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Antiterrorisme : vides juridiques comblés


Le cadre législatif qui fait face à l’enrôlement de futurs jihadistes par des groupes islamistes radicaux qui seraient amenés à se battre au nom de la « guerre sainte » a été renforcé par le gouvernement.

Conseil de gouvernement du 23 décembre 2014 - Briefing du Premi

Xavier Bettel et Félix Braz lors du dernier briefing sur le Conseil du gouvernement avant Noël. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

La milice terroriste sunnite État islamique bouge ses pions en recrutant – toutes proportions gardées – au Luxembourg et le gouvernement répond. La récente « affaire Steve Duarte (alias Abu Muhadjir Al Andalousi) », mais également l’arrestation à Canach d’un membre d’origine belge de l’État islamique, sans rappeler la mort de deux résidents luxembourgeois, qui avaient rejoint, de leur plein gré, un groupe armé en Syrie, après avoir fréquenté une salle de prière à Esch : soit autant d’événements qui ont marqué l’année 2014 et montré que le Luxembourg était directement ou indirectement concerné par la menace terroriste. À l’occasion du dernier conseil de gouvernement de l’année, le ministre de la Justice est monté mardi au créneau et a annoncé que les vides juridiques en matière de lutte antiterroriste seront comblés. Sur la forme, il s’agit de la transposition d’une résolution adoptée au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU.

> Terrorisme « passif » et élément intentionnel

Sur le fond, le projet de loi prévoit d’introduire de nouvelles dispositions dans le code pénal. Objectif ? Se donner les moyens juridiques afin de pouvoir inculper à l’avenir le recrutement et l’entraînement « passifs » à des fins terroristes. Comprendre que le fait de se « laisser » recruter ou entraîner dans ce cadre sera, à terme, incriminable. Et le ministre Félix Braz de préciser l’importance de l’élément intentionnel dans le chef de la personne incriminable : « L’élément intentionnel doit être caractérisé. Il y a caractérisation lorsque la personne se « laisse » recruter ou entraîner à des fins terroristes », a-t-il encore spécifié. Tombera également sous le coup de la loi l’action d’incitation ou de provocation au terrorisme, «en-dehors de la place publique». Concrètement, si l’appel au terrorisme effectué sur la place publique était déjà prévu par le législateur comme constituant une infraction, les « nouvelles » formes de propagation, utilisant les canaux des réseaux sociaux et autres forums de discussion d’internet, tombaient dans un vide juridique. Toutes les incitations au terrorisme émanant aussi bien des nouvelles technologies de l’information et de la communication que de cercles restreints, associations ou centres religieux, seront désormais inscrites au code pénal.

« Il s’agissait de combler cette lacune », s’est exclamé le ministre de la Justice. Une lacune notamment décelée en août dernier par le député ADR Roy Reding qui s’était interrogé sur les moyens d’empêcher un résident de se rendre dans un territoire en guerre, en vue d’y combattre. En guise de réponse, les ministres compétents pour la Justice et de la Sécurité intérieure déploraient à l’unisson le fait qu' »il n’exist(ait) pas, (à l’heure actuelle), de dispositions permettant d’empêcher un Luxembourgeois ou un résident luxembourgeois de voyager dans un autre pays, simplement parce que sa volonté serait de prendre part à une guerre ». Soit un autre vide juridique qui tendra à être comblé, lui, par un renforcement du code d’instruction criminelle, qui permettra à un juge d’instruction de confisquer les papiers d’identité d’une personne – de nationalité luxembourgeoise – suspectée. « Toute procédure de ce type sera judiciaire et non administrative comme dans certains pays », a tenu à souligner avec fermeté le ministre Félix Braz. Avant de conclure avec l’annonce de la ratification d’une convention avec les États-Unis, visant l’échange d’informations telles que profils ADN et empreintes digitales.
De notre journaliste Claude Damiani