Quatre des six eurodéputés luxembourgeois, Charles Goerens (DP), Marc Angel (LSAP), Tilly Metz (déi gréng) et Isabel Wiseler-Lima (CSV) livrent leurs premiers sentiments sur le plan de relance de l’UE.
Au terme de quatre jours de discussions et de négociations, les 27 membres de l’Union européenne ont trouvé, dans la nuit de lundi à mardi, un accord pour un plan de relance post-Covid-19 de 750 milliards d’euros. Après avoir suivi de près les débats du Conseil européen, Charles Goerens (DP), Marc Angel (LSAP), Tilly Metz (déi gréng) et Isabel Wiseler-Lima (CSV), quatre des six eurodéputés luxembourgeois, livrent leurs premières impressions avant de discuter de ce plan de relance au sein de leurs groupes politiques respectifs ce mercredi, puis en séance au Parlement européen à Bruxelles jeudi.
Isabel Wiseler-Lima (CSV) : «La preuve de l’importance de l’UE»
«L’attente a été longue. Et oui, j’ai eu peur qu’il n’y ait pas d’accord au final. Cet accord est la preuve que les 27 ont compris qu’il fallait trouver un accord et l’importance de l’Union européenne. Nous avons tous besoin de l’UE et à la fin c’est ça qui a prévalu. Il faut aussi saluer le travail de Macron et Merkel, c’est leur proposition commune d’il y a quelques semaines qui a débloqué la situation. On est dans une nouvelle dynamique.» Néanmoins l’eurodéputée CSV émet quelques bémols : «Il y a les 750 milliards d’euros, mais nous pouvons être déçus que seulement 390 milliards d’euros soient des subventions. Il faut également voir quelles seront les modalités de remboursement des prêts. Dans le budget, on ne peut pas non plus accepter des réductions drastiques dans certains secteurs. Nous allons étudier tout ça dans le détail dans les prochaines heures au sein du groupe et en plénière.»
Marc Angel (LSAP) : «Cet accord manque d’envergure»
«Depuis ce matin (hier), tout le monde parle d’un accord historique, mais pour moi, il n’a rien d’historique car il manque d’envergure. Par exemple, j’estime que la condition portant sur l’État de droit a totalement été dissoute dans l’accord. Dans le budget pluriannuel, il y a des choses intéressantes comme la taxe sur le plastique, le projet de taxation digitale ou encore celui de taxe sur les transactions financières. Mais des programmes sur la santé, la recherche, le climat… ont eu des coupes conséquentes. Et puis, il y a encore eu des rabais conséquents pour l’Autriche, le Danemark… Il faut analyser le positif et le négatif. Il y aura des discussions. On va voir.»
Charles Goerens (DP) : «Le grand perdant, c’est le Parlement européen»
L’eurodéputé DP est «sceptique» sur l’accord trouvé par les 27. «Le Parlement européen est le grand perdant, puisqu’il pourrait ne plus avoir de droit de regard sur 40 % des dépenses publiques avec cet accord. Et la clause relative à l’État de droit doit faire le bonheur d’Orban (Hongrie), cela en dit long… Avec les rabais qu’ils ont obtenus, Kurz (Autriche) et Rutte (Pays-Bas) doivent jubiler. Ces rabais ont été possibles avec des coupes drastiques dans la santé, le climat, la recherche… C’est inacceptable.» Charles Goerens complète en soulignant : «Je ne dis pas qu’il n’y a rien de bon dans cet accord» et cite «le montant du plan de relance et la mutualisation de la dette». Il conclut en affirmant qu’il doit encore «affiner (son) analyse».
Tilly Metz (déi gréng) : «Je suis perplexe et déçue»
«Cet accord est historique dans le sens où il y a un accord pour prendre une dette commune et que l’UE va se donner des ressources propres.»
Mais pour le reste, l’eurodéputée verte fait part d’un certain nombre de critiques : «Nous sommes dans une phase urgente de crise sanitaire et également de crise climatique, et des budgets liés à la santé et à la recherche ont été réduits, voire annulés. Tout ça pour allouer des rabais à certains États. Les États membres ne sont pas égaux par rapport aux ambitions.»
Tilly Metz conclut sur les mots suivants : «Mes sentiments sont mitigés. Le plan de relance aurait pu être plus ambitieux comme l’étaient celui de la Commission européenne et la proposition du Parlement européen. Je reste perplexe et déçue. Les discussions s’annoncent vives au Parlement européen.»
Guillaume Chassaing
Interrogée sur les retombés du plan de relance européen pour le Luxembourg, l’équipe du Premier ministre Xavier Bettel est restée un peu évasive sur la question, assurant qu’il est «encore difficile d’évaluer avec exactitude les montants dont pourra bénéficier le Luxembourg».
À leur décharge, l’accord n’a été trouvé que tard dans la nuit et ses détails sont assez techniques.
Pour autant, toujours selon le bureau du Premier ministre, le «Luxembourg devrait pouvoir bénéficier d’une aide de 100 millions d’euros. Une aide directe et non remboursable dans le cadre de l’initiative REACT-EU.» À titre de comparaison, Malte devrait recevoir 50 millions d’euros.
Sur le papier, cette initiative doit apporter un financement supplémentaire aux secteurs les plus importants, qui sera crucial pour jeter les bases d’une reprise saine. Dans le descriptif de l’initiative, on peut lire ceci : «Il s’agira notamment d’investir pour soutenir les mesures de maintien de l’emploi, y compris les régimes de chômage partiel et l’aide aux travailleurs indépendants.
Les fonds pourront également être utilisés pour soutenir la création d’emplois et les mesures en faveur de l’emploi des jeunes, pour soutenir les systèmes de soins de santé, ainsi que pour mettre des fonds de roulement à la disposition des petites et moyennes entreprises et leur fournir une aide à l’investissement.»
REACT-EU dispose d’une enveloppe totale de 47,5 milliards d’euros. Son montant a été réduit pendant les négociations marathon, puisqu’il devait être de 50 milliards d’euros.
Si le plan de relance est une avancée européenne en matière d’entraide, des questions se posent, qui sont pour le moment sans réponses, comme le détail de ce plan pour le Luxembourg en matière d’aides directes et d’aides remboursables, en plus des modalités de remboursement. Autrement dit, est-ce que le contribuable luxembourgeois sera mis à contribution.
J. Z.