Sans surprise, les pluies records de juillet ont affecté les récoltes : les agriculteurs déplorent un rendement moindre et des frais supplémentaires mais «le pire a été évité».
Alors que, jusqu’à fin juin, tous s’attendaient à une récolte abondante et de bonne qualité, le mois de juillet a littéralement douché les espoirs des agriculteurs : les précipitations records – depuis 1854, seul l’été 1931 a été plus arrosé – et les inondations historiques des 14 et 15 juillet ont sérieusement compliqué la moisson des céréales cette année. Bilan : des rendements largement sous la moyenne, des grains de moins bonne qualité et des frais supplémentaires pour sauver ce qui pouvait l’être.
«La moisson a été tardive et très longue, puisqu’elle s’est étalée de mi-juillet à mi-septembre, avec des périodes de récolte très courtes dans la journée à cause de l’humidité», rapporte Günther Mertes, à la tête de la coopérative Bako à Hosingen qui compte 300 fermiers. Un sérieux retard qui a causé quelques sueurs froides aux producteurs de blé, comme le confie Jean Müller, directeur des Moulins de Kleinbettingen : «En 2020, on avait fini de récolter fin juillet. Cette fois, au 1er août, on n’avait même pas encore commencé, note-t-il. On a eu très peur de ne pas pouvoir utiliser notre blé, mais il a résisté, et nos pertes se limitent finalement à 10 %.»
Si «le pire a été évité», estime Steve Turmes, le directeur de la LSG, qui produit des semences, «c’est une année très moyenne en termes de quantité et de qualité» qui a nécessité de multiples mesures coûteuses aux agriculteurs pour contrer les conséquences de l’humidité : les frais de plâtrage par exemple, indispensable pour fertiliser les sols et éviter maladies et champignons, ont doublé par rapport à 2020.
Et ce n’est pas tout. De nombreux lots de céréales ont dû passer au nettoyage et au séchage pour garantir leur qualité et permettre leur stockage, là encore avec d’importants coûts supplémentaires à la charge des producteurs. Mais pas le choix : «Une humidité trop élevée, pour les céréales, c’est fatal», tranche Günther Mertes. «Au-delà d’un certain seuil, on ne peut plus utiliser les graines.» Une année humide est donc toujours une année extrêmement stressante pour les agriculteurs, avec le risque de voir leur récolte perdre en qualité mais aussi le danger qu’un champignon s’installe et détruise tout.
Maigre consolation, le prix élevé des céréales sur le marché mondial, dû à une offre rare et une demande accrue, vient compenser en partie les pertes en rendement et les coûts additionnels de cette année. «En net, on va sans doute se retrouver au niveau de 2020», résume Günther Mertes.
«On se sent soutenus et c’est important»
Mais il y a aussi de vraies bonnes nouvelles. Comme du côté du fourrage : en l’absence de sécheresse, le bilan est très positif pour les récoltes de graminées sous forme d’ensilage d’herbe ou de foin. Les quantités produites cette année sont importantes et les fermes ont pu constituer des réserves pour les années à venir. Quant au maïs, la récolte s’annonce prometteuse, avec déjà deux coupes en 2021 et un rendement plus élevé qu’en 2020.
Autre bonne surprise : les cultures d’avoine et d’épeautre, sur lesquelles mise beaucoup la Bako, se sont révélées particulièrement résistantes. Moins sensibles aux maladies, ces céréales en vogue ont aussi conservé leurs qualités pour être utilisées en boulangerie et ce, malgré des conditions de récolte difficiles.
Dans ce climat morose, la filière se réjouit de pouvoir compter sur l’appui du gouvernement : «On se sent soutenus et c’est important», confie Günther Mertes qui a accueilli le ministre Romain Schneider ce lundi à Hosingen avec d’autres représentants de la filière. «L’avantage au Luxembourg, c’est qu’il y a une vraie volonté politique de favoriser l’agriculture et de garantir une certaine autonomie au pays.» Une stratégie sur le long terme qui se traduit notamment par des investissements de la part de l’État dans de nouvelles méthodes de production et de nouveaux produits qui tendent vers une agriculture plus durable.
820 hectares endommagés par les crues
«L’inventaire est désormais bouclé», a annoncé le ministre de l’Agriculture, Romain Schneider, à propos des dommages causés aux terres agricoles par les inondations du mois de juillet. Au total, 820 hectares – sur les 67 000 que compte le pays – ont été touchés, parmi lesquels 2,5 hectares dédiés à la culture maraîchère et 2 hectares de vignes. Les dégâts se chiffrent à près de 1,65 million d’euros. Le ministre a promis une aide conséquente rapide aux entreprises touchées : jusqu’ici, un peu plus de 150 ont adressé une demande d’indemnisation aux services du ministère.
Christelle Brucker