Le magazine allemand a publié, samedi, trois pages sur l’affaire du SREL. L’ex-directeur du Service de renseignement, Marco Mille, qui s’est confié en exclusivité au Spiegel, charge l’ancien Premier ministre.
On ne sait pas si Jean-Claude Juncker a passé un week-end de tout repos. Mais en tout cas, il ne doit pas avoir apprécié les trois pages publiées dans la dernière édition du Spiegel, magazine d’information de référence publié tous les samedis en Allemagne. Nos confrères basés à Hambourg reviennent en long et en large sur l’affaire du SREL et le futur procès sur les écoutes illégales lors duquel trois anciens agents du service de renseignement luxembourgeois, dont l’ex-directeur Marco Mille, devront répondre de leurs actes.
En novembre dernier, ce procès avait été reporté à la dernière minute en raison de l’agenda trop chargé de Jean-Claude Juncker, cité comme témoin dans ce procès qui fera du bruit. L’ancien président de la commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements au SREL, Alex Bodry (LSAP), nous avait dit le 27 novembre dernier que Juncker risquait «de passer un moment difficile» lors de ce procès, dans lequel il n’est «que» témoin. Mais ce sont bien les conclusions de cette même commission d’enquête qui en juillet 2013 avaient mené à la chute du gouvernement Juncker, au pouvoir depuis 1995 avec un CSV ultradominant. Les élections anticipées d’octobre 2013 aboutirent à la mise à l’écart des chrétiens-sociaux mais ouvrirent la porte européenne tant désirée par Jean-Claude Juncker.
Mais maintenant, à quelques mois seulement de la prochaine échéance électorale, les démons du passé refont surface, et ce de manière de plus en plus fracassante. «Ce procès aura un retentissement au-delà des frontières du Luxembourg, y compris dans la presse et au niveau de la politique internationale, en raison de la citation comme témoin de Jean-Claude Juncker. Par contre, je ne vois pas dans l’immédiat des répercussions sur la politique nationale. Mais les vieux spectres vont bien évidemment refaire surface. On aura à nouveau des débats sur tout. Et on ne sera pas à l’abri de l’une ou l’autre surprise», avait confié dans nos colonnes Alex Bodry en novembre.
Le chef de file du LSAP à la Chambre des députés avait vu juste. Dès le mois de décembre, le London Times avait consacré plusieurs articles à l’affaire du SREL. Si l’entourage de Juncker se dit étonné par cette campagne, le principal intéressé a préféré garder le silence après les publications dans la presse britannique. «Avec l’âge, j’ai appris à faire le dos rond», s’était ainsi contenté de dire l’ancien Premier ministre en marge du sommet européen du 16 décembre dernier.
La prochaine salve vient d’être lancée par le Spiegel, avec le concours de Marco Mille. L’ancien directeur du SREL, qui avait enregistré le 31 janvier 2007 un entretien avec Juncker ayant concerné l’écoute du technicien Loris Mariotto, s’est confié en exclusivité à nos confrères allemands.
Mille : Juncker a autorisé l’écoute
Cette écoute portant sur celui qui est l’auteur du fameux CD crypté qui contiendrait un entretien du Premier ministre avec le Grand-Duc Henri sur l’affaire Bommeleeër, est considérée comme illégale par la justice, qui a donc mis en accusation Marco Mille et deux autres anciens agents. «Mille a longtemps été un acteur mineur dans cette affaire. Aujourd’hui c’est tout le contraire. Maintenant Mille doit répondre de ses actes devant les juges et pourrait mettre en difficulté Juncker», peut-on lire dans le Spiegel. Marco Mille est depuis son départ en 2009 du SREL chef de la sécurité chez Siemens. On apprend dans l’article publié samedi qu’il a notamment cordonné une mission de sauvetage de plusieurs collaborateurs de la société munichoise encerclés en juin 2014 par des combattants de l’État islamique au nord de Bagdad, la capitale irakienne.
Marco Mille n’est donc pas quelqu’un qui «hésite», comme le souligne le Spiegel. Face à la presse luxembourgeoise, il a cependant gardé le silence. Seule exception : la publication de deux procès-verbaux qui ont servi de base à la mise en accusation des trois anciens agents du SREL. Dans une première version, l’implication de Juncker avait été rendue moins accablante. Mille a dès novembre déposé plainte contre X pour usage de faux.
Dans l’entretien, Marco Mille insiste sur le fait que l’ancien Premier ministre lui avait bien donné l’autorisation pour écouter le téléphone de Mariotto. Jean-Claude Juncker a affirmé devant le juge d’instruction le 2 mai 2015 ne pas se souvenir d’avoir donné cette autorisation. C’est précisément ici que se trouve LA question à trancher par les juges. Marco Mille accuse aujourd’hui Juncker d’avoir «menti» au juge, le tout après avoir prêté serment.
Le procès sur l’affaire du SREL, pour lequel il n’existe toujours pas de nouvelle date (contacté par nos soins, le service de presse de la justice nous a confirmé l’absence de date précise), risque donc bien d’être retentissant à bien des égards. Jean-Claude Juncker doit commencer à s’en rendre compte… dans la douleur.
David Marques