Il n’y a pas que les humains qui subissent une «crise du logement» : de nombreuses espèces sont menacées, s’alarme l’Observatoire de l’environnement naturel.
Dans son rapport, l’observatoire pointe le morcellement des territoires et la politique agraire pour expliquer l’état préoccupant des habitats naturels et des espèces au Luxembourg.
En voilà une chemise exubérante! Alors que Gérard Anzia dresse le sombre état des lieux de la biodiversité au Luxembourg, notre regard est attiré par sa chemise où voltigent des papillons multicolores. Un clin d’œil vestimentaire qui s’explique soudain lorsqu’il nous apprend que «le Grand-Duché est l’un des pays avec le plus grand nombre d’espèces communes [de papillons] en déclin».
Et s’il n’y avait que les papillons! Le président de l’Observatoire de l’environnement naturel pourrait tout aussi bien arborer des chemises à motif d’amphibiens, de plantes ou d’oiseaux menacés… Car le rapport de son observatoire (pour la période 2013-2016) qu’il a présenté hier en compagnie du secrétaire d’État au Développement durable, Camille Gira, est alarmant.
Conservation des habitats
Forêts, habitats aquatiques, paysages ouverts… Sur les graphiques du rapport, la plupart des habitats naturels du Luxembourg sont dans le rouge (état mauvais) ou l’orange (défavorable), à l’exception des habitats rocheux. En 2013, 75 % des habitats étudiés étaient ainsi dans un état non favorable. Le rapport pointe notamment la mauvaise santé des chênes, le recul des prairies maigres de fauche et de certaines landes…
Conservation des espèces
Les chiffres sont également dans le rouge pour la conservation des espèces : en 2013, seules 18 % des espèces étaient considérées dans un état «favorable». Pour 39 %, il était «défavorable» et 35 %, «mauvais». Derrière ces chiffres inquiétants se cachent le triton crêté, le chat sauvage ou encore de nombreux oiseaux et papillons… On regrettera ainsi que treize espèces d’oiseaux, comme le tarier des près, sont considérées comme éteintes. Il faut néanmoins saluer la progression de certaines espèces, comme le castor d’Europe ou la bouvière.
Les défis
Au cours des dernières années, constate l’observatoire, il est apparu évident que le Luxembourg se trouve «face à deux défis prioritaires dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement : la fragmentation du paysage et les restructurations dans le secteur agraire».
La croissance démographique et urbaine a en effet un prix : le Grand-Duché est le pays le plus morcelé de l’Union européenne. Cette fragmentation des paysages a pour conséquence directe une perte de la biodiversité : nombre d’espèces ne peuvent plus s’adapter aux routes, clôtures et trottoirs qui quadrillent le pays. L’observatoire plaide donc pour l’«avènement d’une société de post-croissance» et la responsabilisation de tous dans la protection de l’environnement.
Quant au secteur agricole, «la fusion des exploitations, l’augmentation de la productivité, la surutilisation de fumiers et de pesticides affaiblissent progressivement nos écosystèmes et ont des impacts irréversibles». L’observatoire préconise à l’inverse une politique agraire se basant sur une gestion durable et extensive des terres.
Les progrès
Tout n’est pas noir dans ce rapport. L’observatoire se réjouit notamment que le réseau Natura 2000 «soit enfin complet et que tous les sites aient été désignés. Il «acclame» même le fait que l’élaboration des plans de gestion Natura 2000 de la nouvelle génération progresse bien et que bientôt toutes les zones Natura 2000 seront couvertes par un plan de gestion.
D’ailleurs, le rapport donne un chiffre encourageant : d’ici à 2020, au regard de tous les efforts mis en place ces dernières années et qui commencent à porter leurs fruits, «les écosystèmes et leurs services seront préservés et améliorés grâce au rétablissement d’au moins 15 % des écosystèmes dégradés».
Romain Van Dyck