Ils vivent au Luxembourg et ne voient pas du tout d’un bon œil la sortie éventuelle du Royaume-Uni de l’Union européenne. Et certains envisagent déjà une alternative.
Le 23 juin, les Britanniques voteront pour décider de leur destin en Europe. Une sortie pourrait compliquer la vie de 1,2 million de Britanniques qui vivent dans un autre pays de l’Union européenne et qui cherchent à trouver des solutions en cas de sortie. Le tout avec calme, marque de leur flegme légendaire.
Ils vivent et travaillent au Luxembourg, mais dans quelques semaines, ils pourraient se retrouver à devenir des citoyens de «pays tiers», un cauchemar en termes de visa, ainsi que pour leurs employeurs. Un casse-tête qui inquiète ces ressortissants. C’est notamment le cas des employés des institutions européennes, qui pourraient techniquement perdre leur emploi s’ils ne possèdent plus un passeport de l’UE.
Wayne a pris les devants il y a trois ans déjà… Cet auditeur à la Cour des comptes européenne a utilisé son arbre généalogique : « Ma grand-mère était irlandaise. J’ai grandi en Angleterre et je me sens avant tout britannique. Mais quand David Cameron a annoncé la tenue d’un référendum sur la sortie de l’UE en 2013, j’ai fait les démarches pour obtenir un passeport irlandais… Que je cache dans un tiroir pour le moment. »
La législation irlandaise permet en effet de clamer la nationalité en remontant à la deuxième génération : on appelle ça la «granny rule» (la règle de la grand-mère). Tout ressortissant pouvant prouver que l’un de ses grands-parents était irlandais, peut à son tour demander la nationalité du pays. Ce qui fait de l’Irlande une des plus grandes diasporas au monde, et qui constitue actuellement une aubaine pour ces Britanniques qui ont un aïeul irlandais.
Un recensement au Royaume-Uni a permis d’estimer qu’environ 10 % des Britanniques ont un ancêtre irlandais. L’ambassadeur d’Irlande au Luxembourg, Peadar Carpenter, confirme une certaine tendance : « Il est vrai que nous avons enregistré ces derniers temps une augmentation des appels concernant la procédure pour demander la nationalité, même si nous ne pouvons tirer de conclusions », ajoute-t-il, prudemment.
À la chasse au passeport irlandais
Autre cas de figure : les Britanniques qui sont nés en Irlande du Nord. Ce petit bout de territoire est britannique, mais les accords du Vendredi saint de 1998 accordent à tous les ressortissants de clamer la nationalité britannique et/ou irlandaise, un compromis censé apaiser les tensions entre les deux communautés. Si les protestants n’ont habituellement qu’un passeport britannique, pour Craig qui travaille pour un grand fonds d’investissement cela pourrait changer : « J’ai chez moi les formulaires pour demander un passeport irlandais, je n’ai plus qu’à les remplir… J’espère que le bon sens gagnera, mais dans le cas contraire je suis prêt en quelque sorte. »
Pour les autres, les choses se compliquent. Jesse exerce une activité sous le statut de libéral. D’origine sud-africaine, il possède un passeport britannique grâce à sa mère et il n’est au Grand-Duché que depuis cinq ans : « Je ne serai éligible pour la nationalité luxembourgeoise que dans deux ans. Si le Royaume-Uni quitte l’Europe, il va falloir que je me marie avec une Européenne et vite! »
La nationalité luxembourgeoise pourrait donc vite devenir la seule option pour ces derniers : « Je vis au Luxembourg depuis sept ans. Maintenant, j’imagine qu’il va falloir que je me mette sérieusement au luxembourgeois… Il y a tellement d’autres raisons pour que le Royaume-Uni reste dans l’Europe que le simple fait que je puisse garder mon emploi. D’autant que la campagne pour rester dans l’UE n’est vraiment pas très encourageante …», estime Daniel, traducteur au sein des institutions européennes. Pour James, qui travaille dans une banque écossaise, l’attitude est la même : « Il est clair que si le Royaume-Uni quitte l’UE, je vais me remettre sérieusement à niveau en luxembourgeois! »
Stephen, freelance, est quant à lui plutôt optimiste sur le résultat de ce référendum : « Les sondages d’opinion sont au pire à 50/50, mais je pense que le résultat sera à 60/40 pour rester dans l’UE. La campagne en faveur du non est menée par un Premier ministre relativement populaire (David Cameron) qui insiste en permanence sur les risques que constituerait une sortie de l’UE (Brexit). Et on sait bien que le risque de perdre pèse plus dans la balance qu’une vague chance de gagner quelque chose. Je pense que les Britanniques une fois dans l’isoloir seront raisonnables .»
Audrey Somnard
L’Écosse joue les fauteurs de trouble
Les indépendantistes écossais ont clairement lié leur destin au Royaume-Uni avec leur appartenance à l’Union européenne.
Les Écossais sont traditionnellement attachés à l’Union européenne, c’était d’ailleurs un point qui les a freinés lors du référendum de 2014 sur la sortie de l’Écosse du Royaume-Uni. Ces derniers auraient dû faire une demande pour réintégrer l’Union, ce que les Britanniques menaçaient de bloquer. De fait, ce référendum sur la sortie de l’UE est en quelque sorte le deuxième round pour les indépendantistes écossais, et ces derniers sont en fâcheuse posture.
La chef de file du Parlement écossais, Nicola Sturgeon, appelle publiquement les Britanniques à voter pour rester en Europe, mais les médias britanniques sont quelque peu dubitatifs. Les indépendantistes, dont fait partie Nicola Sturgeon, ont fait clairement savoir qu’une sortie de l’UE du Royaume-Uni relancerait un nouveau référendum d’une Écosse a priori plus attachée à l’Union européenne qu’au Royaume-Uni.
Une tactique dangereuse
Du coup, certains Écossais pourraient être tentés de voter pour la sortie de l’UE dans l’espoir de relancer un référendum cette fois sur la sortie de l’Écosse… Cela semble être une tactique un peu tirée par les cheveux, mais qui pourrait être dangereuse, non seulement pour le Royaume-Uni, mais pour le reste de l’Europe car d’autres pays eurosceptiques pourraient être tentés de suivre l’exemple. Peut-être un moyen pour les Écossais de mettre la pression sur le reste du Royaume-Uni, pour que finalement le vote pour rester dans l’UE l’emporte. En attendant, l’ambassade britannique à Luxembourg a incité ses ressortissants à s’inscrire sur les listes pour qu’un maximum de Britanniques puissent s’exprimer le 23 juin prochain.
A. S.
« (…) Il est clair que si le Royaume-Uni quitte l’UE, je vais me remettre sérieusement à niveau en luxembourgeois! » Ah, donc jusque là, aucun effort pour s’intégrer au Luxembourg, mais dès que les choses tournent mal, on vient faire les leches-bottes? Il devrait avoir honte!