Accueil | Politique-Société | Canicule : la demande de froid explose

Canicule : la demande de froid explose


La façade d'un immeuble à Shenyang, dans le nord de la Chine. En 2016, il s'est vendu 53 millions d'équipements en Chine sur un total de 135 millions dans le monde. (Photo : AFP)

En mai dernier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) tirait la sonnette d’alarme: si le monde continue à s’équiper en climatiseurs au rythme actuel, la demande en électricité va exploser, entraînant dans son sillage une hausse des émissions de gaz à effet de serre. À défaut de stopper cette tendance exponentielle, l’AIE préconise le développement de climatiseurs moins gourmands en électricité et de bâtiments plus efficaces en termes énergétiques.

Dans les trente prochaines années, dix climatiseurs seront vendus chaque seconde dans le monde. À ce rythme, en 2050, 5,6 milliards de clims équiperont logements, entreprises et services publics, contre 1,6 milliard aujourd’hui.

Ces prévisions dévoilées en mai dernier par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) risquent fort d’être en-deçà de la vérité, car elles se basent sur l’équipement à venir des pays émergents comme l’Inde, la Chine ou le Brésil, soumis à de fortes chaleurs. La répétition des étés caniculaires dans les pays européens, au niveau de vie élevé, pourrait bien accélérer le mouvement.

L’accès à un air tempéré quand les températures grimpent à des seuils inédits comme nous en vivons cet été a cependant un prix allant au-delà de celui du simple équipement. «Sans intervention, la demande énergétique des climatiseurs va plus que tripler d’ici à 2050 et équivaudra à la demande en électricité actuelle de la Chine», a souligné en mai Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE, dans un discours introductif à un rapport consacré au sujet.

La moitié des clims est aux États-Unis

Aujourd’hui, l’usage des ventilateurs et climatiseurs représente 20% de l’électricité consommée dans les bâtiments. Cette consommation est pour l’heure concentrée aux États-Unis, au Japon et de plus en plus en Chine.

L’empire du Milieu est déjà devenu le premier marché mondial: en 2016, 53 millions de climatiseurs y ont été vendus sur un total de 135 millions dans le monde. Avec l’élévation du niveau de vie, tout indique que la Chine pourrait suivre le même chemin que celui suivi par les États-Unis au cours des dernières décennies. Alors qu’en 1965 seuls 10% des foyers américains étaient équipés, il sont aujourd’hui près de 90 % à l’être et le pays abrite à lui seul la moitié des climatiseurs en usage dans le monde. Quoi qu’il en soit, pour l’AIE, la demande va progresser fortement avec le développement économique et démographique de pays chauds et l’apparition de classes moyennes plus aisées. Avec un taux d’équipement de 4% des foyers, le géant démographique indien et ses 1,2 milliard d’habitants promettent une marge de progression fabuleuse à l’industrie de la clim. En Indonésie, au Brésil ou en Thaïlande, le climatiseur est bien souvent le premier achat des ménages dès que leurs revenus augmentent.

Le phénomène est amplifié mais aussi aggravé par l’accélération de l’urbanisation. En rejetant l’air chaud vers l’extérieur, les climatiseurs font grimper la température d’au moins 1°C dans les centres-villes les plus équipés.

La demande en énergie que va générer le recours de plus en généralisé à la clim va mettre les réseaux électriques sous pression et obliger les pays concernés à trouver de nouvelles sources de production ou d’approvisionnement en électricité. Avec pour conséquence une augmentation des «émissions de gaz à effet de serre locales et mondiales», avertit l’AIE.

Plus concrètement, les experts de l’agence prévoient que les émissions liées à la climatisation vont doubler d’ici à 2050, ajoutant une quantité de CO2 supplémentaire dans l’atmosphère d’un milliard de tonnes par an, soit autant que les émissions actuelles du continent africain.

Plus on rafraîchit, plus ça chauffe

L’on aboutit donc à un cercle vicieux : plus on rafraîchit l’intérieur des bâtiments, plus on contribue au réchauffement climatique contre lequel la parade toute trouvée est d’installer toujours plus de clims…

Face à ce qui apparaît comme une impasse, il serait tentant d’affirmer qu’il faut stopper le mouvement. Mais c’est loin d’être totalement souhaitable.

L’air conditionné n’est pas qu’un luxe. Elle est indispensable dans les salles d’opération et plus généralement dans les hôpitaux, comme dans les maisons de retraite. Lorsque la climatisation s’est répandue aux États-Unis à partir des années soixante, elle a eu dans les États du Sud, à l’image de la Louisiane, des effets sanitaires bénéfiques, faisant rapidement reculer les maladies tropicales comme le paludisme.

Les épisodes caniculaires extrêmes que traverse la planète tout entière ces derniers mois révèlent aussi un nouveau danger jusque-là sous-estimé : l’apparition de températures dites létales. Ces dernières semaines, la chaleur a tué des dizaines de personnes de par le monde. Une exposition à des températures de 50°C ou plus peut être fatale en une trentaine de minutes chez les sujets les plus vulnérables: personnes âgées, enfants, femmes enceintes, etc.

Cinquante degrés, c’est précisément les prévisions qu’avancent les météorologues pour les étés à l’horizon 2050 dans l’aire géographique englobant le… Luxembourg.

Aussi, pour l’AIE, la mesure la plus urgente et la plus facile à mettre en œuvre consiste à s’assurer que tous les nouveaux climatiseurs sont beaucoup plus efficaces en termes de consommation d’énergie. Cela pourrait diviser par deux la croissance des besoins énergétiques liés à l’air conditionné, calculent ses experts.

Les appareils ne se valent en effet pas tous: ceux vendus au Japon et dans l’Union européenne aujourd’hui s’avèrent ainsi 25% plus efficaces en moyenne que ceux commercialisés aux États-Unis et en Chine.

Optimiste, l’AIE juge même que la demande en énergie émanant de l’air conditionné pourrait rester inchangée si des mesures en faveur de l’efficacité énergétique des bâtiments étaient prises.

F. G.

Un commentaire

  1. Dans l’urgence, dans ce domaine de la climatisation aussi, on pourrait installer facilement de nombreux panneaux solaires sur les toits. L’avantage ici, c’est qu’ils produisent pendant la consommation.