Fage -fabriquant de yaourts grec- a fait son retour à la Chambre des députés et ces derniers ne pourront pas empêcher son implantation. Ils veulent de la transparence et, pour Josée Lorsché, le dossier Fage est plutôt opaque.
Cela fait quatre ans qu’elle est fâchée. La députée écolo et échevine de la commune de Bettembourg, Josée Lorsché, bataille contre le projet d’implantation de l’usine de yaourt grec Fage sur des terrains que la société a acquis dans la zone Wolser, entre Bettembourg et Dudelange. «Ce qui me dérange le plus, c’est que beaucoup me reprochent d’avoir voté pour ce projet alors qu’il n’y a jamais eu de vote!», se défend la députée qui, hier encore, en commission jointe Environnement et Économie, a eu le loisir d’interroger les ministres Carole Dieschbourg et Franz Fayot.
Tout dans ce dossier l’agace. La vente du terrain d’abord, dans une zone industrielle nationale, bradé par l’ancien ministre de l’Économie Étienne Schneider. «Fage a obtenu ces terrains pour 20 000 euros l’are alors qu’un particulier qui veut acheter un terrain à bâtir doit débourser 80 000 euros l’are», s’offusque Josée Lorsché. Si tout a été dit et écrit sur les nuisances que va engendrer cette usine et les ressources dans lesquelles elle devra puiser, il reste encore des zones d’ombre que les députés tentent d’éclaircir. En réalité, ils n’ont pas grand-chose à dire dans ce dossier, sinon contrôler que les lois ont été correctement respectées. Ce ne sont pas les députés qui décideront ou non de l’implantation de l’usine Fage, qui a logé son siège au Luxembourg en 2012 déjà.
Josée Lorsché sait très bien que les entreprises ont toutes les mêmes droits pour s’implanter au Grand-Duché. «La ministre Carole Dieschbourg, qui n’est pas favorable à cette implantation, ne peut que considérer le respect de la loi commodo/incommodo et voir si la meilleure technologie disponible est adoptée par l’usine», rappelle Josée Lorsché. Si c’est le cas, rien ne pourra s’opposer à la venue de Fage sur la zone.
Dans l’idéal, c’est la loi commodo qui doit être changée pour coller au plus près des ambitions de durabilité que s’est fixées le gouvernement dans son programme qui suit la ligne Rifkin. L’implantation de Fage s’éloigne considérablement de ces principes. Mais pour changer la loi commodo, encore faut-il que la coalition se mette d’accord et c’est là que le bât blesse. Les socialistes, toujours soucieux de créer des emplois pour des personnels non qualifiés, ne souhaitent pas mettre des bâtons dans les roues du secteur industriel.
D’ailleurs, le député-maire de Dudelange, Dan Biancalana (LSAP), ne se montre pas aussi virulent que ses homologues de Bettembourg envers l’usine grecque. «Si l’usine utilise des milliers de litres d’eau, on ne peut rien faire, car aucune loi ne s’y oppose. Il faut donc changer la loi commodo, la renforcer sur différents points afin de mieux coller aux exigences de durabilité que le gouvernement veut atteindre», explique Josée Lorsché.
Il y a tout un travail à faire en amont. «Il faut faire un contrôle au niveau environnemental pour voir si telle entreprise vaut la peine d’être attirée au Luxembourg. Mais une fois qu’on les a attirées, on ne peut plus revenir en arrière ou difficilement. Pour Fage, les procédures sont enclenchées et il est trop tard pour se dire qu’on a fait le mauvais choix», regrette Josée Lorsché.
32 hectares pour compenser
Le problème majeur de Fage est qu’il ne correspond pas à l’accord de coalition. Mais que faire maintenant ? Une fois que le ministère de l’Environnement aura donné son aval, le dossier reviendra sur la table des conseils communaux de Bettembourg et de Dudelange. En gros, ce sont les communes qui devront donner l’autorisation de construire. Si le dossier capote, que faire des terrains ? Étienne Schneider a beau dire que l’État a un droit de préemption sur les terrains, à quel prix va-t-il pouvoir les racheter ? Personne ne sait et encore moins le ministre qui lui a succédé, Franz Fayot. «C’est un terrain qui risque de rester sans affectation», constate encore Josée Lorsché. La députée est désemparée.
Elle sait qu’à Bettembourg les élus devront se concentrer encore sur l’usine Fage et établir un PAP qui définit les règles de la construction. «Je ne peux pas encore dire ce que l’on va faire», dit-elle. «C’est la première fois que nous sommes confrontés à une telle situation avec une entreprise dont on ne veut pas», explique encore la députée et chef du groupe parlementaire écolo.
«Si on me dit qu’on a les quantités d’eau nécessaires, je suis d’accord. Mais pour combien de temps? En cas de pénurie, qui sera prioritaire? Les citoyens ou les entreprises?», questionne-t-elle encore. La question est légitime, car les faveurs envers Fage deviennent des habitudes. L’État, qui finance un canal d’évacuation des eaux pour Fage à hauteur de 1,2 million, se montrera-t-il aussi généreux avec d’autres entreprises? Pour Franz Fayot, viabiliser le terrain fait partie des obligations de l’État. Les députés n’en sont pas si sûrs.
Dernier point et pas des moindres : il faut encore trouver 32 hectares de terrains à titre compensatoire contre l’installation de Fage. Pour l’instant, il n’y a pas encore l’ombre du moindre hectare.
Geneviève Montaigu