’aboutir à de la haine, à des rivalités. Cela serait mortel pour le Luxembourg. Toute notre richesse repose sur une société ouverte, qui accueille des gens de toutes nationalités, et sur la coopération avec nos pays voisins. Si cela change, ce sera la fin de la prospérité.
Entretien avec David Marques
Cet individu est dénué d’analyse : si on bétonne pour construire des logements, cela se fera au détriment de l’environnement. Il faut au contraire réguler la démographie mondiale. Et c’est en Afrique que le problème se trouve.
Dans ce cadre, non seulement l’immigration n’aide aucunement nos pays mais bétonne nos espaces verts et incite à construire encore plus de routes, d’administrations, de systèmes énergétiques.
Prétendre que « Toute notre richesse repose sur une société ouverte » est un slogan dénué de vérité.
L’islam a causé de nombreux torts dans nos sociétés européennes. Et ce dogme est anti-chrétien. C’est la réalité et cela n’a rien à voir avec du « populisme ». Il devrait peut-être demander aux 11 chrétiens égorgés à Noël ce qu’ils en pensent ?
Je m’étonne vraiment de lire un Cardinal énoncer de pareilles contre-vérités.