Le Conseil de presse condamne l’idée d’une charte limitant la liberté d’expression pour protéger ce qui est « saint ». L’Église catholique, elle, se prend les pieds dans le tapis.
Le vicaire général de l’Église catholique Erny Gillen avait qualifié de « louable » l’idée d’établir une charte destinée à limiter la liberté d’expression. Hier, il a tempéré sa déclaration. (Photo : Hervé Montaigu)
La polémique ne finit plus d’enfler. Vendredi, l’imam du Centre culturel islamique de Mamer avait exposé devant les caméras de RTL l’idée de lancer au niveau du Conseil des cultes conventionnés une charte destinée aux journalistes visant à encadrer leur droit d’expression sur les sujets ayant trait à la religion. Un meilleur respect de ce qui est « saint » a même été exigé. Entre les lignes, les reproches de délit de blasphème sont donc clairement décelables.
Dans la foulée de ces déclarations, le vicaire général de l’Église catholique Erny Gillen a de son côté qualifié de « louable » l’idée d’établir ce genre de charte. Hier, il a tenu à nuancer ses propos en soulignant qu’il reste un grand défenseur de la liberté d’expression et que son intention n’a nullement été d’influencer la presse dans ses choix.
Tout cela reste cependant assez ambigu et le mal est fait. Hier, le Conseil de presse a ainsi tenu à condamner cette idée de charte. « Le Conseil a décidé à l’unanimité d’envoyer une lettre à l’imam de Mamer pour lui rappeler que la presse dispose d’un Code de déontologie. On n’est pas prêt à nous laisser imposer une quelconque charte », a souligné à notre demande Roger Infalt, président du Conseil. Procéder de la sorte serait ouvrir une sorte de boîte de Pandore. « Qui viendra après les religions ? La politique ? C’est inadmissible de vouloir nous imposer ce qu’on peut écrire ou dire. Le Code de déontologie définit bien les règles du jeu », poursuit Roger Infalt, pour qui la liberté d’expression doit plus que jamais rester inviolable.
L’Alliance des humanistes, athéistes et agnostiques (AHA) condamne également sévèrement les sorties de l’imam et du vicaire général. Le fait de profiter des attentats de Paris pour renforcer l’intouchabilité des « saints » est qualifié de « cynisme monstrueux » par AHA, qui lance un appel à la politique pour « étouffer dans l’œuf » ces « attaques » contre la liberté d’expression.
AHA souligne également dans son communiqué que sans la « rigidité des religions, il n’existerait également pas de fanatisme religieux et pas de meurtres motivés par la religion ».
> L’archevêque garde le silence
Séjournant à l’étranger, l’archevêque de Luxembourg, Jean-Claude Hollerich, n’a pas encore réagi à ces propos. Hier, le Conseil des cultes conventionnés (culte israélite, églises anglicane, catholique, orthodoxe, protestante et protestante réformée) n’a également pas commenté l’affaire. Dans un communiqué intitulé « Le terrorisme tue, les religions construisent », le Conseil s’est limité à « condamner » les « attentats abominables » survenus à Paris. « Tous et unanimement », les membres du Conseil affirment « refuser » de voir leurs religions « associées » à de tels actes « ignominieux qui offensent la foi religieuse réelle ». Ainsi, les cultes réunis sous le toit du Conseil « renouvellent expressément et d’une seule voix leur volonté de contribuer non seulement à une tolérance passive, mais aussi (…) à un engagement commun pour l’avenir de notre société dans le respect des diversités ». Seul bémol : cet esprit de tolérance ne se dégage pas des propos se trouvant être la base de la polémique déclenchée par l’imam de Mamer.
De notre journaliste David Marques