Malgré l’accord sur le Brexit, le Premier ministre luxembourgeois quitte le sommet européen avec un sentiment mitigé. La querelle sur les futures ambitions de l’UE provoque l’ire de Xavier Bettel.
La conclusion tirée vendredi en milieu d’après-midi par Xavier Bettel ne peut être plus claire : «Il faut se montrer ambitieux ou il faut se rétracter. Mais alors, il faudra aussi le dire ouvertement.» Le Premier ministre luxembourgeois s’est montré assez amer après avoir dû constater lors des échanges avec les chefs d’État et de gouvernement européens qu’il existe encore un important fossé entre les ambitions que l’UE s’est données pour rebondir après la sortie du Royaume-Uni et les moyens budgétaires que les États membres sont prêts à fournir.
«On a évoqué ce matin (lire vendredi) l’agenda stratégique avec la présidente élue de la prochaine Commission européenne. J’ai tout de suite indiqué qu’il fallait faire le lien avec la question du budget. Si on veut développer une Europe plus attractive, plus digitale et qui offre plus de chances aux jeunes, il faut se donner les moyens de ses ambitions», a clamé Xavier Bettel lors de sa conférence de presse de clôture. «On a besoin d’un paquet complet alliant l’économie, l’environnement et le social», a poursuivi le chef du gouvernement luxembourgeois. Mais pour l’instant, il existe un blocage sur le budget pluriannuel de l’UE pour la période 2021-2027.
Le Luxembourg disposé à payer plus
«On sait que la sortie du Royaume-Uni va nous faire perdre une contribution de 90 milliards d’euros. Si on décide ensemble – et j’insiste : ensemble – à se donner les moyens financiers nécessaires pour respecter ce qu’on a convenu ces trois dernières années, le Luxembourg sera prêt à augmenter sa contribution», a souligné le Premier ministre. «Il faut se rendre compte que le seul fait d’être membre de l’UE rapporte à chaque pays 10 % de son revenu national brut. Il est donc insensé de faire le calcul ridicule pour savoir s’il faudra à l’avenir investir 1,1, 1 ou 1,16 % de son RNB.» La Commission européenne propose un budget équivalent à 1,114 % du RNB de l’Union à 27. Jusqu’à présent, les 28 consacrent 1 % de leur RNB à l’Europe. «Il est grand temps de travailler sur un budget de l’avenir. On ne peut plus raisonner comme si on est encore en 1985», conclut un Xavier Bettel plutôt énervé.
Pologne et Hongrie implicitement critiquées
Autre problème majeur aux yeux du Premier ministre : le non-respect par certains pays de l’État de droit et des valeurs fondamentales de l’UE. «Si on ne se conforme pas au principe de base du respect de nos valeurs fondamentales, je vois mal comment on pourra rendre l’Europe plus attractive dans les cinq années à venir.» Il ajoute avoir un «très grand problème à accepter que certaines personnes, dont des mandataires politiques, veuillent tirer capital d’attaques répétées contre l’État de droit, l’indépendance de la justice, le droit des femmes ou le droit des minorités». Aucun pays n’a été nominativement cité par Xavier Bettel. Il est cependant clair que la Pologne et la Hongrie sont visées. Maintenir l’unité affichée par les 27 lors des négociations sur le Brexit sera un des défis majeurs de la future présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen, et du futur président du Conseil européen, le Belge Charles Michel. Le prochain rendez-vous est fixé aux 12 et 13 décembre.
A Bruxelles, David Marques
Douze minutes pour le climat
Si dans ses conclusions le Conseil européen « se félicite des résultats, en termes d’ambition, d’action et de solidarité, du sommet Action climat 2019 organisé par l’ONU», la plus haute instance politique européenne n’a consacré que très peu de temps à la question climatique. «Il s’est rapidement avéré qu’on risquait comme par le passé de remettre en question des ambitions qui sont actées», explique Xavier Bettel. Selon les échos obtenus, le tour de table sur le climat a duré à peine 12 minutes, vendredi.
Mais le Conseil européen se dit toujours «résolu à ce que l’UE continue à montrer la voie vers une transition écologique socialement équitable et juste». Une décision finale, notamment sur l’ambition d’avoir une UE zéro carbone en 2050, doit être prise en décembre. La Pologne, la Hongrie, la République tchèque et l’Estonie, pays très dépendants de l’industrie du charbon, continuent de bloquer dans ce dossier. Des compensations financières venant des autres pays de l’UE constituent une piste de solution. «Mais il faut d’abord se donner une ambition commune», prévient le Premier ministre luxembourgeois. «Si on ne s’accorde pas sur une ambition politique commune, il ne pourra pas être question de compensations financières.»
La présidente de la prochaine Commission européenne plaide pour revoir encore à la hausse les objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Comme le Luxembourg, Ursula von der Leyen vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 à 55 % dès 2030. L’objectif actuel est une réduction de 40 % pour 2030. Le président français plaide pour une taxe carbone à payer aux frontières. Vendredi, Xavier Bettel n’était pas encore en mesure de commenter davantage la proposition d’Emmanuel Macron, qui pourrait aussi avoir un impact sur le Luxembourg.