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[Affaire du SREL] Les ex-agents fixés sur leur sort le 30 avril


Un CD crypté se trouve à la base de l'écoute supposée illégale menée par des agents du SREL. Le procès s'est clôturé jeudi matin (Photo : archives editpress)

Le procès contre trois ex-agents secrets accusés d’avoir mené une écoute illégale s’est achevé ce jeudi matin. Treize ans après les faits, de nombreuses zones d’ombre persistent. Les juges se prononceront le 30 avril.

D’un point de vue juridique, l’acquittement est la seule conclusion logique», clame une ultime fois Me Laurent Ries, l’avocat de Frank Schneider, l’ancien chef des opérations du SREL. «Tout le monde a compris ce qui s’est passé. Seul le parquet estime que Jean-Claude Juncker avait mal compris», renchérit Me Laurent Niedner, le défenseur de Marco Mille, ancien directeur du Service de renseignement de l’État. «Cette affaire est un montage délibéré», complète sans sourciller Me Pol Urbany, conseil d’André Kemmer, ancien agent du SREL.

Jeudi matin, la défense ne s’est pas privée d’attaquer de front le réquisitoire livré la veille par le représentant du parquet. Jean-Jacques Dolar avait conclu que les infractions reprochées aux trois prévenus étaient avérées. Le futur procureur d’État adjoint a cependant recommandé au tribunal de se limiter à une amende sans prononcer de peine de prison à l’égard des trois prévenus. L’amende maximale est fixée à 125 000 euros.

Les juges de la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, présidée par Marc Thill, auront jusqu’au 30 avril pour trancher une affaire hors du commun. La principale interrogation est : l’écoute menée entre le 26 et le 29 janvier 2007 sur l’homme d’affaires Loris Mariotto a-t-elle été autorisée par le Premier ministre. Pour la défense, la réponse est oui. Les avocats se réfèrent tous les trois à l’enregistrement d’un débriefing entre Jean-Claude Juncker et le directeur du SREL, réalisé en cachette le 31 janvier 2007. «Pour moi, il s’agissait d’une pièce liée à l’affaire Bommeleeër», s’est justifié jeudi Marco Mille. Auparavant, l’ancien directeur avait évoqué le fait d’avoir eu besoin d’une preuve matérielle pour rassurer ses collègues. Il a également évoqué le fait d’avoir voulu tester le Premier ministre. «Jean-Claude Juncker était un suspect», lance même Me Niedner. En fin de compte, le ministre d’État n’aurait pas voulu empêcher le SREL d’en savoir plus sur une supposée implication de la Cour grand-ducale dans l’affaire Bommeleeër.

Juncker encore dans le viseur

Le spectre des poseurs de bombes n’est pas le seul à avoir plané au-dessus de ce procès. «C’est une affaire politique», a encore répété jeudi André Kemmer. Pour lui, il s’agit d’un complot pour faire chuter Jean-Claude Juncker, qui a bien été contraint de démissionner en juillet 2013. «Le parquet s’est engagé sur la même voie que la commission d’enquête parlementaire, qui en 2013 avait pourtant fait un contresens flagrant», complète Me Niedner, en renvoyant vers le fait que les députés n’avaient pas bronché en 2009 au moment de prendre connaissance de l’enregistrement Mille-Juncker. Le coup de la montre-bracelet mais aussi l’écoute du sujet Mariotto auraient par contre été des opérations «pertinentes». «Le SREL se devait d’agir. Il est humiliant de voir le parquet traiter les anciens agents d’incompétents», fustige Me Urbany.

Jean-Claude Juncker est selon le parquet resté «ferme» dans ses déclarations. L’ancien Premier ministre affirme ne plus se rappeler d’avoir validé l’écoute sur Loris Mariotto. Pour Jean-Jacques Dolar, «l’extraordinaire» enregistrement du débriefing ne contient pas d’éléments où le ministre d’État confirme son autorisation. Pour lui, le «stress» provoqué par le contenu potentiellement explosif du CD crypté, obtenu au bout de 15 mois par Loris Mariotto, aurait pu pousser les prévenus à l’erreur.

Une des clés du procès reste l’interprétation de la phrase suivante, prononcée le 31 janvier 2007 par Jean-Claude Juncker : «Nous n’avons rien entendu non plus ces deux derniers jours lorsque nous avons écouté.» Peu avant, le directeur du SREL disait : «Pour cette écoute, j’avais demandé ton aval vendredi soir. Tu l’as autorisée.»

La police judiciaire, Jean-Claude Juncker, le parquet, les prévenus et leurs avocats ont livré leur interprétation des choses. Il revient désormais aux juges de retrouver le fil rouge qui fait tant défaut dans cette affaire.

David Marques

«Le Grand-Duc n’est pas dieu»

Qualifié de «fantôme» par nos confrères de la radio 100,7, l’ombre du technophile Loris Mariotto a flotté jusqu’au bout sur le procès du SREL. Ce nébuleux homme d’affaires est à la fois le lanceur d’alerte et le fournisseur du fameux CD crypté qui contiendrait l’enregistrement d’un entretien entre le Premier ministre et le Grand-Duc sur l’affaire Bommeleeër. Il aurait été approché par deux collaborateurs de la Cour grand-ducale. L’enquête n’a permis en rien de mêler ces deux membres de la garde rapprochée du souverain à cette affaire. Les caméras de surveillance installées par Loris Mariotto à son domicile auraient été hors service le jour où il aurait reçu les deux hommes… Ce matin, Me Laurent Ries, avocat de Frank Schneider, a précisé qu’une plainte d’un des deux collaborateurs chargés par Mariotto a été classée sans suite.
Mercredi, la radio 100,7 avait révélé que le même Loris Mariotto avait aussi installé un système d’alarme pour le Grand-Duc. Avec un dispositif d’écoute secret? «On a bien auditionné le Premier ministre. Pourquoi le Grand-Duc ne l’a pas été. Le Grand-Duc n’est pas dieu. On aurait pu lui demander s’il connaissait Loris Mariotto», avait martelé dès mercredi Me Pol Urbany, avocat d’André Kemmer.
Le procès s’est clôturé jeudi sans que le «fantôme» ait disparu…