Le Conseil d’État a examiné le projet de loi sur les archives historiques du Service de renseignement de l’État (SREL). En guise d’archives, il ne voit que des données à caractères personnelles.
La commission d’enquête parlementaire avait souligné la nécessité de soumettre à un examen historique les archives historiques du Service de renseignement de l’État. Un projet de loi allait suivre cette recommandation, mais le texte n’est pas à la hauteur de cette ambition, estime le Conseil d’État.
L’existence des archives historiques du Service de renseignement de l’État du Luxembourg (SREL) a été révélée par l’hebdomadaire le Lëtzebuerger Land qui avait publié à l’automne 2012 la retranscription d’une conversation datant de 2007 entre le Premier ministre Jean-Claude Juncker et le directeur du SREL de l’époque, Marco Mille. Il s’agissait du fameux enregistrement avec la montre-bracelet qui allait conduire, in fine, l’ancien Premier ministre à sa perte.
Les dysfonctionnements du SREL entre 2004 et 2008 allaient par la suite être méticuleusement analysés par une commission d’enquête parlementaire dont le rapporteur, François Bausch, avait livré les conclusions et les recommandations en juillet 2013. Parmi ces recommandations figurait la nécessité de soumettre à un examen historique les archives historiques du Service de renseignement de l’État, ce que le nouveau gouvernement s’est empressé de mettre en place.
En août dernier, Xavier Bettel déposait le projet de loi «régissant les archives historiques du Service de renseignement de l’État». La semaine dernière, le Conseil d’État rendait son avis sur la question et recadrait d’entrée les auteurs du projet de loi quant à son intitulé.
En effet, selon le Conseil d’État, «le projet ne vise précisément pas les archives du SREL, entendues comme tous les documents (…) destinés, par leur nature, à être conservés (…) il ne s’applique qu’à une partie des documents détenus par le SREL, à savoir à la seule «banque de données tenue par le SREL, constituée d’un fichier de données à caractère personnel établi sur support papier (…)», précise l’avis. Il suggère de rebaptiser le projet «Loi portant mise en place d’un statut spécifique pour certaines données à caractère personnel traitées par le Service de renseignement de l’État».
En fin de compte, le gouvernement ne met pas en place un cadre législatif permettant de mener «un effort collectif de réflexion autour de la question des archives secrètes», regrette le Conseil d’État, alors que le projet se limite «aux seules fiches individuelles, sans prendre en compte les autres éléments se trouvant aux archives du SREL».
Un accès à ouvrir à d’autres chercheurs
Autre critique : le projet prévoit de réserver aux seuls experts officiellement choisis par le gouvernement un droit d’accès aux données historiques. Le Conseil d’État juge que priver d’autres chercheurs de la possibilité de remettre en cause les conclusions des premiers experts «constitue une atteinte à la liberté scientifique, mais est également contraire à la volonté affichée de rendre possible une recherche objective».
L’avis du Conseil d’État comporte une opposition formelle concernant la nomination des membres du comité d’évaluation provenant de la Chambre des députés par arrêté ministériel. «Il n’appartient pas au gouvernement de nommer les représentants de la Chambre des députés dans un comité tel que celui mis en place par le projet sous examen. Le Conseil d’État s’y oppose dès lors formellement en ce que cette manière de procéder serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs».
Enfin, le Conseil d’État s’interroge sur l’utilité de ce projet de loi, alors qu’un projet de loi sur l’archivage a été déposé par Maggy Nagel (alors ministre de la Culture) juste avant son départ du gouvernement. Un texte «appelé à régir l’ensemble des fonds d’archives publiques, y compris dès lors ceux du SREL pris dans leur ensemble et donc également les données visées au projet sous examen», avise le Conseil d’État.
Geneviève Montaigu