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Burqa : pas d’interdiction totale au Luxembourg


Le ministre de la Justice a tenu à trouver l'équilibre entre les principes d'une société libre et démocratique et ceux du «vivre ensemble» qui rendent nécessaire des rencontres à visage découvert. L'opposition voulait une interdiction totale, elle se contentera d'une interdiction partielle. (Illustration : AFP)

Il sera interdit de circuler le visage dissimulé dans certains lieux publics, mais pas dans la rue. Lundi, Félix Braz a présenté le projet de loi qui n’interdit ni la burqa ni la cagoule du cycliste congelé.

Ceci n’est pas une loi antiburqa. On ne peut pas l’appeler ainsi alors que les femmes qui la portent pourront circuler «dans les rues ou les parcs», au même titre qu’un cycliste emmitouflé dans son écharpe et son casque, ou qu’un motard sur sa cylindrée. En revanche, la dissimulation du visage sera interdite dans certains espaces publics comme les transports, les établissements scolaires, universitaires et de formations professionnelles, les hôpitaux, les tribunaux et dans toutes les administrations publiques en général.

C’est un projet de loi à article unique qui ajoute un paragraphe 10 à la liste des contraventions de quatrième classe (article 563 du code pénal) dans laquelle on trouve pêle-mêle ceux qui auront involontairement détruit ou dégradé des fils, poteaux ou appareils télégraphiques ou ceux qui auront sans droit exécuté des ouvrages d’art, de culture ou autres sur le terrain d’autrui. Dorénavant, en fin de liste, figureront ceux qui dissimulent tout ou partie du visage dans les lieux susmentionnés. Ils paieront une amende de 25 euros à 250 euros, la plus légère des contraventions.

Voilà le consensus que le gouvernement tricolore a trouvé pour répondre à la pression exercée conjointement par les deux partis de l’opposition, le CSV et l’ADR, qui plaident pour une interdiction totale de la dissimulation du visage dans l’espace public, visant directement la burqa et le niqab, que portent une quinzaine de femmes dans le pays.

Le gouvernement suit le modèle néerlandais

Finalement, le gouvernement a suivi le modèle néerlandais adopté en novembre 2016 et qui interdit le port de vêtement couvrant intégralement le visage dans certains espaces publics.

«Elle ne s’appliquerait pas dans la rue et interviendrait dans des situations spécifiques où il est jugé essentiel que les gens puissent interagir», relève le ministre Félix Braz en présentant hier l’exposé des motifs de douze pages qui accompagne cet article unique. «Le modèle belge et français n’est pas équilibré contrairement au modèle néerlandais», poursuit le ministre. Chez ces voisins, il existe une interdiction totale de dissimuler son visage dans tout l’espace public.

«Dans une société libre et démocratique, il appartient à chaque citoyen de décider sous quelle apparence il entend se présenter en public. Toute restriction à cette liberté risque d’aller à l’encontre de plusieurs droits fondamentaux reconnus notamment par la Convention européenne des droits de l’homme», rappellent les auteurs du projet de loi.

Toute restriction concernant le choix vestimentaire constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée, une entrave au droit à la liberté de chacun de manifester sa religion. De plus, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté les arguments du gouvernement français dans un arrêt du 1er juillet 2014, tenant du respect de l’égalité entre les hommes et les femmes et du respect de la dignité des personnes.

Alors que reste-t-il au final comme argument pour justifier une interdiction totale? La CEDH a retenu comme seul argument valable «le vivre ensemble» avancé par le gouvernement français pour sa défense. Elle admet qu’un voile cachant le visage soit perçu «comme portant atteinte au droit d’autrui d’évoluer dans un espace de sociabilité facilitant la vie ensemble».

Pour le gouvernement luxembourgeois, « il y a des lieux où la communication, l’interaction, le « vivre ensemble » rendent nécessaire de se rencontrer à visage découvert» et d’autres, dans la rue par exemple, où les citoyens se croisent «sans forcément être obligés d’entrer en contact et d’interagir les uns avec les autres», explique le ministre Félix Braz, citant l’exemple d’un cycliste qui se protège contre le froid à l’aide d’une cagoule et qui le rend non identifiable.

Le texte présenté à la commission juridique lundi matin n’a pas fait l’unanimité. Pour les partis de l’opposition CSV et ADR, ce projet est bancal et aurait dû imposer une interdiction totale de la dissimulation du visage dans l’espace public comme c’est le cas en France et en Belgique.

Lundi, le ministre a rappelé que 47 communes avaient réglementé l’interdiction de dissimuler le visage en public représentant 73 % de la population totale. L’opposition voulait une loi, elle va l’avoir. Les communes n’auront plus la compétence pour trancher cette question dans leur règlement de police qui va devenir obligatoire pour toutes les communes et qui sera soumis à l’approbation du ministre de l’Intérieur. Aujourd’hui, seules 62 communes sur les 105 disposent d’un règlement de police communal.

Geneviève Montaigu