Le supposé emploi fictif offert à l’ancien président du CSV a été largement débattu, mercredi, au deuxième jour du procès mené contre sept prévenus, dont Frank Engel, qui se retrouve de plus en plus isolé.
L’ASBL CSV Frëndeskrees est un peu le petit vilain canard du Parti chrétien-social. «Je n’avais aucune idée de ce dont il s’agissait», admet Elisabeth Margue, qui en tant que vice-présidente du CSV, occupait le même rôle au sein de cette association, en charge de la gestion des biens immobiliers du CSV. Au printemps 2020, le président du parti, Frank Engel, a pris l’initiative de lancer un processus de modernisation. Pourquoi a-t-il sollicité une rémunération pour mener à bien ce projet? Ne s’agirait-il pas plutôt d’un emploi fictif?
Depuis mardi, les juges tentent de trouver des réponses à ces questions. Une première sentence est tombée dès le mois de mars dernier. Frank Engel a quitté la présidence du CSV après que ses pairs l’ont dénoncé au parquet. Mis sous «pression» par les dirigeants de la fraction parlementaire du parti, les membres du conseil d’administration (CA) du Frëndeskrees, hormis le président, ont signé le document. Fait cocasse : les deux vice-présidentes Elisabeth Margue et Stéphanie Weydert, le secrétaire général Félix Eischen, le trésorier André Martins et Georges Pierret, simple membre du CA, se retrouvent aujourd’hui, aux côtés de Frank Engel, sur le banc des prévenus.
Le 26 avril 2020, les dirigeants de l’ASBL actent un «accord de principe» pour offrir un contrat de travail de sept mois à Frank Engel. Une enveloppe de 40 000 euros est débloquée afin de rémunérer le président entre juin et décembre 2020. Une triple mission lui est fixée : doter le CSV d’un nouveau siège, attirer de nouveaux donateurs et transformer l’ASBL en fondation. Une estimation de la valeur des locaux occupés a été réalisée, un possible nouvel immeuble a été visité et des contacts ont été noués avec deux fondations étrangères. Assez pour justifier un salaire?
Un remboursement des indemnités touchées (quelque 43 000 euros) en cas d’échec n’a pas été inscrit dans le contrat. Pour le président, «il a toujours été clair que j’allais rembourser l’argent». C’est chose faite depuis mars. Le contrat de travail continue toutefois à poser problème. Il a été confirmé, mercredi, que seuls les trois signataires du document (Engel, Eischen et Martins) ont vu le contrat. Est-ce que les trois autres membres du CA (Margue, Weydert, Pierret) étaient au courant de son existence? Ce ne serait qu’en janvier 2021 que ce trio aurait découvert que le projet, évoqué le 24 avril 2020, a été mis à exécution. Une position crédible? En tout cas, la stratégie est de rejeter la seule faute sur l’ancien président.
Félix Eischen affirme, lui, qu’il n’aurait pas signé le contrat sans l’accord acté fin avril. André Martins n’a pas vu le besoin de faire valider le contrat par le reste du CA, composé de trois juristes. Petit mea-culpa, pourtant, de l’ancien président : «J’aurais mieux fait d’envoyer le contrat à tout le monde». «Hormis Madame Margue, j’avais téléphoné en amont de la réunion aux quatre autres membres du CA pour leur faire part de mon intention», complète Frank Engel. Pour le reste, il aurait préféré jouer la carte de la discrétion.
Qu’en est-il de la crédibilité de l’ancien eurodéputé? Il s’avère qu’il a entrepris plusieurs autres démarches pour ne pas se retrouver sans revenu fin mai 2020, date du dernier versement de l’indemnité transitoire du Parlement européen. L’idée d’un prêt remboursable aurait rapidement été écartée. Frank Engel s’est aussi vu rembourser ses cotisations sociales par le parti, autre volet du procès (lire ci-contre). Le supposé contrat de travail fictif a-t-il constitué la dernière échappatoire?
Le procès se poursuit ce matin avec le début des plaidoiries.
À lire aussi ➡ L’affaire Engel devant les juges, le CSV retient son souffle
David Marques
«La bonbonne d’eau a été refusée…»
En novembre 2019, le président Engel soumet au trésorier Georges Heirendt une demande pour se voir rembourser ses cotisations sociales (6 000 euros). Ce dernier s’exécute, alors qu’il s’agissait d’une opération sans précédent. Son successeur André Martins en fera de même fin 2020 (2 500 euros). «On nous a expliqué que Frank Engel était sans emploi et que le parti avait validé ce remboursement», explique un réviseur de caisse. Par contre, André Martins n’a pas reçu les pièces justificatives réclamées pour rembourser l’assurance auto au président (2 500 euros). «Cela n’avait encore jamais été fait», confirme-t-il. Frank Engel n’a pas insisté davantage.
Les enquêteurs de la police n’ont pas trouvé trace d’un processus décisionnel pour le versement de fonds par le parti. Seul le budget pour une campagne électorale serait validé par les instances dirigeantes du parti. Le trésorier n’aurait pas de pouvoir particulier. «Une bonbonne d’eau a toutefois été refusée», a relaté ce mercredi un avocat de la défense.
Est-ce que cette largesse explique aussi le bureau d’une valeur de 25 000 euros que se serait offert, en 2010, l’ancien président Marc Spautz? La question reste à creuser.