Gilles Hoffmann, du ministère de la Coopération, s’est rendu au Liban auquel le Grand-Duché a apporté une aide d’urgence après l’explosion qui a ravagé le port de Beyrouth et fait 188 morts et 6 500 blessés.
Gilles Hoffmann est chargé de gestion au sein du ministère de la Coopération et de l’Action humanitaire. Il a été détaché deux semaines au Liban auprès du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) après la terrible explosion du 4 août qui a ravagé le port de Beyrouth et une partie de la capitale libanaise afin de participer à l’analyse de la situation et des besoins ainsi qu’à la coordination de l’aide humanitaire.
Qu’avez-vous constaté en arrivant à Beyrouth, deux jours après l’explosion?
Gilles Hoffmann : Les destructions dans la région étaient très lourdes. Jusqu’à trois kilomètres autour de l’explosion, il n’y avait plus rien du tout. De plus, du fait de l’explosion, contrairement à un tremblement de terre, ce n’est pas vraiment possible de trouver des personnes vivantes sous les débris… Évidemment, la population était très affectée. Certains ont tout perdu et ont eu des membres de leur famille blessés, voire tués, dans la catastrophe.
Par contre, la grande différence entre cette situation et d’autres contextes d’urgence dans lesquels j’ai pu être déployé, comme après un ouragan ou un tremblement de terre, c’est que la zone affectée reste malgré tout limitée. Les différents acteurs de l’aide humanitaire ont donc pu travailler dans un contexte plutôt organisé et disposer d’une connexion internet par exemple, ce qui n’est souvent pas le cas dans d’autres catastrophes.
L’explosion a eu lieu dans le port, mais y a-t-il eu beaucoup de quartiers résidentiels affectés?
Oui, car il y a des quartiers résidentiels juste à côté du port de Beyrouth. Cependant, l’une des grandes chances, c’est qu’une grande partie des habitants de ces quartiers n’étaient pas présents au moment de la catastrophe. D’une part, parce que c’était la période des vacances, et beaucoup de ces habitants sont assez aisés et disposent de maisons secondaires dans les montagnes où ils logeaient. D’autre part, en raison du Covid : un confinement avait été décrété et de nombreux habitants avaient quitté la ville. Près de 200 morts sont à déplorer, mais ça aurait pu être bien pire.
Quels ont été les principaux besoins de la population à la suite de cette catastrophe?
Les besoins évoluent bien sûr dans le temps. La réponse immédiate, sur quelques jours, a été de lancer des opérations de sauvetage-déblaiement, pour rechercher des survivants. L’autre priorité était d’assurer un support médical, d’autant que les infrastructures hospitalières du Liban étaient déjà un peu débordées du fait du coronavirus. Par chance, très peu de personnes ont eu besoin d’un abri d’urgence, dans des tentes par exemple. Soit car elles disposent de maisons secondaires, soit parce qu’elles ont été hébergées par de la famille. Maintenant, il s’agit surtout de reconstruire. Des analyses statiques – c’est-à-dire sur l’état des bâtiments – sont en cours pour voir ce qui peut être remis en état avant une reconstruction plus générale.
Comment est coordonnée l’aide?
La réponse d’urgence est toujours coordonnée sous la responsabilité des autorités locales, lesquelles ont chargé l’armée de coordonner les efforts d’aide. Cette coopération s’est bien passée, même s’il faut reconnaître que travailler avec des militaires, qui fonctionnent avec un système de commandement très strict, est différent d’une coopération avec des humanitaires. Il faut donc constamment passer par la hiérarchie.
Quelle aide a décidé d’apporter le Luxembourg au Liban? Le Grand-Duché lui fournissait-il une aide avant la catastrophe?
Le Liban n’est pas un pays partenaire de la Coopération luxembourgeoise. L’aide est donc uniquement d’ordre humanitaire, en réponse à une situation d’urgence. Le Grand-Duché a ainsi fait une contribution de 100 000 euros à la Fédération de la Croix-Rouge, qui soutient la Croix-Rouge libanaise, l’un des principaux acteurs sur le terrain. Il a aussi apporté un soutien financier via le CERF, le Fonds central d’intervention pour les urgences humanitaires, un fonds de réserve des Nations unies. Le Luxembourg y contribue à hauteur de cinq millions d’euros environ par an, et ce fonds a jusqu’à présent déboursé six millions d’euros pour le Liban.
Le Luxembourg a-t-il conditionné son aide?
L’aide humanitaire est liée au principe humanitaire de neutralité. On la met en place en fonction des besoins, et ce, en restant neutre. La situation politique n’a donc pas un effet sur cette aide d’urgence.
Un mois après la catastrophe, est-ce que la vie reprend un cours normal au Liban?
La situation du Liban est compliquée pour plusieurs raisons – il y a une crise politique, économique, sanitaire avec le Covid et aussi la crise des réfugiés de Syrie. Mais concernant les dégâts liés à l’explosion, la situation avance. Ainsi le port de Beyrouth est à nouveau opérationnel. C’était une priorité, puisque c’est par là que le Liban (et la Syrie) importent une grande partie de leur alimentation et de leurs biens.
Entretien avec Tatiana Salvan