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Au cœur de la réinsertion des toxicomanes [dossier]


Le chargé de direction du CTM, Romain Pauly (à g.), et le psychiatre Ferdi Kasel ont fait visiter, mercredi, l'atelier de menuiserie du centre thérapeutique Syrdall Schlass Manternach (CTM) à la ministre de la Santé, Lydia Mutsch. (photo Didier Sylvestre)

La ministre de la Santé, Lydia Mutsch, a visité mercredi pour la première fois le centre thérapeutique Syrdall Schlass Manternach (CTM). Ouvert dans les années 80, il peut accueillir jusqu’à 25 personnes. L’unité décentralisée de la Rehaklinik du CHNP à Ettelbruck est actuellement l’unique centre thérapeutique résidentiel pour personnes toxicomanes au niveau national.

C’est sur le site où, il y a 200  ans, était fondée la papeterie de Manternach (Papierfabrik Holzschleiferei Manternach) que le Syrdall Schlass Manternach accueille depuis 1980 le centre thérapeutique pour toxicomanes.

Le centre est organisé en communauté thérapeutique et accueille des personnes dépendantes aux substances toxiques illégales ayant toutefois déjà suivi un sevrage avant d’être admises au CTM. Il est également possible d’accueillir des mères ou des pères accompagnés de leurs enfants. Parallèlement, le centre propose une offre spécifique aux femmes toxicomanes enceintes.

Actuellement, ils sont 23  patients à être encadrés au CTM. En moyenne, ils sont aux trois quarts des hommes. La visite de la ministre de la Santé, Lydia Mutsch, hier après-midi, n’a pas empêché la poursuite des activités du CTM. Quelques instants avant son arrivée, le centre a accueilli une femme qui se trouvait depuis trois à quatre semaines sur la liste d’attente. « Sur la liste d’attente se trouvent une douzaine de personnes , indique le chargé de direction du CTM, Romain Pauly. Mais il faut voir cette liste avec une certaine dynamique. Pour différentes raisons, le patient ne vient pas toujours le jour prévu. »

En moyenne, un an de thérapie individualisée

De l’époque de la papeterie reste aujourd’hui uniquement la maison principale où se trouvent les chambres et salles de thérapie. « Le matin, on travaille, l’après-midi il y a les séances de thérapie », poursuit Romain Pauly sur le chemin de l’atelier où les patients effectuent notamment des travaux de menuiserie. Ce sont également les patients qui se chargent de la cuisine et de l’entretien du centre. « Quand ils sortent d’ici, ils savent faire la lessive et cuisiner. Ils sont autonomes », ajoute-t-il. Tous ne travaillent toutefois pas sur le site. L’annexe inaugurée en décembre 2007 loge les personnes qui travaillent à l’extérieur  : « Le matin, elles prennent le train pour se rendre à leur travail. »

Une thérapie au CTM dure en général autour d’un an. Un programme de prise en charge de maximum quatre mois peut toutefois être envisagé pour des personnes disposant par exemple d’un travail ou d’un logement. « Les drogues ne sont pas toujours le problème principal. Il y a beaucoup de doubles diagnostics », note encore Romain Pauly.

Pendant leur séjour, les personnes toxicomanes sont entre autres encadrées par un médecin psychiatre. En 2014, 62  patients ont suivi le programme thérapeutique du CTM. Et en moyenne, 60 à 80  % des patients suivent un traitement de substitution par la méthadone avec réduction progressive de la dose journalière. « Tous les mois, je vois individuellement chaque patient sur le thème de la substitution. J’ai également un retour des autres avec qui il travaille. C’est seulement après que la dose est définie », souligne le Dr Ferdi Kasel. Après leur séjour au centre thérapeutique de Manternach, les patients ont la possibilité de séjourner dans des foyers d’encadrement dans l’est du pays.

Depuis ses débuts, le CTM a connu plusieurs évolutions. Ainsi, les patients sont de plus en plus âgés. L’âge actuel moyen se situe autour des 29 ans. «Les personnes sont de plus en plus âgées grâce aux traitements. On parle aujourd’hui d’une « géronto-toxicomanie « », note le Dr  Ferdi Kasel. Autre tendance  : la nécessité de leur apprendre à lire et à écrire. Alors qu’autrefois les clients rédigeaient sans problème leur rapport final, « aujourd’hui, une enseignante vient une fois par semaine leur apprendre à lire et à écrire ».

L’objectif du centre est de réhabiliter et d’aider chaque personne prise en charge à mener une vie comblée sans drogues. L’offre thérapeutique du centre vise la réinsertion sociale et professionnelle de chaque personne. Mais même si la famille ou certains patrons de grandes entreprises de l’entourage des patients sont de plus en plus intégrés dans l’établissement des objectifs de sa thérapie, « le patient doit le vouloir », conclut Romain Pauly.

Fabienne Armborst

Dépénalisation du cannabis : vers un débat

À la fin de la visite du centre thérapeutique de Manternach (CTM), la ministre de la Santé, Lydia Mutsch, a été interrogée sur la question de la dépénalisation du cannabis. « Nous sommes beaucoup en contact avec le ministre de la Justice, Félix Braz , a-t-elle fait savoir. Nous voulons un grand débat à la Chambre sur les drogues dans la société, pas seulement sur le cannabis. » Selon la ministre, ce débat serait également l’occasion de parler de l’alcool et d’apporter certaines idées, entre autres que ce n’est peut-être pas normal que les jeunes puissent accéder sans problème à l’alcool dès l’âge de 16 ans.

 

Les usagers de drogue peuvent être pris en charge à plusieurs endroits dans le pays. Conseils, traitements de substitution, foyers de nuit, prises en charge hospitalières, salles d'injection, traitements, suivis sont disponibles dans différents centres à Ettelbruck, Luxembourg et Esch-sur-Alzette. Le centre thérapeutique de Manternach est l'unique centre thérapeutique résidentiel pour personnes toxicomanes. Dans l'est se situent également plusieurs foyers post-cure et logements encadrés.

Les usagers de drogue peuvent être pris en charge à plusieurs endroits dans le pays. Conseils, traitements de substitution, foyers de nuit, prises en charge hospitalières, salles d’injection, traitements, suivis sont disponibles dans différents centres à Ettelbruck, Luxembourg et Esch-sur-Alzette.
Le centre thérapeutique de Manternach est l’unique centre thérapeutique résidentiel pour personnes toxicomanes. Dans l’est, se situent également plusieurs foyers post-cure et logements encadrés.

 

Une prise en charge multiple

De la Fixerstuff au foyer postcure, le suivi des usagers de drogue, que les statistiques tentent de cerner, ne néglige rien.

Le nombre d’usagers problématiques de drogues d’acquisition illicite (UPD) pris en charge par les institutions nationales en 2013 équivalait à 5 084 personnes (4 701 en 2002), d’après le National Drug Report 2014 pour le Luxembourg. À titre comparatif, on retiendra qu’en 2002, 2 383 personnes furent recensées par les institutions qui s’attachent à réduire la demande et 2 318 par les instances de la réduction de l’offre. En 2013, ces mêmes instances avaient recensé respectivement 2 789 et 2 295 personnes.

Le rapport indique que le nombre de personnes entrées en contact avec des instances sanitaires et répressives a augmenté de façon discontinue jusqu’en 2010, pour se stabiliser à partir de 2011. On observe toutefois, au cours de cette même période, une diminution du nombre de contacts avec les forces de l’ordre qui contraste avec une augmentation du nombre d’usagers en traitement. Cela veut dire que la police a pu se montrer plus clémente envers les usagers de drogue qui ont pris le chemin des centres de réhabilitation.

Par ailleurs, le nombre de patients en traitement aigu en milieu hospitalier a diminué au cours des dernières années, alors que les traitements spécialisés extrahospitaliers et les traitements de substitution ont gagné du terrain.

Près de 8 % de «nouveaux» en 2013

Les structures spécialisées en matière de traitement des toxicomanies sont soumises à l’obligation de disposer d’un agrément, accordé par le ministre de la Santé et sont pour la plupart conventionnées par l’État. Ces deux mécanismes permettent, en association avec d’autres instruments, d’une part, le contrôle de qualité et, d’autre part, le financement ou le cofinancement des structures visées.

On compte plusieurs centres dans le pays ( voire carte ci-contre ) avec des prises en charge différentes, que ce soit des salles d’injection à Esch-sur-Alzette ou Luxembourg (Fixerstuff), ou encore des lieux comme le centre thérapeuthique de Manternach avec un système d’accueil et de suivi.

Le nombre de patients adultes en traitement ambulatoire tend à se stabiliser, tandis que le nombre de patients en traitement résidentiel spécialisé et celui des demandeurs mineurs de traitement ambulatoire ont augmenté de façon continue. Depuis 2010, le nombre de demandeurs de traitement de substitution s’est stabilisé et le nombre de contacts avec l’ensemble des structures d’accueil à bas seuil (on comptait 124 048 contacts en 2013 contre 140 093 contacts en 2010) a diminué.

Tous centres et services de traitement confondus, 7,6 % des personnes assistées ont formulé leur première demande d’aide en 2013. Une tendance qui se confirme est une baisse de la proportion de patients en traitement de substitution âgés de moins de 25 ans et une hausse au niveau de celle regroupant les personnes âgées de 40 ans et plus.