La décision de lever l’obligation du port du masque constitue un soulagement pour les élèves. Alain Massen, le président de la Représentation nationale des parents d’élèves, revient également sur les autres défis de la rentrée des classes.
La gestion de la pandémie de coronavirus a monopolisé jusqu’à présent les travaux de la toute jeune Représentation nationale des parents d’élèves. À deux jours de la rentrée scolaire 2021/2022, le président Alain Massen revient sur le concept sanitaire retenu par le ministère de l’Éducation nationale. Il évoque également les autres défis qui se présentent au système scolaire.
La principale nouveauté de la rentrée scolaire est la levée de l’obligation du port du masque de protection en salle de classe. Des représentants du corps médical estiment que ce pas est précoce. Comment jugez-vous cette décision majeure?
Alain Massen : Nous étions déjà d’avis à la fin d’année scolaire écoulée que les masques auraient dû pouvoir être enlevés pendant les cours. Le port du masque n’est pas très propice au développement des enfants. Bon nombre d’élèves connaissent des difficultés à apprendre les langues. Il est d’autant plus important de pouvoir voir la mimique des enseignants. L’enseignement à distance a déjà eu un impact négatif sur cet apprentissage. Le port du masque est totalement contreproductif pour les plus petits. Il n’y a également pas eu de logique dans la décision d’imposer le port du masque en salle de classe alors que ce dernier pouvait être enlevé lorsque les élèves mangeaient ensemble. La mesure ne faisait plus de sens pour nous.
Les avantages de pouvoir faire tomber le masque sont donc à vos yeux plus importants que le risque que cela peut représenter, surtout en sachant que les moins de 12 ans ne sont pas encore vaccinés?
Il ne faut pas uniquement prendre en considération le risque d’infection, qui est bien réel, mais nous savons aussi que les enfants présentent beaucoup moins de risques de tomber gravement malades. De l’autre côté, il faut tenir compte du développement social des enfants. S’y ajoute aussi le fait que côtoyer en permanence des camarades portant un masque suggère que votre ami représente un danger potentiel. Porter le masque sur une si longue durée a un impact plus important pour les enfants que pour les adultes. Les avantages l’emportent donc très clairement sur les risques.
Une stratégie de testing renforcé est censée encadrer cet assouplissement des mesures sanitaires à l’école. Ces dépistages restent toutefois volontaires et nécessitent, pour les mineurs, l’accord des parents. N’aurait-il pas fallu faire un pas de plus en rendant ces autotests obligatoires?
Dans le fondamental, on aurait pu s’imaginer trois tests par semaine au lieu des deux qui sont prévus pour le moment. Cela aurait permis d’avoir un degré de sécurité supplémentaire sur l’ensemble de la semaine. Pour ce qui est du secondaire, il aurait aussi été préférable d’effectuer deux, voire trois tests par semaine, et tous à l’école. Au départ, le ministère ne voulait faire effectuer aucun test dans les lycées et se limiter à deux tests par semaine à domicile. Nous nous sommes opposés à cette proposition. Il est plus sensé que ces tests soient effectués sous surveillance.
Le ministre Claude Meisch a évoqué que près de 90 % des parents ont marqué, lors de l’année scolaire écoulée, leur accord pour que leurs enfants soient testés à l’école. Pouvez-vous confirmer l’accueil positif de la mesure?
Dans un premier temps, une série de parents se sont montrés plus sceptiques. Avec le temps et les expériences qui ont été faites, il s’est avéré que les élèves sont tout à fait à même de réaliser cet autotest nasal. Il est toutefois clair, et cela va rester le cas, qu’il existe toujours des parents qui refusent les tests et la vaccination. On ne peut forcer personne à effectuer un test. Il nous faut donc respecter le choix, même si certains parents nous ont dit qu’ils se sentiraient mieux si les enfants non vaccinés et non testés soient obligés de continuer à porter le masque.
Des appels sont aussi lancés pour inciter les parents à se faire vacciner en plus grand nombre pour justement mieux protéger leurs propres enfants. Pouvez-vous adhérer à cet appel?
En tant que représentants des parents d’élèves, il ne nous revient pas de faire le travail des hommes et femmes politiques. En d’autres termes, il n’est pas de notre devoir d’imposer ou non la vaccination à certaines catégories de personnes. Il s’agit de décisions sensibles qui relèvent du secret médical. Nous ne sommes pas non plus des experts en médecine. Je ne pense donc pas que l’on va relayer cet appel auprès des parents d’élèves. Chacun doit prendre une décision en tenant compte de sa responsabilité envers soi-même, envers ses enfants et la société dans son ensemble.
L’option d’introduire le « Covid Check“ dans les lycées n’a finalement pas été retenue. Quelle a été votre position à ce sujet?
Il est toujours difficile de définir une position qui inclut les avis de tout le monde. Nous représentons 200 000 parents d’élèves. Les positions peuvent donc très fortement diverger. Il y a eu débat en interne, mais dans ce cas précis, nous avons estimé que le recours généralisé au « Covid Check« aurait été sensé. L’effort des parents qui acceptent que leurs enfants se fassent tester et vacciner ne doit pas être mis en péril par les autres. D’un autre côté, si l’on sait que seulement une petite minorité de 10 % refuse de se faire tester, cela pourrait mener à des situations où un seul élève par classe risque d’être isolé et de se faire harceler en raison d’une décision de ses parents.
Par contre, le dispositif sanitaire qui sera d’application en cas d’infection prévoit que les enfants non testés ou non vaccinés soient mis à l’écart. Comment jugez-vous donc de concept?
Il y a toujours des arbitrages à effectuer. Il faut aussi savoir qu’il n’existe pas de solution idéale. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que chaque pays dispose de règles différentes pour gérer la crise sanitaire dans les écoles. Chaque concept a ses avantages et désavantages. Pour revenir au concept retenu au Luxembourg, on aurait pu faire un pas de plus dans l’une ou l’autre direction. Mais en fin de compte, nous saluons qu’un genre de « Covid Check« soit d’application dès qu’un cas positif sera détecté dans une classe.
Dans la foulée de sa présentation par le ministre Meisch, vous avez critiqué que le concept retenu mise trop sur la réactivité. Quelles mesures auriez-vous prises pour instaurer un cadre plus proactif?
Déjà en amont de la rentrée 2020/2021, nous avons déploré qu’un plan cadre fasse défaut. Le modèle par paliers en place ne fait que réagir à des infections. Plus globalement, le gouvernement mise sur une stratégie qui est actualisée toutes les quatre ou six semaines en fonction de la propagation du virus. Il serait préférable d’avoir un plan qui définisse d’emblée les mesures à prendre en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. Une loi cadre aurait aussi pour avantage de pouvoir adapter les mesures sur le plan local et régional. Pourquoi une école fondamentale située dans le nord du pays, qui n’a enregistré aucune infection doit suivre les mêmes mesures sanitaires qu’un lycée dans le Sud, comptant un grand nombre de cas d’infections? Pour pouvoir avancer dans cette direction, nous réclamons depuis longtemps la mise en place d’un groupe de travail réunissant les ministères ainsi que les représentants des élèves, des enseignants et des parents d’élèves pour évaluer la situation et prendre, sur base d’un consensus, les mesures sanitaires qui s’imposent.
Il est reproché au ministre de l’Éducation nationale de se contenter de consulter les partenaires scolaires sans leur donner l’occasion de faire valoir leurs arguments et propositions. Est-ce que la relation avec Claude Meisch s’est améliorée en prévision de cette rentrée 2021-2022?
La relation entre les parents d’élèves et le ministre n’a jamais été mauvaise. Nous n’avons cependant jamais caché que l’on souhaite être informés plus tôt des mesures que le ministère compte prendre. Le scénario actuel veut que les plans soient soumis lors d’une visioconférence. On est censés réagir lors de cette même réunion aux mesures envisagées, sans avoir la possibilité de prendre un peu de recul et de se concerter en interne. Il serait préférable de procéder en deux étapes. Pour l’instant, l’échange est minimal, ce qui rend impossible la recherche constructive de solutions adéquates.
Comment se portent les enfants avant cette deuxième rentrée des classes en mode pandémie? La question s’adresse à la fois au représentant des parents d’élèves et au psychothérapeute que vous êtes.
Les retours que nous recevons de la part des parents sont que les enfants abordent cette nouvelle année scolaire avec un plus grand optimisme. La décision de pouvoir enlever le masque y contribue beaucoup. D’une manière plus générale, il nous faut toutefois constater que le bien-être des enfants et adolescents a souffert durant cette pandémie. Dans mon cabinet, je n’ai encore jamais enregistré un aussi grand nombre de demandes pour prendre en charge des jeunes souffrant de démotivation, d’anxiétés et d’autres troubles mentaux.
La reprise des activités péri- et parascolaires peut-elle également contribuer à renforcer le bien-être des jeunes?
Absolument. Il ne faut jamais oublier que pour les enfants et les adolescents l’aspect social est d’une importance absolue. Se construire au contact d’autres enfants, développer son identité, apprendre à se comporter dans un groupe sont des facteurs primordiaux pour le développement d’une jeune personne. Il est dramatique qu’ils soient désormais privés depuis plus d’un an et demi de ces contacts étroits. Et en tant que praticien, je suis aussi d’avis que le retard accumulé ne pourra pas être rattrapé dans un délai de quelques mois.
Le manque de développement de compétences sociales figure sur la liste des problèmes qui doivent être abordés
Au-delà de la crise sanitaire, il ne faut pas perdre des yeux que d’autres défis majeurs sont à relever par l’école. Quels sont, selon vous, les chantiers qui sont à aborder en priorité?
Un grand nombre de chantiers étaient déjà présents avant le début de la pandémie. L’intégration par la langue, la question de l’alphabétisation en allemand alors que le français pèse plus lourdement au quotidien, la vétusté des grilles horaires, le manque de développement de compétences sociales et de communication figurent sur la liste des problèmes qui doivent être abordés. Développer ce genre de compétences peut s’avérer aujourd’hui plus important que la maîtrise du « plus-que-parfait« . Une grande partie de la matière enseignée à l’école est facile à retrouver en ligne. Il est plus compliqué de développer les compétences que je viens d’énumérer. Le système scolaire doit se moderniser dans son ensemble.
Est-ce que le ministre fixe les bonnes priorités – citons le coding en exemple – pour réussir cette modernisation?
Si l’on veut faire évoluer le système scolaire, il faut avoir une vision à long terme. On ne peut pas se fixer des objectifs d’une année scolaire à l’autre. Les objectifs à atteindre sont à fixer sur une durée de 10, 15 ou 20 années. Notre intention est de nous consacrer davantage sur ces thématiques après les 18 derniers mois qui étaient majoritairement dévolus à la crise sanitaire.
David Marques