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Au Luxembourg, « le pic des hospitalisations nous attend »


Le Premier ministre, Xavier Bettel, et la ministre de la Santé, Paulette Lenert, ont lancé un appel à maintenir la discipline. Le déconfinement «n'est pas pour demain». (photo SIP/Jean-Christophe Verhaegen)

Le confinement mis en place le 16 mars produit ses effets. Si le Luxembourg est entré dans une phase de stabilisation des infections au Covid-19, la discipline reste de mise. La ministre de la Santé met en garde.

« On n’est pas encore arrivé au bout. » Le message livré vendredi par le gouvernement est clair. « La vigilance reste de mise. Le seul moyen d’éviter un débordement des hôpitaux comme on l’observe dans le Grand Est mais aussi en Île-de-France est de continuer à endiguer le plus possible la propagation du virus », martèle la ministre de la Santé, Paulette Lenert. Vu le déphasage entre l’infection et le développement de graves complications, qui interviennent seulement au bout de plusieurs jours, elle estime que « le pic des hospitalisations nous attend encore. Les semaines les plus dures vont encore arriver ».

Pour l’instant, une certaine « nervosité » serait palpable dans les hôpitaux. « Mais nous sommes prêts », assure Paulette Lenert. Vendredi dernier, la ministre avait précisé que la capacité totale du pays a pu être augmentée de 170 à 300 lits de soins intensifs. Cette semaine, 43 respirateurs artificiels supplémentaires sont arrivés, tout comme trois autres livraisons de matériel de protection.

Malgré tout, le sentiment de la ministre reste « mélangé ». Vendredi matin, le Grand-Duché déplorait 31 morts, 2 612 infections et 232 patients hospitalisés, dont 43 en soins intensifs. En début de semaine, 31 patients se trouvaient en réanimation et 202 étaient hospitalisés. Mercredi, un premier patient atteint du Covid-19 a pu quitter les soins intensifs du CHL. Ils sont 174 à avoir pu quitter l’hôpital et quelque 500 sont considérés comme guéris.

«Ne pas anéantir les efforts produits»

Le taux de mortalité est de 1,1%, « mais ce chiffre n’est pas très parlant au vu du nombre important de tests que nous réalisons (NDLR : le total était de 21 463 vendredi). Il ne faut pas penser que le danger de succomber au virus est moindre chez nous », insiste Paulette Lenert.

Elle constate aussi que lors de la semaine en cours, beaucoup de nouvelles personnes infectées avaient entre 70 et 79 ans. En sachant que la moyenne d’âge des victimes est de 86 ans, le Premier ministre a lancé un nouveau message aux personnes vulnérables : « Ce n’est pas le moment d’aller au supermarché pour se balader. Il existe bon nombre de services et d’actions de solidarité qui permettent aux personnes vulnérables de se faire livrer leurs aliments. Chacun est appelé à s’autoprotéger. » Le site de livraison dédié aux personnes vulnérables (corona.letzshop.lu) a d’ailleurs enregistré quelque 1 850 commandes depuis son lancement.

« Une lueur d’espoir » se dégage toutefois de la « stabilisation » du nombre d’infections (hausse moyenne de 132 cas depuis lundi).

« La stratégie adoptée semble fonctionner. Ce n’est pas le mérite du gouvernement, mais celui de la population. La très grande partie respecte les règles. Le bon sens l’emporte », indique le Premier ministre. Il dit enregistrer les interrogations quant à une levée des mesures. « On n’y est pas encore. Ce n’est ni pour aujourd’hui ni pour demain », dit en toute clarté Xavier Bettel. « Ceux qui pensent que le moment d’un déconfinement est venu font fausse route. »

La discipline doit rester de mise. « Notre volonté n’est pas d’anéantir l’effet des efforts produits en levant trop tôt les mesures », enchaîne le chef du gouvernement.

Le Luxembourg est confiné depuis près de trois semaines. L’état de crise est décrété depuis le 18 mars. « Il est très important de ne pas s’arrêter maintenant », complète la ministre de la Santé.

Le déconfinement sera progressif

L’après-crise continue toutefois à se préparer en coulisses. Évoqué une première fois en fin de semaine dernière, le plan de sortie du gouvernement a pris plus de contours. La cellule de crise se fait conseiller par des experts et des scientifiques. S’il est encore trop tôt pour donner un horizon de temps, le Premier ministre insiste déjà sur une chose : « Le déconfinement ne pourra se faire que de manière progressive .»

Deux facteurs majeurs vont servir de guide au gouvernement : la capacité des hôpitaux (taux d’occupation des lits normaux et des soins intensifs) et le développement des anticorps dans la population. « Le dispositif pour lancer les tests sanguins sur un échantillon représentatif de la population est prêt », note la ministre de la Santé.

Ces tests sérologiques doivent permettre de détecter combien de personnes ont déjà été infectées et ont développé des anticorps. En d’autres termes, il s’agit de définir combien de gens sont immunisés.

En attendant, « il faut continuer à tenir », conclut un Premier ministre qui reste sur le qui-vive.

David Marques

UE : « Nous devons suivre notre propre chemin »

Il y a pile une semaine, le Premier ministre insistait sur le fait que les pays formant l’Union européenne étaient obligés de coordonner la sortie de la crise du coronavirus, pour sauver aussi un brin de crédibilité. Vendredi, Xavier Bettel a fait marche arrière en soulignant que le Luxembourg devra « suivre son propre chemin » pour le déconfinement.

« Le mieux serait bien évidemment d’avoir une certaine coordination à l’échelle de l’UE. Nous n’avons déjà pas réussi à nous accorder ensemble sur les mesures à prendre pour lutter contre la propagation du virus. Cela risque de prolonger la crise », constate sobrement le Premier ministre.

Même s’il admet que le Grand-Duché devra se concerter avec ses pays voisins, Xavier Bettel affirme « ne pas voir de véritable avancée à l’échelle de l’UE » pour une meilleure coordination. L’attention se focalise désormais sur le « financement » de l’après-crise. « L’espoir d’un regain de la solidarité, d’un retour à la raison persiste. Mais la situation n’est pas évidente », ponctue le Premier ministre.