Les entreprises reçoivent le décompte de l’Adem qui réclame le remboursement des avances versées pendant l’état de crise au titre du chômage partiel. L’État attend un retour de 40 % des 800 millions avancés.
I want my money back. L’heure du remboursement a sonné pour les entreprises qui ont pu bénéficier des avances de l’État liées au chômage partiel «Covid-19» pendant la durée du confinement. Sur les plus de 900 millions d’euros versés, l’État attend des remboursements à hauteur de 40 %. «C’était le deal dès le départ, les entreprises disposaient de trois mois pour faire leurs décomptes avant de rembourser le trop-perçu», rappelle Dan Kersch, le ministre du Travail. Il estime que d’ici une semaine, l’ensemble des décomptes des mois de mars et avril seront traités. Son administration met la gomme pour boucler les dossiers.
L’avance versée par l’État équivalait à 80 % des frais salariaux des chômeurs partiels, calculés sur base des frais salariaux moyens de l’entreprise. «Il s’agissait d’estimations bien entendu donc nous savions que les entreprises allaient rembourser un montant impressionnant», poursuit Dan Kersch. À la fin du mois, l’entreprise devait effectuer un décompte détaillé mentionnant les heures réellement chômées et les sommes réellement dues par l’État.
Les entreprises éligibles au chômage partiel structurel devront d’abord rembourser les avances «Covid» avant de pouvoir bénéficier de nouvelles aides. Si le ministre du Travail déclare que ce procédé était une demande des entreprises pour «mieux voir où elles en étaient», du côté de la Fédération des artisans (FDA), on ne s’attendait pas à autant de zèle.
«Ils» attendent tous un chèque des entreprises
«Le problème, c’est que toutes les administrations s’y mettent en même temps», observe Romain Schmit, président de la FDA. L’Enregistrement, le Centre commun de la sécurité sociale, l’Adem… ils attendent tous un chèque des entreprises. «J’ai parlé à une grande entreprise qui doit rembourser pour le mois de mars plus de la moitié des sommes obtenues, soit 250 000 euros sur 400 000 euros avancés par l’État. Le directeur le savait, sa trésorerie est saine pour l’instant mais si tout le monde lui tombe dessus, il sera vite à sec», illustre Romain Schmit.
Le président de la FDA suggère que les différentes instances se concertent afin de pouvoir établir un plan de remboursement pour chaque entreprise et qu’une seule administration soit en charge de le coordonner. Cette discussion ne semble pas être à l’ordre du jour du côté du ministère du Travail qui se presse de solder les comptes.
Pourquoi autant d’argent versé ? Il s’agissait, comme l’a indiqué Dan Kersch, d’estimations faites à la louche qui ne prenaient pas en compte les autres formes d’arrêts de travail réguliers ou exceptionnels accordés par le gouvernement. Le décompte prend donc en considération les salariés ayant bénéficié d’un congé pour raisons familiales, ceux qui ont produit des arrêts pour cause de maladie, et les salariés qui ont quand même travaillé sous le chômage partiel. «En mars et avril, les services administratifs des entreprises artisanales ont tourné à plein régime, au moins pour la comptabilité parce qu’il fallait faire rentrer de l’argent», illustre Romain Schmit.
Les mauvais payeurs au tribunal
Toutes les entreprises touchées de près ou de loin par les conséquences de la crise sanitaire ont été soutenues par le gouvernement. Le ministre Dan Kersch insiste sur cet aspect et ne regrette rien, même si pour certaines entreprises, le glas avait déjà sonné. «Bien sûr, dans le lot, il y avait des entreprises déjà mal en point avant la crise et qui n’ont pas réussi à se relever. Celles-là ont fait faillite et je me souviens que le ministre de l’Économie, Franz Fayot, avait averti que le gouvernement ne pourrait pas sauver tout le monde. Sa déclaration avait d’ailleurs fait scandale, mais c’était la triste réalité», rappelle Dan Kersch.
Et puis il y a eu les abus. Les avances versées par l’État ne devaient servir qu’à payer les salaires, exclusivement. «Si l’argent a servi à autre chose, c’est clair que c’est un détournement et s’il n’y a pas de remboursement, alors le dossier file au tribunal», prévient Dan Kersch.
Selon lui, il y a quelques cas. «Des entreprises sont tombées en faillite mais ont touché l’argent du chômage partiel qui n’a malheureusement pas servi à payer les salaires, on est clairement dans une fraude», constate encore le ministre du Travail. Les abus sont inévitables, avec 14 000 entreprises concernées quand, d’ordinaire, le chômage partiel ne touche qu’une trentaine d’entreprises par mois.
Geneviève Montaigu
Se tourner vers les aides remboursables
À la date du 10 juin, le chômage partiel «Covid-19» a été accordé à 14 537 entreprises. L’État a versé 357 500 salaires pour un montant estimé à 800 millions d’euros. Après l’état de crise qui s’est achevé le 24 juin, un autre plan de soutien avait pris le relais. Il s’agit d’un paquet de mesures qui a pour objectif de poser les jalons pour un nouveau départ de l’économie luxembourgeoise à la suite de la crise sanitaire Covid-19. Avec ce paquet de mesures supplémentaires à un coût final qui se situera entre 700 et 800 millions euros, le gouvernement a jusqu’à présent mis à disposition des dépenses directes à hauteur de 3 milliards, soit 5 % du PIB, pour soutenir l’économie.
«C’est le moment de se tourner vers le ministère de l’Économie pour réclamer l’aide remboursable qui n’a pas eu le succès escompté depuis le début de la crise. Ce qui est un peu normal parce que pourquoi demander une aide remboursable si on reçoit déjà de l’argent de l’Adem?», observe Romain Schmit.
Mais maintenant qu’il faut d’abord rembourser les aides aux administrations avant de pouvoir en réclamer de nouvelles, les entreprises pourraient faire appel à ces prêts. Dans le cadre du paquet de mesures de soutien «Neistart Lëtzebuerg», le régime d’aides en faveur des entreprises en difficulté financière temporaire a été modifié.
Le délai de validité a été prolongé. Toute demande doit être soumise au plus tard au 1er décembre 2020. L’aide maximale a été augmentée à 800 000 euros par entreprise unique.
Les micro- et petites entreprises sont exemptées du critère de l’entreprise en difficulté.