Ils sont six à espérer rejoindre la Croatie pour former un bloc européen dans les Balkans. Malgré des avancées récentes, les embûches restent nombreuses.
La politique d’élargissement de l’Union européenne vers les Balkans dits occidentaux (voir ci-dessous) a connu un coup d’arrêt avant ce printemps. Après un blocage par plusieurs pays, la France en tête, la Macédoine du Nord et l’Albanie ont été obligées d’attendre le mois de mars 2020 pour enfin obtenir le feu vert des 27 à l’ouverture de leurs négociations d’adhésion. Si la décision finale est tombée à Bruxelles, une impulsion importante est venue de Zagreb, la capitale de la Croatie. «Notre objectif a été de donner un nouvel élan au processus. On a avancé dans la bonne direction», affirme Andreja Metelko-Zgombic, secrétaire d’État au sein du ministère croate des Affaires étrangères. La diplomate s’est retrouvée en première ligne lors de la présidence croate de l’UE, marquée notamment par le sommet UE-Balkans du 6 mai. À cette occasion, les chefs d’État et de gouvernement avaient rappelé «une nouvelle fois» leur «soutien sans équivoque à la perspective européenne des Balkans occidentaux».
Le processus est engagé depuis 2000. La Croatie reste à ce jour le seul pays de la région à avoir intégré l’UE. L’adhésion date de 2013 après des négociations conclues en six ans à peine (2005-2011).
L’attente pour les six pays susceptibles de suivre l’exemple de la Croatie sera bien plus longue. Même l’horizon 2030 semble peu probable actuellement. Il s’agit d’une des conclusions tirées vendredi lors d’une conférence sur l’élargissement de l’UE, organisée vendredi par la Représentation permanente de la Commission européenne à Zagreb.
Prévu lors de la présidence croate, le rendez-vous a été reporté en raison de la crise sanitaire. Mais le Covid-19 est peut-être un mal pour un bien. «En ces temps de défis globaux, on a besoin de s’investir dans des relations stables sur le continent européen», avance Ognian Zlatev, chef de la Représentation. Dès mardi, la Commission européenne doit annoncer un plan de relance économique pour les Balkans. Une enveloppe de 3,3 milliards d’euros a déjà été débloquée pour faire face à la pandémie. «Nous partageons la même histoire et la même destinée. Les Balkans occidentaux font partie de l’Europe», avait souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de sa récente déclaration sur l’état de l’Union.
Malgré ce rapprochement, le chemin vers l’UE restera très dur, tant pour la Serbie et le Monténégro, qui ont déjà le statut de candidat, que pour la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, qualifiés de «candidats potentiels». Vendredi, l’ambassadeur allemand en Croatie, Robert Klinke, a fait part de son espoir «que les négociations avec la Macédoine du Nord, et si possible avec l’Albanie, pourront s’ouvrir dans les trois mois à venir», soit avant la fin de la présidence allemande, qui a pris en juin le relais de la Croatie. «Nous sommes à un tournant, non seulement pour l’UE, mais aussi pour l’ensemble de la région», ajoute l’ambassadeur. Dans les autres pays des Balkans, «la bataille de l’État de droit» doit encore être menée, comme le résume Matteo Bonomi, de l’Institut des affaires internationales, basé à Rome. Le respect des valeurs fondamentales de l’UE n’est cependant pas le seul défi auquel sont confrontés les candidats à l’élargissement. Des tensions intra-étatiques existent toujours, 20 ans après la fin de la guerre des Balkans. Le plan de relance économique peut constituer une nouvelle étape pour aller de l’avant. «Les Balkans ont un intérêt stratégique pour l’UE», souligne Olivér Várhelyi, commissaire européen à l’Élargissement. La Russie et la Chine restent en effet des concurrents directs de l’UE dans cette région. «Il faut parler davantage aux gens», plaide Andreja Metelko-Zgombic, entre autres, pour leur démontrer les avancées déjà réalisées grâce au soutien financier de l’UE. «Nous sommes prêts à soutenir des pays candidats avec tous nos moyens. Mais en fin de compte, la décision leur appartient de poursuivre sur le chemin européen», conclut la secrétaire d’État croate.
De notre envoyé spécial à Zagreb, David Marques
Le Luxembourg comme allié
Aussi bien le Premier ministre, Xavier Bettel, que le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, ont multiplié ces dernières années les visites et initiatives pour démontrer le soutien du Grand-Duché à l’élargissement de l’UE vers les Balkans. La décision d’ouvrir les négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie «représente à la fois un signal important envers les pays-candidats des Balkans occidentaux et une démonstration de la capacité continue de notre Union à prendre des décisions stratégiques dans un contexte difficile». Ces mots ont été signés le 24 mars par le chef de la diplomatie luxembourgeoise. Aussi bien lors d’une visite à Belgrade en juin 2019 que lors de la réception de son homologue Ana Brnabic en septembre de la même année à Luxembourg, Xavier Bettel a rappelé son soutien à la candidature d’adhésion de la Serbie.