Un logiciel espion commercialisé par une société israélienne et sa filiale domiciliées au Luxembourg aurait servi à pister le journaliste saoudien Jamal Khashoggi, assassiné en octobre. Au Grand-Duché d’enquêter… et de sévir.
Le Luxembourg doit-il intervenir auprès des autorités israéliennes au sujet de NSO Group et de sa filiale Q Cyber Technologies, voire prendre des mesures à l’encontre de ces sociétés? C’est l’objet de plusieurs questions parlementaires posées par le député David Wagner (déi Lénk), la dernière en date ayant été soumise mardi.
La société israélienne NSO Group (dont le siège est au Luxembourg) et Q Cyber Technologies, domiciliée au Kirchberg (et qui a comme principal actionnaire une société basée… aux Caïmans), produiraient en effet le logiciel espion qui aurait permis d’intercepter les conversations et de suivre le journaliste saoudien Jamal Khashoggi, assassiné en octobre dernier dans le consulat saoudien d’Istanbul, en Turquie.
Sous couvert de fournir des produits permettant de lutter contre «la pédophilie, le trafic de drogue, la traite d’êtres humains et le blanchiment d’argent», le mystérieux NSO Group est en effet soupçonné d’aider des gouvernements à épier des journalistes et des activistes, un ciblage qui constitue «une violation des droits humains internationalement reconnus», comme le rappelle l’Initiative pour un devoir de vigilance, dans un communiqué diffusé vendredi.
Devoir de vigilance
L’Initiative, lancée en mars 2018 et composée de 16 organisations de la société civile, lutte pour que l’État luxembourgeois prenne des mesures afin que les entreprises sous sa juridiction ne portent pas atteinte aux droits humains et milite pour qu’une loi en ce sens, sur le devoir de vigilance, soit votée. «Lors de son discours sur la politique étrangère et européenne le 13 mars dernier, le ministre Jean Asselborn s’indignait contre la répression à l’égard des défenseurs des droits humains. Il est temps de passer des paroles aux actes», fulmine l’Initiative.
Pour Antoniya Argirova, d’Action solidarité tiers monde (ASTM), ASBL membre de l’Initiative, «les entreprises ont la responsabilité de respecter les droits humains. Elles ne doivent pas mettre en danger les défenseurs ni entraver leur travail par le biais de leurs activités. Idem pour les États, qui doivent protéger ces défenseurs et créer un environnement sûr pour leurs activités. Il est urgent de voter une loi sur le devoir de vigilance. La responsabilité sociale des entreprises existe depuis une vingtaine d’années et a montré ses limites. Se baser sur le volontariat, comme le préconise le plan d’action national sur les entreprises et les droits humains du gouvernement, est insuffisant».
Protéger les droits humains est un principe auquel le Luxembourg a pourtant pleinement souscrit dans le cadre des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits humains, comme le rappelle le député David Wagner, citant le point I.1 : «Les États ont l’obligation de protéger lorsque des tiers, y compris des entreprises, portent atteinte aux droits de l’homme sur leur territoire ou sous leur juridiction. Cela exige l’adoption de mesures appropriées pour empêcher ces atteintes, et lorsqu’elles se produisent, enquêter à leur sujet, en punir les auteurs, et les réparer par le biais de politiques, de lois, de règles et de procédures judiciaires.»
Tatiana Salvan
Un logiciel espion dans WhatsApp
L’application de messagerie WhatsApp, utilisée par 1,5 milliard de personnes dans le monde, et qui a fondé sa popularité sur sa bonne réputation en matière de sécurité, a été infectée par un logiciel espion.
Selon un vendeur de logiciel cité par le Financial Times, qui a dévoilé la faille sécuritaire mardi, ce programme a été mis au point par… NSO Group, la même société israélienne soupçonnée d’être impliquée dans l’affaire Khashoggi, et de manière plus générale accusée d’aider des gouvernements du Moyen-Orient au Mexique à épier des militants et des journalistes.