Au bout du sixième jour du procès contre trois ex-agents du SREL, le représentant du parquet a demandé aux juges de se limiter à une amende, dont le montant reste à fixer. Selon Jean-Jacques Dolar, l’écoute menée en 2007 contre un nébuleux homme d’affaires était bien illégale. Les autres infractions seraient aussi prouvées à la suite de l’instruction de l’affaire par le tribunal.
Pour le parquet, représenté par le futur procureur d’État adjoint Jean-Jacques Dolar, il s’agit d’«une très grave affaire». Il relativise toutefois les choses en soulignant que les faits remontent à 2007. «On pourrait dire que le trouble n’est plus si important», indique le magistrat lors de son réquisitoire tout en renvoyant vers l’absence d’antécédents judiciaires des trois prévenus. «Je suis donc d’avis que le tribunal pourra se limiter à une amende sans recourir à une peine de prison», conclut Jean-Jacques Dolar au bout du sixième jour du procès mené contre l’ancien directeur du Service de renseignement de l’État (SREL), Marco Mille, l’ancien chef des opérations, Frank Schneider et l’ancien agent André Kemmer.
Avant de présenter ses conclusions, le parquetier a retracé «une affaire très spéciale» qui a notamment eu «un impact politique». «Une soi-disant écoute du Premier ministre» avec le Grand-Duc se serait soldée par une «autre écoute sur le Premier ministre». La chronologie de cette affaire indique en effet que le SREL est informé fin 2015 de la possible existence d’un CD comprenant l’enregistrement d’un explosif entretien entre Jean-Claude Juncker et le souverain. Ce CD est remis fin janvier 2017 au Service de renseignement. «De concert», les trois prévenus décident de mettre sur écoute le fournisseur de ce CD «non pas crypté, mais manipulé», le tout «sans autorisation» du Premier ministre, qui le 31 janvier 2007 est mis à son insu sur écoute par Marco Mille. En juillet 2013, Jean-Claude Juncker est contraint de démissionner en raison d’un ensemble de dysfonctionnements au SREL.
«Blague», «canular» ou «piège»?
«Il s’agit d’une histoire surréelle», tranche Jean-Jacques Dolar. Il s’interroge dans la foulée: et si ce «conte de fées» potentiel, lancé par Loris Mariotto, était en fin de compte une «blague», un «canular», une «fake news» ou même un «piège» dressé contre le SREL. «Qui a eu intérêt à propager un tel canular? Quel a été le rôle de Mariotto? Treize ans plus tard, on ne sait toujours pas», ajoute le magistrat.
Par contre, le représentant du parquet se dit convaincu que l’écoute menée dans la foulée de la remise du CD contre Loris Mariotto était bien illégale. Il renvoie vers toute une série d’incohérences dans les déclarations de Marco Mille, mais aussi d’André Kemmer. «Le fait même que le directeur ait refusé de signer la fiche technique de l’écoute et qu’il ait ordonné la destruction de tous les éléments est une preuve. Il en va de même du fait qu’il ait décidé avec André Kemmer d’enregistrer à l’aide d’une montre-bracelet l’entretien avec le Premier ministre pour obtenir la preuve qu’il avait bien obtenu une autorisation pour l’écoute», argumente Jean-Jacques Dolar. Il aurait été bien «plus élégant» et «plus propre» de se «faire confirmer par écrit une écoute», qui selon les dires de Marco Mille, avait été autorisée oralement. «Mais il a eu l’idée extraordinaire d’enregistrer le Premier ministre pour obtenir confirmation de l’autorisation», fustige le magistrat.
Ils risquaient jusqu’à 1 an de prison
Il se «rapporte» toutefois «à prudence» du tribunal d’évaluer le rôle joué par Frank Schneider et André Kemmer dans l’écoute menée contre Loris Mariotto. Le même tribunal doit, selon le parquetier, trancher si les «fichiers audio», qui selon lui ont bien été «détournés», sont «une preuve suffisamment crédible pour l’utiliser dans le cadre de ce procès». Mais au-delà de ces réflexions, Jean-Jacques Dolar estime que les infractions aux lois sur la protection de la vie privée et sur la protection des données à caractère personnel se sont confirmées après l’instruction de l’affaire par les juges. Comme évoqué, le «détournement» des différents enregistrements (Juncker-Grand-Duc, Kemmer-Mariotto et Mille-Juncker), uniquement reproché à Marco Mille et André Kemmer, est aussi avéré.
Les différentes infractions sont punissables de 8 jours à 1 an de prison et à de «lourdes amendes». Si les juges de la 12e chambre correctionnelle suivent l’argumentation du parquet, ils pourraient se contenter d’infliger une amende aux prévenus, dont le montant reste à fixer. Mais tout cela restera à confirmer au moment du jugement que rendra le tribunal. La date du prononcé sera communiquée jeudi matin.
David Marques