L’ambassadeur britannique au Luxembourg, John Marshall, aborde avec confiance et optimisme le Brexit. Il se réjouit que Royaume-Uni et UE puissent enfin se concentrer sur un «agenda plus constructif».
Rencontré en septembre dernier, John Marshall avait appelé de tous ses vœux un Brexit ordonné. En même temps, l’ambassadeur avait insisté sur le fait que la sortie du Royaume-Uni de l’UE allait se faire le 31 octobre 2019 «avec ou sans accord». Londres et Bruxelles sont finalement tombés d’accord. Il a cependant fallu attendre ce soir pour que le Royaume-Uni puisse «vivre un jour historique».
Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a longtemps exclu tout report du Brexit. Finalement, le Parlement l’a contraint à le faire. Comment jugez-vous la solution qui a été trouvée?
John Marshall : Notre Premier ministre a toujours souligné qu’il voulait renégocier l’accord de retrait. Il était convaincu que cela allait être possible tout en respectant la date de sortie du 31 octobre. L’accord révisé était acquis dans les temps. Mais il a fallu se rendre à l’évidence qu’il était difficile pour un gouvernement d’agir sans avoir de véritable majorité parlementaire. On savait qu’on allait devoir passer par la case de nouvelles élections. En décembre, le Premier ministre est retourné au Parlement avec une majorité confortable. Il a réussi à faire valider l’accord de retrait. Je m’en réjouis fortement. Aujourd’hui, on peut enfin partir.
La menace de quitter l’UE sans accord a-t-elle été une stratégie pour mettre la pression sur l’UE mais aussi sur le Parlement britannique?
Cela aurait été bien de pouvoir réaliser le Brexit plus tôt. Beaucoup de personnes ont fini par se lasser du processus de négociation. Définir les termes du divorce a pris beaucoup de temps. Cela a provoqué une certaine fatigue au sein de l’UE, mais aussi au Royaume-Uni. Personnellement, je suis content que le Brexit devienne enfin réalité et que nous puissions désormais nous concentrer sur un agenda plus constructif afin de négocier nos futures relations avec l’UE. Cela va également concerner mon équipe et moi-même ici, au Luxembourg.
Cela aurait été bien de pouvoir réaliser le Brexit plus tôt
La période de transition est très courte pour définir ces nouvelles relations. Trouver un accord d’ici fin décembre est-il réaliste?
Notre Premier ministre a été très clair : il n’y aura pas de prolongation de la période de transition. On a bon espoir de pouvoir obtenir un très bon accord de libre-échange et de trouver des bonnes solutions concernant une série d’autres points. Le timing est serré, mais on dispose de suffisamment de temps pour aboutir à un accord, à condition que la volonté politique soit présente des deux côtés.
Le Royaume-Uni voulait entamer les négociations dès février. L’UE n’est pas encore prête. Ce décalage est-il de mauvais augure pour la suite?
Pour le moment, la réflexion concernant l’approche à adopter pour les négociations est encore en cours. La semaine prochaine, notre Premier ministre va en dire plus sur la stratégique que le gouvernement britannique va adopter. Il ne sert à rien de spéculer pour l’instant. Mais en tout état de cause, l’objectif sera de négocier un large accord qui couvrira les marchandises et les services. Mais nous espérons aussi qu’un accord pourra être trouvé sur d’autres points essentiels tels que la sécurité intérieure.
On n’est pas naïf : toute négociation pour un accord de libre-échange constitue un défi
L’objectif majeur du Brexit est de reprendre le contrôle, notamment sur la politique commerciale. Comment allez-vous aborder les négociations avec d’autres pays tiers, dont les États-Unis?
Je m’attends à ce que ces négociations soient menées en parallèle. Notre approche est de mettre en place une politique commerciale indépendante. On est ravi de voir que bon nombre de pays ont déjà signalé leur volonté d’entamer ce genre de négociations. Mais on n’est pas naïf : toute négociation pour un accord de libre-échange constitue un défi. Chaque côté veut obtenir le meilleur accord possible. Les négociations s’annoncent compliquées, mais on est convaincus de pouvoir obtenir rapidement de bons accords avec nos partenaires stratégiques.
Un Brexit dur est toujours possible. Craignez-vous ce scénario?
Je suis optimiste. Il y a suffisamment de temps pour obtenir un bon accord. Beaucoup de travail nous attend. Il faudra avancer rapidement. Mais c’est possible.
Êtes-vous triste de devoir quitter l’Union européenne?
Pour être franc, je dois dire que je suis assez excité. Ce 31 janvier 2020 sera un jour historique. Un nouveau chapitre va s’ouvrir dans l’histoire de notre pays. Grâce aux nombreux liens qui continueront à exister entre le Royaume-Uni et l’UE, on restera toujours de proches partenaires, alliés et amis, mais ce sera un autre type de relation entre deux camps souverains.
Entretien avec notre journaliste David Marques
Le Brexit sera une réalité ce soir à minuit
La sortie du Royaume-Uni de l’UE constitue un moment peu glorieux pour le bloc européen. Un chapitre se ferme, une nouvelle période de négociations s’ouvre.
En attendant l’entame de ce nouveau chapitre, les eurodéputés britanniques ont fait, mercredi, leurs adieux après la ratification du Brexit par le Parlement européen. Des élus ont entonné Ce n’est qu’un au revoir, certains brandissant des écharpes aux couleurs des drapeaux britannique et européen.
Boris Johnson, qui doit s’adresser ce soir à 22 h (23 h heure luxembourgeoise) à la nation, a affirmé qu’il célébrerait le Brexit «d’une manière respectueuse et qui fasse honneur à l’exploit incroyable que le Royaume-Uni a accompli, mais aussi en étant attentif aux sentiments de chacun», dans un pays toujours très divisé sur le sujet.
Le moment est peu glorieux pour le bloc européen : après des années d’élargissement, c’est la première fois qu’un membre plie bagage. Le traité de retrait a été signé au milieu de la nuit de jeudi à vendredi la semaine passée par les présidents des institutions, Ursula von der Leyen et Charles Michel, sans la présence des médias. Pas de cérémonie protocolaire non plus pour le retrait des drapeaux britanniques.
Un chapitre se ferme, une nouvelle période de négociations tout aussi difficile s’ouvre : pendant la période de transition jusqu’à fin décembre, au cours de laquelle le Royaume-Uni continuera d’appliquer les règles communautaires, l’UE et Londres vont devoir s’entendre sur leur future relation, en particulier commerciale. Michel Barnier a présenté mercredi matin le projet de mandat de négociation à la Commission européenne, qui ne sera rendu public que lundi, une fois le Royaume-Uni devenu un pays tiers. La marche jusqu’au traité de retrait n’était qu’une «première étape», a rappelé Ursula von der Leyen, qui a une nouvelle fois insisté sur l’importance du respect des normes européennes («level playing field» en anglais) dans la négociation d’un futur accord de libre-échange. Selon la Commission, les «rounds» de négociation pourraient se tenir toutes les trois semaines pour respecter l’échéance de la fin d’année.
L’Écosse reste tournée vers l’UE
Le Brexit risque toujours de faire voler en éclats le Royaume-Uni. L’Écosse avait voté à 62 % contre la sortie du Royaume-Uni de l’UE lors du référendum de juin 2016, à contre-courant des résultats au niveau national, les Britanniques ayant validé le Brexit avec 52 % des voix. Mais la région sera obligée de quitter l’UE vendredi.
L’europhile Première ministre
Nicola Sturgeon avait officiellement demandé en décembre qu’un nouveau scrutin sur l’indépendance de l’Écosse soit organisé en 2020, car elle estimait que le Brexit imminent avait complètement changé la donne. Le Premier ministre conservateur a formellement rejeté mi-janvier la demande du gouvernement écossais.
Petite victoire néanmoins pour Édimbourg : le drapeau européen devait être baissé devant le Parlement écossais ce soir à l’heure du Brexit. C’était compter sans la bravade des élus locaux, qui ont voté mercredi pour le laisser flotter dans cette nation majoritairement opposée au retrait du Royaume-Uni de l’UE. Au terme de vifs débats, la motion visant à maintenir le drapeau bleu aux 12 étoiles jaunes devant le Parlement a été adoptée par 63 voix contre 54, grâce aux voix des nationalistes écossais du SNP, majoritaires. Le texte indique que le drapeau doit continuer à flotter en «signe de soutien et de solidarité avec les ressortissants de l’UE qui ont fait de l’Écosse leur lieu de résidence».