Même en limitant le réchauffement climatique mondial à 2°C d’ici la fin du siècle, le mercure grimpera de 3 à 4°C au Luxembourg, préviennent les chercheurs du LIST. Et les conséquences seront lourdes.
Des pelouses qui jaunissent, des malaises, des débuts d’incendie… La canicule s’abat sur le pays, faisant grimper la pollution de l’air et descendre le niveau des rivières. Certes, ce n’est pas toujours désagréable : les plans d’eau du pays prennent un air méditerranéen, tandis qu’on se presse à l’ombre des terrasses pour se rafraîchir. Mais imaginons que ce scénario exceptionnel devienne banal…
Cet été, il a fait chaud. Très chaud. À tel point que la saison 2015 a été placée en deuxième place des étés les plus torrides depuis 1947, derrière la fameuse canicule de 2003. Un record de température (36,1 °C) pour un début d’été a même été battu le 4 juillet, tandis que les nuits tropicales (où la nuit ne descend pas en dessous de 20 °C) se sont multipliées.
Imaginez maintenant que ce genre d’été, atypique, devienne complètement ordinaire. Le Dr Andrew Ferrone, lui, ne l’imagine pas, mais le prédit : à la fin du siècle, ce genre d’été très chaud deviendra «la norme». Ce chercheur au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) est représentant luxembourgeois auprès du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Nous lui avons posé une question : que deviendra le Luxembourg si l’on parvient à limiter le réchauffement climatique à un maximum de 2 °C d’ici la fin du siècle?
Pour y répondre, les chercheurs du LIST ont dû affiner leur modèle d’analyse, car les modèles habituels fonctionnent sur des grilles d’environ 50 km sur 50 km. Les projections du LIST, elles, «ont été réalisées sur une grille de 1,3 x 1,3 km, permettant ainsi de faire des distinctions dans les différentes parties du Luxembourg.» Car la petite taille du pays n’empêche pas une diversité climatique selon les régions.
Les résultats ne sont pas rassurants, en premier lieu en ce qui concerne les températures. Les projections du LIST montrent une augmentation entre 3 et 4 °C jusqu’à la fin du XXIe siècle pour le Luxembourg.
Ce qui aura un impact sur les épisodes dits de «stress thermique», lorsque l’accumulation de chaleur dans l’organisme empêche de maintenir une température corporelle normale. Actuellement, le Luxembourg subit en moyenne une nuit tropicale par an, durant laquelle le corps humain n’a pas la possibilité de se régénérer du stress thermique de la journée. Or selon le Dr Ferrone, «une analyse des projections a montré que ce chiffre peut augmenter de 8 nuits pour l’Oesling et de 15 nuits pour le Gutland d’ici à la fin du siècle».
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Concernant les précipitations, on peut s’attendre à une augmentation d’environ 35 litres par mètre carré de précipitions en hiver. Par contre, on attend une évolution bien plus conséquente en été, avec une diminution d’environ 60 litres par mètre carré. Quand on sait que la moyenne estivale des 30 dernières années est de 220 litres par mètre carré, cette diminution n’est pas à prendre à la légère. D’autant, précise le Dr Ferrone, que «ces précipitations estivales seront associées à des orages plus violents que dans le climat actuel».
Des agriculteurs déboussolés
Le LIST a également analysé les répercussions des changements climatiques sur la faune et la flore. Un phénomène qui ressort «est une augmentation de la longueur de la période de végétation. Dans le climat actuel, sa longueur est de l’ordre de 250 jours, mais les projections prévoient une extension à quelque 300 jours pour la fin du siècle.» Cette augmentation accroîtra par exemple le risque de gelées tardives pour les cultures, surtout dû à un démarrage des cultures de plus en plus précoce.
Des évolutions sont ainsi attendues dans le domaine de la viticulture luxembourgeoise. Les changements de température «vont créer des conditions favorables pour certaines variantes de vignes jusqu’à présent seulement cultivées dans des régions plus méridionales, à condition que les quantités de précipitions restent suffisantes.»
Bien sûr, personne n’a de boule de cristal : tout ceci reste du domaine du spéculatif. Mais n’oublions pas que ces projections se basent sur un scénario optimiste, celui visé lors de la COP21 : que l’on parvienne à limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici 2100. Or si rien n’est fait, rappelle le GIEC, le réchauffement global pourra grimper à plus de 4 °C. Autant dire que le Grand-Duché a tout intérêt à ce que ce scénario du pire ne se réalise pas.
Romain Van Dyck